By: Rezo Nodwes – 26 janvier 2023
La confluence des crises en cours devrait engendrer l’un des taux de croissance économique mondiale les plus faibles de ces dernières décennies, d’après les prévisions du Rapport des Nations Unies sur la Situation et les perspectives de l’économie mondiale en 2023, publié mercredi.
Selon ce rapport, la pandémie de COVID-19, la guerre en Ukraine et les crises alimentaire et énergétique qui en ont résulté, l’inflation galopante, l’aggravation de la dette ainsi que l’urgence climatique, sont autant de facteurs qui se sont renforcés mutuellement et qui ont ébranlé l’économie mondiale en 2022, entrainant un ralentissement de la croissance de la production mondiale, qui devrait passer d’un taux estimé à 3% en 2022 à 1,9% en 2023.
« L’heure n’est ni à la réflexion à court terme, ni à l’austérité budgétaire irréfléchie qui exacerbe les inégalités, accroît les souffrances et risque de compromettre la réalisation des Objectifs de développement durable. Nous vivons une époque sans précédent, qui requiert une action sans précédent », a déclaré António Guterres, Secrétaire général de l’ONU.
« Cette action comprend un ensemble de mesures porteuses de transformations en faveur des ODD, générées par les efforts collectifs et concertés de toutes les parties prenantes », a-t-il ajouté.
Le rapport fait état de perspectives économiques sombres et incertaines à court terme. La croissance mondiale devrait enregistrer une reprise modérée pour atteindre 2,7% en 2024, lorsque certaines tendances négatives commenceront à s’atténuer. Toutefois, cette reprise sera fortement tributaire du rythme et de la succession des nouveaux durcissements monétaires, de l’évolution et des conséquences de la guerre en Ukraine ainsi que de possibles nouvelles perturbations de la chaîne d’approvisionnement.
La morosité des perspectives économiques mondiales menace également la réalisation des 17 Objectifs de développement durable (ODD), alors que le sommet de 2023 sur les ODD, en septembre, marquera la moitié du parcours de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
© FAO/John Wessels
Perspectives économiques sombres pour les économies développées et en développement
Dans un contexte de forte inflation, de durcissement monétaire agressif et d’incertitudes accrues, le marasme actuel a ralenti la reprise économique après la crise de la COVID-19, faisant planer sur plusieurs pays (développés et en développement) un risque de récession en 2023. La dynamique de croissance s’est considérablement affaiblie aux États-Unis, dans l’Union européenne et dans d’autres économies développées en 2022, ce qui, par de nombreuses voies, a eu des répercussions négatives sur le reste de l’économie mondiale.
Le durcissement des conditions financières mondiales, associé à un dollar fort, a aggravé la vulnérabilité budgétaire et la vulnérabilité face à la dette dans les pays en développement.
Depuis la fin de l’année 2021, plus de 85% des banques centrales du monde entier ont durci leur politique monétaire et relevé leurs taux d’intérêt, en succession rapide, afin de maîtriser les pressions inflationnistes et d’éviter la récession.
L’inflation mondiale, qui a atteint son niveau le plus élevé depuis plusieurs décennies, à environ 9% en 2022, devrait diminuer, mais rester à un taux élevé de 6,5% en 2023.
Une reprise de l’emploi plus faible et un taux de pauvreté en augmentation
La plupart des pays en développement ont connu une reprise de l’emploi relativement lente en 2022 et restent confrontés à une forte pénurie d’emplois. Les pertes disproportionnées en matière d’emploi qu’ont connues les femmes au cours de la phase initiale de la pandémie n’ont pas été entièrement compensées, les améliorations provenant principalement d’une reprise des emplois informels.
« Ce sont les plus vulnérables qui sont les plus durement frappés par les crises actuelles, alors qu’ils n’en sont souvent pas responsables. La communauté mondiale doit redoubler d’efforts conjoints pour éviter la souffrance humaine et favoriser un avenir inclusif et durable pour toutes et tous », a déclaré Li Junhua, le Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires économiques et sociales.
D’après le rapport, le ralentissement de la croissance, conjugué à une inflation élevée et à une vulnérabilité croissante face à la dette, risque de compromettre encore davantage les résultats durement acquis en matière de développement durable et d’aggraver les effets néfastes des crises actuelles.
En 2022, déjà, le nombre de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë avait plus que doublé par rapport à 2019, s’élevant à près de 350 millions. En plus d’entraver les efforts d’éradication de la pauvreté, une période prolongée de faiblesse économique et de ralentissement de la croissance des revenus limiterait la capacité des pays à investir plus largement dans les objectifs de développement durable.
© UNICEF/Chameera Laknath
Il faut renforcer la coopération internationale et les systèmes de protection sociale
Dans le rapport, les gouvernements sont appelés à éviter de mettre en place une austérité budgétaire qui étoufferait la croissance et nuirait démesurément aux groupes les plus vulnérables, compromettrait les progrès en matière d’égalité des genres et entraverait les perspectives de développement intergénérationnelles.
Il leur est recommandé de réaffecter les dépenses publiques et d’en redéfinir les priorités grâce à des interventions stratégiques directes qui créeront des emplois et relanceront la croissance.
Selon le rapport, il conviendrait de renforcer les systèmes de protection sociale en continuant à les épauler au moyen de subventions ciblées et temporaires, de transferts en espèces et de réductions sur les factures des services publics, qu’il serait possible de compléter par des réductions des taxes à la consommation ou des droits de douane.
Les investissements publics stratégiques dans l’éducation, la santé, les infrastructures numériques, les nouvelles technologies et l’atténuation des changements climatiques ainsi que l’adaptation à ces derniers peuvent offrir d’importants rendements sociaux, accélérer la croissance de la productivité et renforcer la résilience aux chocs économiques, sociaux et environnementaux.
Les besoins supplémentaires de financement des ODD dans les pays en développement varient selon les sources, mais sont estimés à quelques milliers de milliards de dollars par an.
« Il est nécessaire et urgent de renforcer les engagements internationaux pour élargir l’accès à l’aide financière d’urgence, pour restructurer et réduire le fardeau de la dette dans les pays en développement et pour accroître le financement des objectifs de développement durable », selon les recommandations du rapport.