Jean Came Poulard : Comment mettre en œuvre l’Accord de Marriott

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20 décembre 2019

Vendredi 20 décembre 2019 – En temps de crise extrême, surprendre et agir hors des clichés établis peut être salvateur ! La crise haïtienne s’apprête,  au deuxième lundi du mois de janvier 2020,  à entrer dans une phase critique avec la caducité de la chambre des députés et la fin du mandat d’au moins 10 sénateurs, et le spectre de la fin des mandats des autres élus (maires, délégués de ville, CASEC et ASEC) vers juillet 2020. Il est extrêmement difficile pour ne pas dire impossible de former un gouvernement légal et légitime (ratifié par le parlement et accepté par la majorité des secteurs socio-politiques) avant le lundi 13 janvier 2020.

Alors, que faire ? Comment sortir de l’impasse qui dure déjà depuis le mois de juillet 2018 et s’accentue avec le limogeage de l’ancien premier ministre Jean Henry Céant ? N’est-il pas le moment de poser une action d’éclat ? Le président peut-il encore s’en sortir ? Le président peut-il jouer à qui perd gagne en faisant gagner le pays et en perdant le reste de son mandat ? Je vais essayer de répondre à ces questions à la lumière des enjeux de la crise structurelle que connait le pays. 

D’entrée de jeu, nul besoin de lunettes pour comprendre que la crise actuelle est structurelle et qu’aucune solution cosmétique ne peut nous faire sortir du cercle vicieux. Il faut que les acteurs se comporte en Homme d’État, mais non en politicien, car « L’Homme d’État pense à la prochaine génération et le politicien pense à la prochaine élection » disait l’autre. Ceci étant posé, il va de soi que la crise ne saurait être réduite à une question de gouvernement ou de départ du président uniquement !  Si le départ du pouvoir du Président Jovenel Moise est une condition nécessaire à une refonte en profondeur de notre système socio-économico-politique, elle ne saurait être une condition suffisante. D’où une action d’éclat du président Jovenel Moise se révèle plus que nécessaire. 

Le président Jovenel Moise devrait prendre les décisions suivantes entre aujourd’hui (20 décembre 2019) et 7 février 2020 pour sortir le pays de la crise et jeter les bases pour un changement réel du système. 
1) Une demande de rencontre avec les signataires de l’accord de Marriott sans préconditions et sans sujet tabou. Tache à exécuter avant le 31 décembre. 
2) Accepter le principe du départ ordonné du pouvoir du président de la République. 
3) Renégocier l’accord de Marriott avec l’ajout d’une commission ad hoc de suivi composée de tous les anciens présidents encore en vie (y compris le Président Jovenel Moise). Rencontres entre le président Jovenel avec l’ensemble des anciens présidents encore en vie pour établir les termes de référence de la commission ad hoc de suivi de l’accord de Marriott modifié. Tache à Exécuter avant le 12 janvier 2020. 
4) Déclaration solennelle du président Jovenel Moise le 13 janvier 2020, constatant la caducité du parlement et annonçant sa démission  pour le 7 février 2020 à midi. 5) Nomination par le président Jovenel Moise d’un premier ministre dans l’esprit de l’accord de Marriott. (le premier ministre et son gouvernement prendra fonction avant le 1er février 2020. 
6) Passation de pourvoir entre le Président Jovenel Moise et un juge de la cour de cassation dans l’esprit de l’accord de Marriott le 7 février 2020 a midi. 
7) Intronisation de la commission ad hoc de suivi de l’accord de Marriott modifié le 7 février a 2h00 PM. Les anciens présidents siégeant dans cette commission par ordre d’ancienneté  :1) Prosper Avril 2) Ertha Pascal Trouillot 3) Jean Bertrand Aristide 4) Boniface Alexandre5) Michel Martelly 6) Jocelerme Privert 7) Jovenel Moise.

Le mandat de cette commission prendra fin à l’élection d’un nouveau président à la fin de la transition et aura pour tâche principale le suivi de l’exécution de l’accord de Marriott modifié et ses recommandations sont exécutoires sauf par rapport à la conférence nationale souveraine. 

Ce serait une percée Louverturienne d’un autre genre que le Président Jovenel devrait faire et il doit le faire pour les raisons suivantes : 
1) Historiquement l’homme politique haïtien est attaché au pouvoir au détriment du bien commun qu’est le pays, oser laisser le pouvoir au moment où ce pouvoir ne sert presque plus les intérêts du peuple est un geste magnanime. 
2) Les partisans du président ne le permettent pas de diriger le pays et ne pourront en aucun cas empêcher un nouvel épisode de blocage en 2020. Vaut mieux tirer sa révérence par une porte étroite mais non dérobée que continuer à ne rien diriger et enfoncer le pays dans un chaos sans précédent . 
3) Avec le comité du suivi,  mettre ensemble par le biais de 7 anciens présidents les expériences et  les erreurs passés de ces 7 chefs d’état au profit d’une transition de rupture réelle qui aura à aborder les vrais problèmes du pays dans un cadre multi-partisan.
4) En dernier et non des moindres, montrer pour une fois pour toute à l’Étranger que nous sommes maîtres de notre destin et que nous avons de la maturité démocratique de faire des sacrifices extraordinaires pour ce bien commun qu’est Haïti. 

Le président Jovenel Moise a une chance d’entrer dans l’histoire comme un grand patriote qui a su privilégier le pays au détriment d’un  mandat et de continuer, lui et les 6 autres anciens présidents, à servir leur pays à un niveau supérieur comme avant-gardistes et de s’assurer  que cette transition sera bien la dernière et la bonne. 

Le président Jovenel Moise n’achèvera pas son mandat mais l’histoire ne pourrait pas le reprocher de ne pas avoir sacrifié ce précieux sésame au profit de son pays et de son peuple et il prendra place automatiquement aux cotés des chefs d’État de vision qui sont rares dans notre histoire (surtout notre histoire contemporaine). Le président Jovenel Moise devrait faire l’Histoire au lieu d’incarner les souillures de l’histoire. 

Faire un mouvement d’éclat et une paix de brave en allant se reposer avec satisfaction en disant que malgré tout il a posé une pierre sérieuse dans l’éclatement du système. D’un autre cote de manière pragmatique les autres options de sortie du président sont toutes médiocres et seraient toutes des déjà vu et éternelles en recommencement.

Le président Jovenel Moise peut user de la force et demeurer au pouvoir comme Duvalier Père ou perdre le pouvoir dans le désordre comme Jean Bertrand Aristide en 2004, ou faire un revirement sur lui-même et se joindre à la population dans un coup de semonce surprise au système. Libre au président  de choisir mais s’il choisit son peuple et non les miettes de son mandat il en sortira grand. 

Jean Came Poulard
Vice-Président du Plan Action Citoyenne (PAC)