Me Guerby Blaise : La sommation de l’État haïtien, une stratégie juridique désadaptée

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4 novembre 2019

Lundi 4 novembre 2019 – En effet, l’État haïtien et la société Sogener S.A ont conclu un contrat portant sur la fourniture de services d’électricité. Au cours de l’exécution du contrat, il se serait révélé que la société Sogener aurait soumis une facture surévaluée à son cocontractant, ce qui a conduit à une contestation à l’initiative de celui-ci.

À l’appui de sa contestation, l’État haïtien évoque une expertise réalisée en 2015, qui aurait conclu à la surfacturation d’électricité de la part de la société Sogener S.A. C’est dans ce contexte que ce dernier a sommé sa cocontractante dans le but de se faire restituer le montant perçu indûment.

La surfacturation dans le cadre de l’exécution d’un contrat peut-elle être envisagée comme un cas ouvrant à la commission des infractions d’abus de confiance et d’escroquerie, et contrevient-elle aux conditions de la validation du contrat?

Une approche analytique sur la force obligatoire en matière contractuelle et un panorama sur les éléments constitutifs relatifs aux infractions d’abus de confiance et d’escroquerie permettraient  de se faire une idée objective sur les chances de réussite de la stratégie des défenseurs de l’État haïtien.

Bien que le dol soit une condition d’invalidité du contrat, celui-ci ne peut être envisagé pour être tenu pour un cas d’inexécution contractuelle, devant être à la base de la conclusion du contrat. Car le comportement dolosif implique le vice du consentement de la part d’une partie au contrat; autrement dit l’existence des manœuvres frauduleuses sans lesquelles l’autre partie n’aurait jamais accepté de donner son accord pour la conclusion du contrat litigieux. Ainsi, le dol doit être à la base de la conclusion du contrat mais ne peut pas être issu de l’exécution des obligations contractuelles.

En outre, les infractions d’escroquerie et d’abus de confiance se justifient de la violation de confiance de l’un des cocontractants, il n’en demeure pas moins que les manœuvres frauduleuses à la base de la remise volontaire doivent être constatées dès la conclusion du contrat mais jamais dans le cadre de l’exécution contractuelle.

En revanche, l’abus de confiance peut être effectivement issue de l’exécution du contrat mais l’adéquation pénale entre la surfacturation et l’abus de confiance ne peut être tenue pour vraie du fait de  l’impossibilité de prouver le détournement de la destination du bien faisant l’objet du contrat. En l’espèce, l’objet du contrat entre l’État haïtien et la société Sogener S.A n’est que la fourniture d’électricité , dont le détournement vers le destinataire ne peut être prouvé que si l’État haïtien justifie n’avoir pas reçu l’électricité de la part de Sogener S.A.

Dans ce contexte, il apparaît incompréhensible que les très compétents défenseurs de l’État haïtien choisissent de se placer sur le terrain de la surfacturation pour établir les infractions d’abus de confiance et d’escroquerie, étant entendu que la surfacturation constitue une infraction autonome qui ne peut emporter d’autres infractions.

Si l’article du 31 octobre 2019 de l’auteur semble inspirant aux avocats de l’État haïtien dans le cadre de ce litige, ces derniers doivent en revanche  envisager une autre stratégie pénale pour assurer efficacement les intérêts de leur client dans le cadre de ce conflit intellectuellement intéressant.

                       Me. Guerby BLAISE
               Avocat et Enseignant-chercheur
               en Droit pénal et Procédure pénale
                École doctorale de Paris Nanterre