By Rezo Nodwes -13 octobre 2019
par Abner Septembre
A quoi devra ressembler l’ère post-Jovenel, maintenant, demain ou à la fin de son mandat?
Dimanche 13 octobre 2019 ((rezonodwes.com))– Il est évident que la population demande ou souhaite aujourd’hui le départ du président Moïse, après que ses opposants politiques et autres aient tout fait sans succès pour le chasser du pouvoir.
Toutefois, ils n’ont pas bossé en vain. Leur plus grand mérite est que leur ténacité a enfin entraîné une bonne partie de la population des villes contre le pouvoir du président Moïse. Si seulement ils avaient compris plus tôt qu’un plat de maïs chaud ne se mange que sur les côtés, ils auraient été déjà parvenus à ce résultat et auraient évité au pays tant de souffrances. Il reste par contre que l’après-Jovenel n’est clair pour personne.
C’est peut-être là l’une des faiblesses qui expliquent aujourd’hui encore la présence du président Moïse au pouvoir. Si tel est le cas, il est urgent de clarifier cette question : de quoi l’après Jovenel devra-t-il être fait ? Il est surtout urgent de trouver des réponses satisfaisantes, entre autres en termes de pertinence, de profondeur et de durabilité.
Tout d’abord, trois recours semblent s’offrir au pays.
Option 1 : appliquer la constitution, en remettant le pouvoir au juge le plus ancien de la Cour de Cassation. La question est : dans le contexte actuel, cette option ne risque-t-elle pas de nous conduire au maintien du statu quo ?
Option 2 : aller aux élections. La question serait plutôt : le pays est-t-il capable de réaliser maintenant des élections libres, honnêtes et démocratiques, voire a-t-il les moyens de prendre en charge dignement les coûts et avoir le contrôle tant du processus que des résultats ?
Option 3 : un gouvernement transitoire de consensus d’au moins 3 ans pour pacifier et stabiliser rapidement le pays, puis pour réaliser de bonnes élections, où c’est la voix du peuple qui prime, comme en décembre 1990.
La question ici serait : qui devront faire partie de ce gouvernement, combien devront-ils être, comment devront-ils être choisis, quel devrait être son mandat ?
Que voulons-nous vraiment que soit ce pays pour nous, pour nos enfants et leurs progénitures ? Un ami m’a envoyé par WhatsApp un texte qui date de 56 ans, écrit par Guslé Villedrouin et Gérald Brière de Jeune Haïti mais qui résonne à nos oreilles comme l’écho d’un cri du moment.
J’en retiens ceci : « Il y a toute une vieille Haïti qui doit mourir pour que naisse un pays jeune, neuf, actif, épanoui dans toutes des virtualités, un pays où le travail pour tous apporte le pain à tous, où les responsables sont les premiers serviteurs et les derniers servis, où règne non point un fallacieux et étouffant nivellement, mais une recherche généralisée du dépassement de soi et dans le don aux autres, un pays où la participation commune au redressement national cimente l’union des cœurs.
Voilà la jeune Haïti qui doit maintenant entrer dans l’Histoire ». Ce qui se résume par la justice sociale distributive, à laquelle j’ajoute un pays souverain maître de son destin et qui fraie éloquemment sa voie dans le concert des nations.
Si c’est ce que nous voulons ou un autre choix à définir, expression d’un changement de système, alors la question suivante est incontournable : comment y parvenir ? En cas d’une éjection ou démission du président Moïse, quelle que soit l’option faite parmi celles susmentionnées, ce sera en effet loin d’être suffisant.
On a aussi besoin de travailler tant la réalité des deux autres pouvoirs législatif et judiciaire, que celle des classes politiques, économiques, financières et intellectuelles, c’est-à-dire les dirigeants et les élites haïtiennes nantis du pouvoir d’État.
Un troisième acteur devenu « surinfluent » sur l’échiquier depuis ces 30 dernières années est la communauté internationale, au triple plan politique, diplomatique et de coopération au développement. Ces trois acteurs forment ce que le Professeur Marcel Gilbert avait baptisé de « Classe du pouvoir d’État » qui, à chaque crise politique, « arrive adroitement à imposer à la Nation une solution bancale ».
Enfin, deux autres acteurs importants, leaders d’opinion, sont à signaliser : l’église et la presse, bien qu’étant en général un instrument de l’une ou de l’autre des catégories précitées (sauf certaines exceptions).
Ce sont ces forces très puissantes qui interviennent à l’intérieur du système, qui le formatent à dessein, et donc sont responsables de tous les malheurs du pays que le peuple dénonce aujourd’hui.
Si elles sont neutralisées et réorientées en capsule de progrès, le reste ne sera que programmatique pour construire enfin l’autoroute d’une nouvelle Haïti vertueuse et durable pour tous ses enfants.
Abner Septembre
Sociologue
Centre Banyen @ Vallue