Daniel Loriston: « De l’Intelligence propre et du Savoir pur »

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By Rezo Nodwes -1 juin 2020

Lundi 1er juin 2020 ((rezonodwes.com))–Je n’ambitionne pas ici d’élaborer une théorie en vue de finalement décrocher une place parmi les grands théoriciens du monde, mais plutôt de répondre à une persistante et continuelle incitation de l’Esprit. Ce murmure, plus ou moins habituel, que j’ai plus d’une fois négligé et qui me revient de temps en temps, me parait comme une dictée autrement dit une exhortation à laquelle je ne peux qu’obéir.


Dans mon vécu quotidien et face aux problèmes que confronte mon pays (Haïti), je me trouve
souvent dans l’obligation de répondre aux questions des jeunes sur la notion de compétence.
J’ai moi-même souvent mis en doute la compétence de la classe dirigeante contemporaine
d’Haïti.


Dans mes différentes interventions comme directeur d’opinion et patron de média, j’ai
toujours eu à mentionner que la dernière fois que l’histoire d’Haïti était en face de
l’Intelligence et d’un savoir quelconque remonte à des gens peu instruits et à peine lettrés :
Jean Jacques Dessalines, Toussaint Louverture, le Général Cappoix La Mort et j’en passe !
Je n’arrive jamais à comprendre comment des gens qui savaient à peine lire pouvaient lutter
jusqu’à permettre à la jeune Nation haïtienne de s’échapper de l’esclavage qui l’abêtissait et
accéder à son Indépendance, alors qu’il parait aujourd’hui impossible à nos universitaires,
pour la plus part, détenteurs de maitrises et de doctorats des grandes universités du monde et
d’Haïti, de conserver cet héritage et la souveraineté du pays.


Malgré l’expansion des Sciences humaines en Haïti (la sociologie, le droit, les sciences
politiques, l’économie, l’anthropologie, le travail social etc.), l’intelligentsia haïtienne
n’arrive en 30 ans à résoudre un seul problème (Voyez que je ne parle pas de Problématique,
mais plutôt de problème).


Après plus de deux siècles et 17 ans de l’établissement de l’État, nous ne nous montrons
même pas capables de répondre au besoin le plus élémentaire du peuple Haïtien soit le
« MANGER ». Il y là lieu de douter des savoirs qu’on dispense à l’Ecole et à l’Université.
Il nous faut non seulement douter du savoir prétendument dispensé mais aussi de la manière
dont il doit affecter l’homme en le rendant meilleur. On peut remarquer que le système
éducatif haïtien, loin de former des hommes, ne crée que les montres que nous connaissons.
Des gens qui ne peuvent, par leurs actes et décisions, qu’empirer ou amplifier le mal haïtien !

À tous ces jeunes qui apprécient souvent mes interventions lors des conférences ou des
émissions de radio et qui me demandent souvent comment des personnalités (professeurs
d’université, intellectuels, avocats, professionnels bureaucrates et techniciens) que l’on
prenne pour être compétentes peuvent offrir de résultats aussi médiocres ? Je réponds
toujours, que malgré leur niveau d’études, il leur manque une intelligence propre et un savoir
pur !


J’estime que le temps très court qui m’est souvent imparti pour répondre à une question aussi
complexe m’a toujours empêché de fournir des explications édifiantes et non équivoques. Je
profiterai de ce travail de réflexion et d’effort de théorisation pour fournir tous les détails
autour de ma compréhension de ce sujet qui se veut un exercice de pensée critique sur des
notions comme : le Savoir, l’Intelligence et la Compétence.

Le Savoir, intelligence et compétence
Selon le Petit Larousse, le terme Savoir peut être entendu comme un ensemble cohérent de
connaissances acquises au contact de la réalité. C’est-à-dire avoir la capacité, après étude et
apprentissage, de pratiquer, d’exercer une activité. Parmi toutes les définitions fournies par le
Petit Larousse du concept intelligence, je retiens celle-ci : Aptitude d’un être humain, à
s’adapter à une situation, à choisir des moyens d’actions en fonction des circonstances. Et
enfin la compétence qui est une capacité reconnue en telle ou telle matière (domaine) en
raison de connaissances possédées et qui donne le droit d’en juger.


À bien juger de chacune de ces définitions classiques du dictionnaire, on conclura que la
compétence est une combinaison à la fois du Savoir et de l’Intelligence. Donc quelqu’un qui
est compétent possède un savoir mis en action à l’aide de l’intelligence. Tout savoir suppose
quelques compétences.


Nous ne doutons nullement que parmi les nombreux dirigeants haïtiens, il y en a qui
possèdent des connaissances dans des domaines divers. Par exemple, ceux-là qui sont
avocats et qui travaillent comme ministres de la Justice ou membres du cabinet du ministre de
la Justice ou comme juges ou comme défenseurs publics, ne possèdent-ils pas une capacité
reconnue dans le domaine du Droit ? Si ces brillants avocats que nous chérissons sont
compétents pourquoi ne sont-ils pas capables de rendre meilleur le système judiciaire ?


Ces questionnements peuvent être soulevés pour tous les autres domaines de la vie publique.
Nos économistes devenus gouverneurs de la Banque de la République d’Haïti, nos
agronomes devenus ministres de l’Agriculture, et j’en passe, ne sont-ils pas souvent issus des
grandes universités étrangères et/ou de l’Université d’État d’Haïti qui sanctionnent leurs
études d’une licence, d’une maitrise ou d’un doctorat sous base d’une évaluation globale de
leur compétence ?


Et pourquoi malgré les compétences certifiées de ces personnalités de renom tout ce que nous
entendons d’elles c’est qu’elles grossissent le rang des corrompus et alimentent la corruption
sans le moindre souci des résultats ? Etre compétent techniquement sans être doué
d’intelligence propre et de savoir pur est de la monstruosité pure et simple ! Avant d’énoncer
ma vision de la notion d’intelligence propre ou nette et le savoir pur, je le pense nécessaire de
tenter d’établir la différence entre deux (2) formes de compétences distinctes ; la
Compétence technique et la Compétence humaine. La première renvoie à un savoir-faire
et la deuxième à la déontologie (Ethique) ou vertu.

Compétence technique
Elle exprime un savoir-faire mis en œuvre en vue d’atteindre un résultat ou une
performance. L’ébéniste à une compétence technique qui l’habilite à construire une chaise.
La chaise est un résultat, une performance. Le Juriste, de son côté, est un professionnel du
droit ayant une compétence technique l’habilitant à participer à l’organisation de la société ou
tout simplement du système judiciaire. La qualité du système judiciaire, des décisions de
justice est un résultat.
Par extension de sens, la compétence technique est la capacité de faire quelque chose dans un
domaine spécifique. La forme dans laquelle on réalise cette activité fait toute la différence.

La valeur de la prestation d’un professionnel ou d’un universitaire ne dépend pas seulement de
sa compétence technique, mais également sa déontologie. Ce qui veut dire qu’on ne reconnait
un professionnel qu’à deux conditions : une compétence technique et un comportement
déontologiquement adéquat.


Compétence humaine
La compétence humaine elle-même renvoie à la déontologie qui se veut la matrice du bon
comportement professionnel ou un code d’exercice professionnel. Elle peut être définie
comme étant l’ensemble des règles ou des valeurs à suivre dans la mise en œuvre d’une
compétence technique.


Le médecin vêtu de sa blouse blanche et qui ausculte le malade (patient) exerce sa
compétence technique. Il est techniquement compétent parce qu’il est détenteur d’une licence
en médecine octroyée par une faculté de médecine. Mais si ce médecin en auscultant le
patient comprend de quoi il souffre et connait un médicament efficace qui puisse soulager et
guérir rapidement le patient et ne le fait pas pour faire durer le traitement et ainsi soutirer le
plus d’argent possible de ce patient en lui demandant de revenir chaque huit jours à la
clinique est un médecin humainement incompétent.


Les compétences humaines sont les vertus attachées à la personnalité d’une personne
moralement responsable pratiquant certaines vertus. Ce sont aussi les qualités personnelles,
humaines et relationnelles que montre une personne sur son lieu de travail. Ces qualités ou
vertus ne concernent pas les diplômes décrochés ni les connaissances techniques sur un sujet,
mais plutôt le savoir-être. Parmi les compétences humaines nous pouvons citer : La loyauté,
l’honnêteté, l’empathie, la bienveillance, la sensibilité, le sentiment d’humanité etc.
La Notion d’intelligence propre et du Savoir pur


Nous entendons ici par Intelligence propre et Savoir pur la combinaison, la rencontre de la
compétence technique et la compétence humaine. Une personne qui est compétente
techniquement et qui ne l’est pas humainement est compétente au rabais. Sa Compétence
technique devient alors un fardeau, un vice, un cauchemar.


L’humanité est peuplée de personnes hautement qualifiées et incontestablement compétentes
techniquement, mais jetons un œil sur l’avenir du monde et son état actuel pour comprendre
que malheureusement leurs compétences techniques ne suffisent pas pour offrir un monde
meilleur à celui que nous avons aujourd’hui. D’ailleurs, le monde tel qu’il est aujourd’hui est
la résultante de toutes les décisions et actions entreprises par ces personnes (les seigneurs du
monde pour citer Jean Ziegler).


L’intelligence propre ou le Savoir pur est l’exercice d’une compétence technique soutenu
par la compétence humaine soit les valeurs interpersonnelles ou déontologiques. Pendant mon
parcours universitaire et professionnel, j’ai eu l’opportunité de croiser le chemin de
nombreux grands professeurs haïtiens. Je n’avais jamais été en contact avec le savoir que
quand j’assistais aux cours dispensés par ces professeurs émérites.


En mon for intérieur je tentais subtilement de déifier ces professeurs extrêmement compétents
techniquement et qui, par l’art avec lequel ils dispensaient leur cours, m’envoutaient et me
subjuguaient. Certains de ces professeurs dont je parle, une fois accédés à un poste nominatif
ou gouvernemental deviennent de fieffés crétins inopérants. Au contraire, au lieu de constater
de résultats manifestes ou des améliorations dans les sphères d’activités publiques auxquelles,
ils sont affectés, on n’entend que leur implication dans des scandales de corruptions. J’ai toujours eu au cœur une blessure incicatrisable quand j’entends leurs noms impliqués dans de
vastes affaires de corruption.


Je me suis toujours demandé comment une personne aussi compétente puisse se laisser salir
sa renommée ? La réponse, je l’ai aujourd’hui. Sans la compétence humaine, la compétence
technique ne peut qu’être théorique et ne peut que s’apparenter au crétinisme à outrance.
Seule la compétence technique mêlée à la compétence humaine est capable de sortir Haïti du
bourbier où elle est. C’est ce mélange de compétence technique et de compétence humaine
que nous appelons l’Intelligence propre et le savoir pur comme pour parler d’une
intelligence ou d’un savoir incompatible à l’impureté morale et aux vices. En d’autres termes
c’est un savoir ou une compétence qui ne se heurte pas contre les intérêts collectifs à la
satisfaction des intérêts particuliers ou personnels. Transformons Haïti par l’expérience de
cette nouvelle forme d’intelligence et de savoir.

L’Intelligence totale doit être propre et le savoir complet pur !


Daniel LORISTON
Jeune Penseur critique
Port de Paix, Haïti
509 47856364
loriston2000@gmail.com