By Rezo Nodwes -18 septembre 2019
Mercredi 18 septembre 2019 ((rezonodwes.com))– Ce jeu mérite que l’on s’y attarde. Il ressemble de loin à un jeu de cache-cache. Un jeu bien connu de chez nous, qui est réservé aux enfants de moins de 15 ans , généralement. Le principe de ce jeu pour les enfants qui n’ont pas fait le Lakou dans les coins le plus reculés du pays : un groupe d’enfants se cachent, alors qu’on laisse un d’entre eux, les yeux bandés ou non, dans un cercle.
Et au top départ, celui qui a été laissé dans le cercle doit retrouver un parmi ceux qui se sont cachés. Celui qui se fait prendre se placera dans le cercle et ainsi de suite.
A notre enfance, dans le lakou, dans ma ville natale, c’était l’un des jeux les plus prisés. Pour des raisons diverses que je n’évoquerai pas ici…
Ce jeu existe-t-il aussi chez nos hommes politiques Haïtiens ? Il me semble bien que oui!
De quoi s’agit-il ? Cela fait deux ans que le pays ne dispose d’aucun budget de fonctionnement à jour. Dans l’ordre des choses c’est l’exécutif qui prépare et exécute le Budget et c’est le Parlement qui doit le ratifier pour que le pays puisse être doté d’une loi des Finances.
Le 30 juin dernier c’était la date limite pour déposer le projet de loi budgétaire de 2019-2020, jusqu’à ce jour, rien n’a été fait. Cette situation est due à l’absence d’un gouvernement légitime depuis environ 5 mois, suite au renversement du Premier ministre Jean-Henry Céant par une motion de censure à la Chambre des députés le lundi 18 mars 2019.
Par ailleurs, l’inflation a atteint le sommet de 20 % en Août , contre 17 % en avril et 18% en mai. Les employés de la fonction publique ne perçoivent pas leur salaire à temps, ceux qui sont des contractuels ont plus de 10 mois sans un sou. Pourtant le président Jovenel Moïse ne pense pas à une bonne stratégie de sortie de crise. C’est le signe d’un État failli qui dirige par un président qui n’est ni conscient ni à la hauteur de sa fonction.
Pour le moment le taux de chômage est environ à 70% et plus de 2.5 millions de personnes en insécurité alimentaire aiguë dans le pays. L’État se trouve entre les mains des secteurs politiques et économiques du pays. Cet État kidnappé, n’a pas de plan pour l’emploi, la croissance et l’amélioration des conditions de vie de la population. Un État aussi affaibli voire inexistant ne peut en aucun cas avoir ou définir des politiques stratégiques de développement économique, social et structurel à l’échelle nationale.
Un citoyen conséquent qui observe la réalité politique peut constater que le chef de l’État ne dirige rien. L’autre constat, c’est l’incapacité de l’opposition dite démocratique et des groupes socio-politiques à trouver le modus operandi pour pousser Jovenel Moïse à la démission. Aujourd’hui, Haïti est en train de perdre du temps, le temps qui serait utile pour le lancement de l’économie et le développement du pays.
Selon la Banque de la République d’Haïti ( BRH) l’État collecte 7 milliards de gourdes par mois à travers toutes les institutions (DGI et la Douane) et le gouvernement dépense plus de 13 milliards pour la même période.
Le président Jovenel Moïse est en train de battre tous les records de la mauvaise gouvernance dans le pays. À plusieurs reprises des ratés de carburant sont constatés sur le maché et des jeunes qui transportent des gallons de Carburant sont morts calcinés dans le Nord’Est. Dans deux ans de mandat, deux (2) journalistes sont tués (Vladjimir Legagneur et Pétion Rospide) en raison de la prolifération des gangs armés.
Selon les déclarations des groupements sociaux et politiques de l’opposition, le gouvernement par le biais du directeur du Ministère de l’intérieur et du délégué du Département de l’Ouest a orchestré les massacres de la Saline et de Carrefour-Feuille.
Ces déclarations qui sont confirmées par la suite avec les rapports de Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), de la Fondasyon Je Klere (FJKL) et celui des Nations Unies à travers la Mission des Nations unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH). En plus, le président est impliqué jusqu’au cou dans la dilapidation des fonds PetroCaribe, selon le dernier rapport de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux administratif.
Cet état de fait, nous montre qu’il y a une tension entre la morale et la politique, du fait que de disposer du pouvoir politique c’est de disposer de la licence pour faire n’importe quoi en Haïti.
Face à cette situation d’incertitude beaucoup de jeunes cadres haïtiens ont quitté le pays ces dernières années et c’est le cas par exemple de beaucoup de médecins, d’infirmières, d’ingénieurs, d’agronomes, d’avocats, de sociologues, de professeurs et tant d’autres professionnels qualifiés qui sont formés dans le pays et, dont leur présence est indispensable dans la reconstruction d’Haïti.
Le pire, c’est que beaucoup d’entre eux une fois arrivés en terre étrangère sont obligés, nonobstant leur qualification, d’aller travailler dans les manufactures afin de prendre soin de leur famille, d’aider leurs parents et leurs proches parents. La plupart de ces cadres sont devenus comme des travailleurs sans métier touchant à la pièce, au salaire minimum et parfois en dessous du salaire minimum au gré d’un système dévalorisant la formation intellectuelle et les compétences techniques en vue d’enrichir les employeurs occidentaux, et d’autres sont devenus des chauffeurs de taxi, et tout cela se fait contre leur propre gré.
En fin de compte, l’existence même de la nation est menacée, donc on peut constater que les autorités perdent le contrôle même de son autorité. La République fonctionne en vase clos. Et, ce comportement d’une présidence hors-sol, hors-peuple, qui ne gère rien et parle avant tout à elle-même, d’elle-même. Ce comportement ressemble bien à un jeu de cache-cache.
Monsieur le président Jovenel, ce jeu n’est pas de votre âge.
Vitalème ACCÈUS
Anthropo-Sociologue
E-mail :acceus2009@gmail.com