Elles sont nombreuses, des femmes enceintes qui ont fait le choix d’avorter en raison des difficultés économiques. La crise socio-économique du pays a beaucoup d’influences sur la décision d’une femme de donner la vie à un nouveau-né, selon une enquête réalisée par la rédaction de Vant Bèf Info.
Port-au-Prince, Jeudi 11 novembre 2021.- La crise pluridimentionnelle à laquelle Haïti est confronté a des impacts sur la maternité.
Quoique l’avortement est interdit par les lois haïtiennes, il est encore une pratique qui est exercée couramment mais d’une façon clandestine.
En effet, selon une enquête réalisée par la rédaction de Vant Bèf Info (VBI), de nombreuses femmes haïtiennes avouent recourir à différents moyens en vue de se débarasser d’une grossesse, dès fois, non-désirée.
Des interruptions volontaires de grossesse (IVG) se font régulièrement dans le pays. La femme se rend chez un médecin spécialiste (gynécologue) pour se faire avorter dans la clandestinité. Ou du moins, elle fait une automédication en avalant des produits médicaux généralement des comprimés associés un liquide. Elle peut aussi recourir à des méthodes locales en buvant du thé préparé avec des feuilles médicinales.
Par conséquent, elles justifient leur décision par des difficultés socio-économiques.
Le docteur *Henry (pseudonyme) nous a confié qu’en moyenne 3 femmes sont venues se faire avorter dans sa clinique sur une période d’un mois. La situation insécuritaire, le manque de revenus et l’avenir incertain sont les arguments avancés par les patientes dans la majorité des cas, souligne ce gynécologue – obstétricien.
» Pourquoi mettre un enfant au monde pour vivre dans la misère ? »
*Loudenie, 31 ans, mère d’un garçon de 7 ans a décidé de se faire avorter. Elle s’est confiée à la rédaction de Vant Bèf Info :
« Le père de mon petit garçon ne s’occupe pas de l’enfant. Il veut qu’on entretienne des rapports intimes alors qu’on est séparé. Je suis tombée enceinte d’un autre homme qui n’a pas encore les moyens de s’en occuper. Je ne l’ai même pas mis au courant, j’ai pris des remèdes capables de déclencher l’avortement. Je n’ai même pas les moyens de me rendre à l’hôpital. Avec un salaire mensuel de 7500 gourdes, pourquoi mettre un enfant au monde pour vivre dans la misère ».
Pour revenir aux témoignages du docteur, certains hommes accompagnent leurs partenaires pour mettre fin aux grossesses non désirées. Ils se mettent d’accord pour interrompre la grossesse et attendre qu’ils soient prêts.
« Je ne mettrai jamais un enfant au monde pour vivre en Haïti »
*Samendina aime les enfants selon ce qu’elle a confié à la rédaction de Vant Bèf Info (VBI). Mais elle ne mettra jamais un enfant au monde pour vivre en Haïti dit-elle. « Je perçois un salaire plus ou moins raisonnable mais quand je réfléchis à l’insécurité, à la crise, la peur m’envahit. J’étais enceinte récemment, je me suis rendue à l’hôpital pour me faire un curetage. Je me protège désormais pour ne plus jamais tomber enceinte ».
*Camille pour sa part est une mère de 2 enfants, mais ne veut pas encore un troisième bébé. C’est une décision prise entre elle et son conjoint. « On a décidé de mettre fin à la grossesse surtout à cause de la conjoncture. Ce ne serait pas du tout facile et ça aurait des impacts très négatifs sur toute la famille ».
Plusieurs femmes qui ont gardé l’anonymat ont confié à notre rédaction d’avoir pris des dispositions très tôt en début de grossesse pour y mettre fin soit 4 à 6 semaines de grossesse. Elles absorbent des pillules et des plantes apropriées pour l’acte. Si elles ne parviennent pas à se débarrasser du fœtus, elles se rendent à l’hôpital. Cependant puisque c’est un dispositif interdit par le code pénal haïtien, elles doivent faire des contacts pour savoir dans quelle clinique elles doivent s’y rendre.
Toutefois, de l’avis de plusieurs spécialistes, il est un fait indéniable que l’avortement pourrait avoir beaucoup de conséquences sur les femmes enceintes. L’avortement peut avoir des effets néfastes sur la santé et peut faire subir des traumatismes chez la femme pendant un certain temps.
*Nous avons remplacé les noms par des pseudonymes pour cacher l’identité des personnes.
Vant Bèf Info (VBI)