Le peuple haïtien en a ras le bol avec la communauté internationale

Le peuple haïtien en a ras le bol avec la communauté internationale post thumbnail image

By Rezo Nòdwès -31 mars 2021

Un pays pauvre comme Haïti, pourquoi est-il obligé de financer des élections qui coûtent si chères ?

Mais on s’étonne de constater avec quel acharnement la communauté internationale, notamment l’Organisation des Nations Unies (ONU) et l’Organisation des États américains (OEA) s’activent pour que soient tenues des élections avec un tel personnage au Palais national, dont le mandat a pris fin depuis le 7 février 2021. Surtout quand on sait comment sont partagés les mil-lions décaissés pour les élections. (H-O) New York

Edito de Haiti-Observateur
31 mars au 7 avril 2021

DEPUIS JEAN- BERTRAND ARISTIDE DANS LES ANNÉES ‘90, À NOS JOURS, LES FEMMES ET HOMMES QUI SONT PASSÉS AU POUVOIR EN SONT SORTIS DES MULTIMILLIONNAIRES…H-O.

New York, mercredi 31 mars 2021 ((rezonodwes.com))–Il semble que la communauté internationale ait prêté main forte dans la lutte du peuple haïtien pour se défaire de la dictature trentenaire des Duvalier, rien que pour faire mainmise politiquement et éventuellement financièrement sur le pays. À bien considérer, toutes ses interventions politico-diplomatiques post 1986 s’inscrivent dans une logique de contrôle de la destinée du peuple haïtien. Beaucoup d’efforts et de ressources ont été, depuis la chute de la dynastie duvaliériste, mobilisés par les soi-disant amis d’Haïti, non pour aider à son développement, mais plutôt dans le sens de leurs intérêts économiques, politiques et diplomatiques. Ayant dépassé les limites du bon sens, dans leurs relations avec le régime dirigé par Jovenel Moïse, les Haïtiens presqu’unanimement en ont marre des pays tuteurs.

En Haïti, les intellectuels en général et les milieux universitaires n’ont jamais cessé de critiquer la plupart des États assimilés aux grandes démocraties se rivalisant dans l’octroi de l’aide étrangère, en raison des libertés qu’ils se permettent dans leur traitement avec notre pays. Dans le cas d’Haïti, distinctement, s’ils tenaient Duvalier à distance, par rapport à l’assistance, la vanne des millions commençait à s’ouvrir graduellement sous le successeur de Papa Doc, son fils Jean-Claude, désigné président à vie. Assoiffés de mil-lions, pour en avoir été privés si long-temps, Duvalier et son entourage se mettaient en quatre pour recevoir les millions dont la vanne était généreusement ouverte par les bailleurs de fonds internationaux, fort aise d’accueillir Haïti au « Club de la démocratie ».

Mais, sans s’en rendre compte, les leaders post-Duvalier, estimant que le pays avait de longues listes de lacunes à combler, en matière de développement, d’infrastructures, d’éducation, etc. accueillaient toutes les propositions qui ont été faites, quelque indécentes qu’elles auraient pu être. Puisque, trop longtemps tenus à l’écart de la valse des millions entretenue par la « démocratie», cette nouvelle génération de politiciens en devenir avait hâte de se rattraper et de rompre définitivement avec le modeste style de vie auquel ils étaient trop longtemps rivés Au fur et à mesure que se succèdent les élections, sous l’égide de la nouvelle Constitution de 1987, qui était chaudement applaudie par cette communauté internationale, davantage s’installe dans les mœurs le mode de vie, « en démocratie ». L’idéal de service à la nation, d’intégrité morale et du sens de patriotisme, qui habitaient nos hommes d’État, ont fait place à la cupidité, à tous les niveaux de l’administration publique.

Si, dans le passé, les hommes qui atterrissaient au sommet de l’Exécutif s’empressaient de détourner des centaines de milliers de dollars des ressources publiques, en revanche, depuis Jean- Bertrand Aristide dans les années ‘90, à nos jours, les femmes et hommes qui sont passés au pouvoir en sont sortis des multimillionnaires.

En effet, à partir de la fin de la dictature, tous les hommes qui ont été élus à la première magistrature de l’État retournent à la vie privée avec des comptes en banque garnis de millions. En plus d’en tenir d’autres en résidence à des institutions bancaires off-shore. Car au pouvoir, les chefs de l’Exécutif ayant trouvé un terrain favorable à l’impunité, tant pour eux-mêmes que pour leur entourage et leurs alliés politiques, profitent de leur séjour au Palais national pour détourner des centaines de mil lions de la caisse publique, sachant qu’ ils n’auront de compte à rendre à personne, car se protégeant l’un l’autre contre toute velléité de poursuivre les voleurs en justice.

Avec Jovenel Moïse au pouvoir, le vol des deniers du pays est devenu chose normale. La discrétion qui, dans le passé, était à l’ordre du jour, fait place au pillage systématique, sous la présidence de celui qu’on appelle Nèg Bannann nan. Les voilà tous, lui, son épouse et ses proches collaborateurs, ces derniers bien rodés dans l’art de dépouiller l’État, évoluant parmi les richissimes de la planète, ayant tout mis en œuvre pour sécuriser leurs biens mal acquis.

Mais on s’étonne de constater avec quel acharnement la communauté internationale, notamment l’Organisation des Nations Unies (ONU) et l’Organisation des États américains (OEA) s’activent pour que soient tenues des élections avec un tel personnage au Palais national, dont le mandat a pris fin depuis le 7 février 2021. Surtout quand on sait comment sont partagés les millions décaissés pour les élections. Mais les Haïtiens n’en sont pas dupes. C’est pourquoi ils disent que « les élections c’est la récolte ». Certes, il y a des paiements légitimes à effectuer. Mais tout le monde sait qu’à l’occasion des élections, des « ristournes » sont versées, à tous les niveaux du processus électoral. Ce qui invite à poser la question suivante : Un pays pauvre comme Haïti, pourquoi est-il obligé de financer des élections qui coûtent si chères ? Quand bien même la communauté internationale se chargerait d’une importante portion des fonds requis pour les réaliser, pourquoi imposer un tel sacrifice aux contribuables haïtiens ?

Le peuple haïtien, qui se mobilise pour chasser Jovenel Moïse du Palais national, car ne voulant pas aller aux élections avec lui, aux commandes du pays, se révolte contre l’ONU insistant, non seulement pour que le président de facto organise le scrutin, cette année, mais annonçant qu’elle octroie USD 20 millions $ comme sa quote-part au financement du vote. Sur ces entrefaites, d’aucuns se demandent quel pourcentage de cette somme irait comme salaire au personnel de l’ONU qui sera mobilisé pour la période électoraleCela vaut aussi pour l’OEA, dont le secrétaire général, Luis Almagro, qui se révèle un défenseur inconditionnel du président de facto d’Haïti, en sus de faire la promotion de la tenue d’élections, cette année, déploiera, à coup sûr, une délégation d’observateurs électoraux, à l’occasion, à part les négociateurs spéciaux déjà sur place, au pays, dont la mission consiste à jouer le rôle d’arbitres du processus.

Dans le système démocratique, tel qu’ on l’a connu dans le passé, les chefs d’État sont diplomatiquement isolés pour des fautes beaucoup moins graves que les violations commises par Jovenel Moïse. Car même après les dernières dérives de ce dernier, la communauté internationale, en tant que défenseur de la démocratie, n’est pas outragée outre mesure, faisant croire que, de nos jours, la démocratie est ajustée sur mesure pour différents peuples. De toute évidence, les exigences faites à d’autres pays ne sont pas imposées à Haïti. De cette manière, la démocratie exigée dans notre pays n’est pas soumise aux mêmes rigueurs que celle installée dans d’autres États.

Il faut dire qu’à la lumière des prises de position à l’égard de l’Haïti de Jovenel Moïse émises par l’ONU, l’OEA, le Département d’État et le CORE Group, et qui sont inscrites, en conclusion, dans le tout dernier rapport de la présidente du Conseil de sécurité de l’organisme international, une majorité écrasante du peuple haïtien perd confiance dans l’idéal démocratique prôné par ces interlocuteurs d’Haïti.

Bien que Joe Biden, le nouveau président américain, s’en prenait à son prédécesseur, Donald Trump, parce que ce dernier « avait abandonné Haïti » aux caprices de Jovenel Moïse, faisant croire qu’il allait rectifier le tir, il a déclaré, par l’organe de son ambassadeur en Haïti, Michèle Sison, ce qui est réitéré par le porte-parole du Départe ment d’État, Ned Price : Les États-Unis supportent des élections en Haïti, en 2021. Cette position, dit-il, est aussi celle de l’ONU et de l’OEA. Voilà le consensus auquel souscrivent ces entités internationales, au détriment du peuple haïtien.

En effet, des millions de citoyens haïtiens sont descendus dans la rue pour exiger le départ de Moïse, en rai-son des nombreuses dérives dont il s’ -est rendu coupable. Car depuis le 7 février, date à laquelle a expiré son mandat constitutionnel, une marée humaine s’est mobilisée pour exiger l’expulsion du président de facto occupant illégale-ment la résidence officielle du chef d’État. Aussi bien que pour ses nombreuses violations de la Constitution et des lois du pays, dont les plus récentes remontent au 7 février, lorsqu’il a fait procéder à l’arrestation, suivie d’emprisonnement, d’un juge de la Cour de cassation; la révocation de trois juges de ce même Tribunal; puis la nomination illégale et anticonstitutionnelle de trois juges, encore à la Cour de cassation.

Lors de la dernière manifestation du dimanche 28 mars, qui a drainé des milliers de citoyens dans les rues, tant à la capitale que dans les villes de provin-ce, le peuple haïtien s’est déclaré fatigué de l’ingérence de la communauté internationale dans les affaires d’Haïti. Car les différents présidents dont elle a manigancé la victoire aux urnes ont pillé les ressources publiques et assassinés nos fils et nos filles. Dans cette logique, Jovenel Moïse s’appuie sur ces mêmes entités pour amender inconstitutionnellement la Constitution par voie référendaire, puis s’apprête à organiser des élections avec un Conseil électoral formé unilatéralement, et dont l’objectif consiste à faire une passe courte à un membre de son parti politique. Avec pour ultime mission la continuité assurée du système politique mis en place par Michel Martelly, qu’il a succédé, et qui se prépare à hériter de la présidence après lui.

Pour toutes ces raisons, le peuple haïtien dit à la communauté internationale : Halte-là ! Nous prenons charge de nos décisions ! Par-dessus tout, de nos élections !