By: Rezo Nodwes 4 juillet 2022
Les Caraïbes se trouvent en première ligne de l’urgence climatique mondiale, selon le chef de l’ONU
La dernière journée du Secrétaire général des Nations Unies au Suriname a commencé dans un petit avion et s’est terminée sur un podium. Un survol de 90 minutes de Paramaribo à la réserve naturelle du Suriname central a révélé à António Guterres la beauté stupéfiante de l’Amazonie, mais aussi les menaces auxquelles la forêt tropicale est confrontée en raison des activités d’exploitation minière et forestière et du changement climatique.
Lundi 4 juillet 2022 ((rezonodwes.com))–
La réserve, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, est une immense zone protégée couvrant environ 11 % du territoire national. Reconnue pour ses reliefs tabulaires et son infinie biodiversité – certaines espèces n’ayant pas encore été découvertes, elle est demeurée quasiment inaccessible et non affectée par l’activité humaine.
D’en haut, la canopée de la forêt tropicale était peinte d’innombrables nuances de vert, avec certaines cimes couvertes de vagues de fleurs orange ou même violettes. Le long du chemin, la puissante rivière Coppename, ainsi que les parties en amont des rivières Lucie, Saramacca et Suriname s’écoulaient entre les arbres dans ce qui ressemblait à une peinture de paysage.
UN News/Laura QuinonesLa réserve naturelle du Suriname central, illustrée ici, comprend 1,6 million d’hectares de forêt tropicale primaire dans le centre-ouest du Suriname.
Toutefois, avant d’atteindre la zone protégée, le chef des Nations Unies a pu constater que les forêts du Suriname étaient gravement menacées par les activités du secteur minier et de la production de bois, tous deux alimentés par des incitations visant à stimuler les activités économiques. Au-dessus du vert profond de la canopée, impossible de ne pas remarquer les taches brunâtres de la déforestation, preuves de l’exploitation aurifère destructive et des inondations.UN News/Laura QuinonesLe Suriname est le pays le plus boisé du monde, mais ses forêts tropicales vierges sont menacées, entre autres, par l’exploitation minière de l’or, de la bauxite et du kaolin.
Moment de « péril maximal »
Bien que le Suriname fasse partie du continent sud-américain, il est considéré comme une nation des Caraïbes en raison de son histoire, de sa culture et des défis similaires auxquels il est confronté avec les petites nations insulaires.
Plus tard dans la journée de dimanche, le chef de l’ONU est arrivé à l’Assuria Event Centre de Paramaribo, pour assister à l’ouverture de la 43e Conférence de la Communauté et du Marché commun des Caraïbes (CARICOM).
L’arrivée de M. Guterres a été accueillie par quatre spectacles musicaux et culturels distincts. La courte promenade a mis en évidence la diversité ethnique unique du Suriname, produit de sa longue histoire et de la colonisation néerlandaise. Des Afro-Surinamais, des Indiens d’Asie, des représentants de peuples autochtones, des descendants de Chinois et de Javanais ont présenté leurs danses traditionnelles et leurs sons folkloriques.
Sur le podium, le Secrétaire général a souligné la diversité de la région et son leadership en matière d’action climatique, tout en exposant une série de mesures à prendre face à la crise planétaire, à la pandémie de COVID-19 en cours et aux défis financiers mondiaux.
« Riches en diversité, unissant la terre et la mer et protégeant les écosystèmes côtiers fragiles, les mangroves sont un symbole approprié des nations caribéennes : elles font face aux défis, saisissent les opportunités et préservent les dons de la nature », a déclaré e dimanche le chef de l’ONU aux chefs d’État et de gouvernement de la région, inspiré par sa visite de ces merveilles côtières, puits de carbone, à Paramaribo, la veille.
M. Guterres a reconnu que les petits États côtiers insulaires de faible altitude des Caraïbes sont particulièrement vulnérables à ce qu’il a appelé « le plus grand défi auquel notre monde est confronté aujourd’hui », à savoir la crise climatique.
« Les Caraïbes sont en première ligne de l’urgence climatique mondiale », a-t-il déclaré, soulignant que, malheureusement, ce n’est pas le seul défi auquel la région est confrontée.
« Le sommet de la CARICOM de cette année se tient à un moment de péril maximal – pour les gens comme pour la planète », a-t-il ajouté, faisant référence à l’effet dévastateur de la pandémie de COVID-19 sur les systèmes de santé et le tourisme, ainsi que sur la croissance économique et les investissements étrangers, aujourd’hui exacerbés par la guerre en Ukraine.UN News/Laura QuinonesUn groupe de Sino-Surinamais danse et chante pendant que les chefs d’État et de gouvernement arrivent à la 43e conférence de la CARICOM à Paramaribo, au Suriname.
Des solutions audacieuses
Le Secrétaire général a déclaré aux dirigeants de la CARICOM que des solutions audacieuses étaient nécessaires pour s’attaquer à ces problèmes, et en a souligné trois.
1. Adapter l’action climatique à l’ampleur et à l’urgence de la crise
M. Guterres a appelé à une réduction urgente et transformatrice des émissions afin de stopper le réchauffement de la planète à 1,5°C, à un soutien à l’adaptation aux impacts climatiques et à une assistance financière pour garantir la résilience.
« Je remercie les dirigeants des Caraïbes d’avoir montré la voie. Je suis inspiré par vos nombreux efforts pour sauvegarder votre incroyable biodiversité et vos richesses naturelles, notamment par les efforts des communautés autochtones », a-t-il déclaré.
Il a ajouté que tous les pays doivent faire preuve de plus d’ambition et prendre des mesures en faveur du climat, en particulier les pays du G20 qui sont responsables de 80 % des émissions mondiales.
« La guerre en Ukraine ne doit pas conduire à des décisions à courte vue qui ferment la porte à 1,5°C. Avec les engagements actuellement enregistrés, les émissions devraient encore augmenter de 14 % jusqu’en 2030. C’est tout simplement du suicide – et il faut inverser la tendance ».
Le chef de l’ONU a souligné que les pays les plus riches doivent ouvrir la voie à une « révolution des énergies renouvelables » juste et équitable, et qu’ils doivent tenir leur promesse de fournir 100 milliards de dollars de financement climatique pour l’adaptation dès cette année.
« Et il est temps d’avoir une discussion franche et un espace de décision concernant les pertes et les dommages que vos pays subissent déjà », a-t-il souligné.UN News/Evan SchneiderLe Secrétaire général de l’ONU António Guterres à la cérémonie d’ouverture de la 43e réunion de la Conférence des chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), qui se déroule du 3 au 5 juillet à Paramaribo, au Suriname.
2. Réformer le système financier mondial « moralement en faillite » et stimuler une reprise durable
Le secrétaire général a souligné que les économies en développement ont besoin d’un accès au financement à un coût nul ou faible, ainsi que d’un allègement et d’une restructuration de la dette.
« En ce qui concerne la dette, nous avons besoin d’un allègement immédiat pour les pays en développement dont la dette est sur le point d’arriver à échéance », a-t-il déclaré.
Le chef de l’ONU a ajouté qu’il soutenait pleinement la création d’un fonds de résilience des Caraïbes et la réforme du système financier international pour aider la région à mieux réagir et à prévenir une vulnérabilité massive aux chocs extérieurs.
« Il est clair que nos anciens paramètres nous ont fait défaut. Il est temps de les changer », a déclaré M. Guterres, proposant de dépasser la préoccupation du système financier pour le revenu par habitant et d’établir un « indice de vulnérabilité multidimensionnel » pour déterminer l’accès au soutien financier.
« Pour vos pays, cela signifie qu’il faut veiller à ce que les facteurs complexes et interdépendants de la dette et de l’impact du changement climatique soient pris en compte dans toute analyse d’éligibilité à l’allègement de la dette et au financement », a-t-il déclaré aux chefs d’État et de gouvernement des Caraïbes.
3. Poursuivre la lutte contre la pandémie de COVID-19
Le Secrétaire général a appelé les gouvernements, les organisations et les entreprises pharmaceutiques à mieux travailler ensemble pour produire localement des tests, des vaccins et des traitements.
« Nous ne sommes pas encore sortis des ronces… Et nous devons continuer à travailler en étroite collaboration pour arrêter la propagation du virus dans les Caraïbes grâce à des mesures de santé publique éprouvées et nous préparer à de futures pandémies par des investissements audacieux dans la préparation et la formation », a-t-il déclaré, en soulignant que les pays ne doivent plus jamais être aussi peu préparés.
Enfin, M. Guterres a réaffirmé le soutien des Nations Unies aux Caraïbes pour travailler à des solutions.