La résistance des masses populaires en Haïti

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By Rezo Nodwes -30 septembre 2019

par Nolès Abellard

Au XIXème siècle et au premier quart du XXème siècle, la mise en cause radicale du système était venue essentiellement de la paysannerie, les paysans, les armes à la main, ont formé une sorte de résistance face aux nouvelles couches dirigeantes.

Il y a eu l’insurrection des paysans dans la Grande-Anse sous la direction de Goman, insurrection écrasée par Boyer, quelques années plus tard le mouvement des Piquets avec Jean-Jacques Acaau, armés de longues piques quand ils ne possédaient pas de fusils, signe de leur détermination à lutter coûte que coûte contre le système économique et social en claironnant la fin de l’obscurantisme, de l’exclusivisme, du despotisme, des abus faits aux paysans, en exigeant un échange plus juste dans le commerce tel payer moins cher les marchandises importées et d’être mieux rémunérés pour leurs denrées, et en réclamant la révolution agraire, le mouvement piquettisme a été réprimé par la classe dominante et le gouvernement de Riché, puis vinrent les paysans révolutionnaires du Nord prenant le nom des Cacos que l’intervention des marines s’est chargée de mettre fin et du coup sauvée la classe dominante féodale-bourgeoise en plein naufrage.

 Dès de la première moitié du 20ème siècle l’exode rural commence à se faire sentir, il s’est accentué dans les années 50 et s’est accéléré au fil des années car vivre de l’agriculture est devenu de plus en plus difficile, aujourd’hui 58% des Haïtiens vivent aujourd’hui dans les villes, l’aire métropolitaine concentre à elle seule un tiers de la population du pays. A la fin du XXème siècle et au premier quart du 21ème siècle, la mise en cause du système ne vient pas seulement dans le milieu de la paysannerie, elle sort également dans les centres urbains principalement dans les quartiers pouilleux… où grouillait un sous-prolétariat miséreux.

Aujourd’hui du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, les gens se réveillent contre l’injustice sociale. Paradoxalement, les politiciens et les classes possédantes engagées dans toutes sortes de rackets, pot-de-vin, fraude, surfacturation, extorsion, collusion font la gourmandise, ces criminels, ces escrocs se la coulent douce tandis que les masses populaires rurales et urbaines crèvent, le coût de la vie subit une augmentation incroyable, l’insécurité galopante devient insupportable.

Cette situation engendre le soulèvement de la population. Cependant, chaque fois que le peuple se soulève, la grande bourgeoisie (formée en majorité des haïtiens d’origine étrangère : européens, nord-américains, syro-libanais et juifs) et la petite bourgeoisie voient dans les manifestants que des bandits, des casseurs, des voleurs.

Le gouvernement, lui, voit que des politiciens ambitieux sont introduits dans le mouvement et le manipulent, il n’y a pas à douter que certains politiciens et la plupart des membres de la classe possédante cherchent à manipuler le mouvement en leur faveur et l’infiltration des bandits parmi les manifestants pour commettre des actes malhonnêtes. Mais au fond, les revendications sociales sont bien réelles, les masses populaires réclament la justice sociale, il ne faut pas l’ignorer.

Ce peuple si souvent trompé veut cette fois régler son compte à ses dirigeants. Le mouvement populaire de 1986/1991… avait mis l’accent sur la liberté d’expression et la démocratie, celui de 2018/2019 est chargé de revendications sociales: baisse du coût de la vie, justice sociale, démocratisation de l’économie, et comporte surtout, le procès de PetroCaribe. Effrayés, la classe dominante et le gouvernement incapables d’écraser le mouvement, cherchent à l’infiltrer, ils sont maîtres dans l’art de manipulation… puisque les gens se laissent facilement berner et manipuler, et la division si aisée à créer. Le système est fort et rusé, pour combattre réellement le système, il faut apprendre à détecter ses mensonges et ses manipulations. Ce que peu de gens arrivent à faire.

 L’histoire de la lutte populaire montre que le mouvement des masses populaires souffre d’un grave handicap : il lui manque une avant-garde consciente organisée et des alliés sûrs. Le mouvement populaire, c’est l’affaire d’une mouvance politique, une bande d’esprit partagé ce ne doit être l’affaire d’une personne ou de 10 personnes, souvent le mouvement s’est trouvé isolé, divisé, trahi, ou partiellement récupéré par l’un ou l’autre des politiciens contrôlés par le système et a pour conséquence le découragement des citoyens dans la lutte pour le changement. Il faut un grand mouvement devant aboutir à un grand parti politique avec un grand score de 70% qui devra appliquer le Programme des cahiers de revendications du peuple, en ce présent moment c’est de constater de visu la volonté populaire qui réclame le changement, c’est l’heure d’agir.

Destituer le président et renvoyer la 50ème législature sont les deux premières étapes de la lutte, cette dernière est longue et pleine d’embûches, les ennemis à l’intérieur qui accaparent la quasi-totalité des ressources du pays et ceux de l’extérieur en collusion avec la bourgeoisie comprador sont puissants, on est encore loin de voir le bout tunnel, on a encore du chemin à faire les tâches à accomplir sont énormes si l’on veut trouver la voie de développement durable souhaitée dans un pays de droit et d’institution.

Nolès Abellard
30/09/2019