par Kerlens Tilus
« Dans la culture haitienne, la plus proche de l’Afrique dans l’hémisphère occidental, les adeptes de la religion vaudou adorent le mapou comme moyen de communiquer avec les esprits. »
Haiti est dans l’impasse et nous savons pourquoi les choses vont mal. Aujourd’hui, nous ne voulons pas parler des problèmes en soi, mais nous voulons parler des solutions à apporter pour résoudre la crise conjoncturelle et systémique à laquelle le pays est confronté. Faisons un petit rappel sur la crise actuelle. Haiti a un problème de couleur et de classe. Un petit groupe de mulâtres et d’Arabes/ Juifs considèrent la masse des noirs comme des sous-hommes et les contraignent à vivre dans la misère abjecte et la pauvreté. Tous les autres aspects qu’on soulève dans la crise haitienne découle de la question de couleur et du racisme. Il faut avoir le courage de dire la vérité même quand on se fait de grands ennemis.
Aujourd’hui, l’Haitien préfère voter quelqu’un qui lui ressemble même quand il sait que cet individu ne va rien donner comme résultat. Allons droit au but. Il est difficile pour un haitien d’origine arabe de devenir président d’Haiti même quand il soit animé de bonne volonté. Le racisme n’est pas à sens unique. Nous devons trouver un moyen pour ouvrir un débat sur la question de couleur et de classe en Haiti. L’on peut dire ce que l’on veut, mais si nous n’arrivons pas à mettre sur une même table des mulâtres, des noirs, des arabes/juifs, nous sommes condamnés à vivre dans l’abjection. Comment expliquez-vous qu’il y a un groupe d’hommes dans le pays qui n’intervient jamais dans les médias, alors qu’ils sont détenteurs des moyens de production ? Certains auraient pu parler d’affaires et inviter les jeunes à prendre le chemin de l’entreprenariat.
Les meneurs de ce pays sont des individus que le grand public ne connait pas. On entend parler de Gilbert et de Reuven Shalom Bigio, les hommes les plus riches d’Haiti, mais on ne les connait pas. C’est presque rare de voir leurs photos dans un magazine ou un journal. La classe des affaires ou la classe des gens riches est tout à fait hermétique. Nous passons notre temps à parler du conjoncturel, des diversions que certains malfaiteurs créent pour détourner notre attention, alors que la question véritable n’est jamais abordée. Dans le temps, avec le message acerbe de certains politiciens contre la classe des affaires, nous croyions que le changement était possible sans la prise de conscience ou la participation de cette classe dans les affaires nationales. Aujourd’hui, nous réalisons qu’Haiti a besoin de tous ses fils. Même quand les arabes et les juifs se comportent comme des étrangers ; ils vivent sur le territoire, on ne peut pas les empêcher de se dire Haitiens. Que font-ils pour aider le pays à sortir de l’ornière du marasme ? Le secteur privé créé des emplois et participe tant soi peu à faire bouger l’économie, mais il ne fait pas assez. Nous remarquons que ces hommes de la classe des affaires n’ont pas le sens patriotique. Voilà pourquoi on met en cause leur haitianité.
Des 122 milliards de gourdes du budget national, 80% va pour le fonctionnement de l’Etat avec plus de 80 mille employés et il y a moins de 10% qui va dans l’investissement. Est-ce que l’on peut faire avancer un pays dans cette situation ? Nous créons de l’instabilité, ce qui décourage les investisseurs à investir dans le pays. N’était-ce la contrebande, l’argent collecté à la frontière aurait suffi chaque année pour construire un grand centre hospitalier, un campus universitaire en région dans le pays et investir dans les infrastructures. La crise que nous vivons aujourd’hui va au-delà de Jovenel Moise et du PHTK.
Après 1986, nous ne nous sommes pas mis d’accord sur une vision commune, sur une orientation à donner au pays. Les ténors du mouvement de libération de 1986 étaient plutôt préoccupés à empêcher les duvaliéristes de retourner au pouvoir alors que ces derniers étaient enracinés dans le pays. 33 ans après, le duvaliérisme est au pouvoir ; un fils de l’ancien dictateur pavane dans tout le pays et croit qu’il peut être président. Si les leaders politiques de la période de 1986 avaient fait le dépassement pour dialoguer et offrir au pays une alternative, nous serons bien loin. Si de 1986 à 1999, quand il y avait des hommes d’Etat dans la politique haitienne on ne pouvait pas trouver un consensus pour faire démarrer le pays, ce n’est pas aujourd’hui avec ces « lamayòt » que nous allons faire des bonds en avant. Le problème d’Haiti est aussi un problème d’hommes et de femmes capables, intègres et soucieux du développement du pays. Il y a certes des Haitiens qui sont compétents et performants, intègres et qui aimeraient que les choses changent. Mais, ils sont réticents à offrir leurs services parce que nous vivons dans un pays mangeur d’hommes.
Malgré que les choses vont mal au pays, mais j’ai la foi qu’elles peuvent changer. Toutotan mwen gen plim sa nan menm em gen kapasite poum panse, mwen pap sispann kwè ke peyi a ka chanje. Je suis conscient du problème même quand je peux ne pas saisir son ampleur réelle, mais j’arrive à percevoir le monstre. Que voulons-nous faire de ce pays ? Nous avons attaqué des individus, les prenant pour cible, mais nous remarquons que les chenapans accroissent à un taux exponentiel. Nous ne pouvons pas attaquer chaque homme politique, chaque homme d’affaires. Ce n’est pas la bonne formule. Le mieux serait d’arriver à une conscientisation générale ; mais la grande question est comment faire pour rendre possible cette conscientisation générale. Rien que la semaine dernière, nous avons vu la mesquinerie des artistes, alors qu’ils devraient être des avant-gardistes pour guider le peuple. Un artiste devrait avoir la sensibilité de mettre la main sur une plaie et de motiver les médecins pour la traiter. Pauvre Haiti, nous ne sommes pas encore à ce niveau. Haiti est comme un malade qui a une dizaine de médecins à son chevet, mais ils parlent tous ensemble et personne ne veut assumer le leadership pour faire un diagnostic avec l’input de chaque médecin, de distribuer les tâches et de proposer un traitement pour guérir le malade. Qui est qualifié pour traiter le malade Haiti aujourd’hui ? ou encore qui sont assez crédibles pour rassembler tout le monde autour d’une même table et réaliser le dialogue national que le sénateur Turneb Delpé de regretté mémoire a toujours prôné ?
Dans tous les pays au monde, il y a des sages à qui l’on fait appel dans les moments de crise, non seulement pour donner leur point de vue, mais pour rassembler les protagonistes et résoudre le conflit. En Haiti, nous appelons le sage, un mapou. C’est un homme ou une femme rectiligne qui est âgé de 70 ans et plus, qui est lucide et qui a vécu une vie exemplaire et qui inspire le respect et la confiance. Un griot est un membre d’une classe de poètes, musiciens et conteurs itinérants qui perpétuent une tradition d’histoire orale. Haiti est regorgé de mapous et de griots. Qu’attendent-ils pour faire leur entrée sur la scène ? Ils ont été membres de divers secteurs et sont bien imbus de la situation actuelle et du problème systémique. Ces gens sont un puits de connaissances et ont de l’expérience à partager. Comme bloggeur professionnel et citoyen engagé dans la libération de mon pays, je suis placé pour conseiller, pour dénoncer, diagnostiquer, dire la vérité et proposer des pistes de solution. On peut avoir des divergences profondes avec moi, mais personne ne peut mettre en doute ma sincérité et mon amour pour ce pays. Je n’ai pas à dire du bien de moi-même, mais je laisse mes actes parler pour moi. Je sais qu’il y a un grand nombre d’Haitiens qui souffrent dans leur chair et dans leur âme et qui ne sont pas indifférents. Aujourd’hui, nous leur demandons de lancer le cri d’alarme. Nos mapous et nos griots sont bel et bien vivants. Je ne vais pas citer de noms puisqu’ils sont des milliers et disséminer partout en Haiti et dans la diaspora. Ce que je propose aujourd’hui, c’est la désignation dans chaque département en Haiti d’une dizaine d’individus âgé entre 70 ans et 100 ans qui sont lucides et qui peuvent travailler en équipe et qui n’ont pas de graves problèmes de santé. On peut désigner une vingtaine dans la diaspora. Et avec ce noyau de 120 personnes, on peut leur donner pour mission de gérer les conflits actuels, de donner des pistes de solution, de réaliser le dialogue national et qu’à travers des consultations de proposer une vision nouvelle et un projet de développement pour Haiti.
Certaines entités académiques, des centres de recherches et de réflexions comme le GRAHN pourraient donner le support technique et académique pour favoriser ces échanges et l’élaboration des documents. Ces 120 personnes doivent être choisis par les citoyens de leur communauté et non par un secteur impliqué dans la crise. Jovenel Moise, le Parlement, le CSPJ doivent mettre sur le tapis leur mandat. Et comme l’ont si bien dit Jerry Tardieu et Reginald Boulos à travers l’émission Sakapkwit sur Télé Magic 9 de rebattre les cartes. Les résultats des échanges et discussions qui sortiront de ces assises doivent être appliqués à la lettre. On peut prendre deux mois pour monter ce groupe de 120 personnes qui auront trois mois pour travailler et soumettre un document aux protagonistes. Quand je parle de protagonistes, je vois le secteur politique, les quatre pouvoirs que sont la presse, l’exécutif, le législatif, le judiciaire et ensuite la classe des affaires. Pendant une période de six mois, il doit y avoir une trêve politique pour donner la chance à ce comité de travailler en paix. Le travail doit avoir lieu peut-être dans un hôtel au bord de la mer pour permettre à ces adultes d’être dans le meilleur état d’esprit que possible. L’Etat haitien donnera tous les moyens logistiques pour la réalisation de ces assises.
Au point où nous sommes, la classe politique a échoué, la classe des affaires a échoué, les quatre pouvoirs ont échoué, la société civile a échoué, l’université a échoué, les associations citoyennes ont échoué. Tout le monde a échoué comme médecin au chevet du malade Haiti. Pourquoi je parle de 120 personnes ? Avec 120 personnes, on a toutes les tendances, toutes les divergences, c’est un microcosme du macrocosme qu’est le pays. Un point à souligner, les débats se feront en créole et les résolutions doivent être publiées en créole et en français. Parmi les dix membres de chaque département, un seul doit avoir le droit de vote. Avant de voter une résolution, la personne qui peut voter doit consulter avec les neuf autres. Ainsi, nous aurions un conseil exécutif de 12 votants dont 2 pour la diaspora. Nous devons donner une chance à ce pays et nous devons le faire maintenant. Le Core Group qui a également échoué en Haiti ne peut pas faire partie de la solution et il ne peut pas se constituer en facilitateur. C’est une insulte que les Etats-Unis d’Amérique envoient des émissaires en Haiti pour encourager les Haitiens à dialoguer. Et ceux qui prêtent leur flanc à ce jeu sont des apatrides. Les Etats-Unis d’Amérique contribuent à cette galère que nous vivons aujourd’hui avec leur embargo de 104 ans. Aujourd’hui, les Etats-Unis d’Amérique et l’ensemble du Core Group sont sur le banc des accusés. Il revient aux Haitiens, à nos griots et à nos mapous de résoudre cette crise. J’invite tout un chacun à commenter ce texte, à critiquer ma position et l’améliorer. La constante est que nous organisons un woumble avec des sages haitiens. Après la publication des résolutions, ce conseil de 120 membres sera réduit à 10 membres pour entamer les négociations avec tous les protagonistes. Ils auront trois mois pour trouver une entente sur les résolutions. Pendant ce temps, l’administration de Jovenel Moise doit prendre des décisions importantes pour limiter les dégâts. Le président pendant cette période de 8 à 9 mois doit faire un profil bas. Jovenel Moise a un mandat de cinq ans. On ne peut pas lui demander de plier bagages sans une alternative sûre. Retire PHTK, mete lavalas, nou nan kriz pirèd. Je marche ici dans la logique de la troisième voie, la voie révolutionnaire, la voie du chambardement, la voie du changement radical. J’aurai à ecrire plusieurs textes sur cette proposition pour définir les étapes et suggérer une marche à suivre. Utilisons nos mapous et nos griots qui ont vu et qui ont vécu.
Je ne suis pas riche, je ne peux pas investir en Haiti. Et même quand j’avais de l’argent, le climat n’est pas propice à l’investissement. Je ne peux que mettre mes méninges et ma plume au service du pays. Un professionnel haitien m’a dit récemment au lieu d’ecrire, pourquoi ne pas utiliser mes talents pour faire de l’argent. Ce que j’offre aux jeunes et à mon pays est plus précieux que l’argent. Les quatre pouvoirs, la classe d’affaires, l’opposition face à Jovenel Moise doivent donner une chance à ce pays. Nous sommes à la dernière ligne droite. Haiti est sous le chapitre 7 de la Chartre des Nations Unies. Au moindre trouble, il y aura une intervention militaire en Haiti. Je ne crois pas que nous voulons une intervention militaire ni une annexion de la République Dominicaine en fonction du R2P (Responsabilité de protéger). L’adage stipule : « qui veut son respect, se le procure ». Nous ne voulons pas que le Blanc raciste s’immisce dans nos affaires, nous devons assumer notre responsabilité pour laver nos linges sales en famille. Je vais entamer des discussions avec des acteurs sur ma proposition pour les porter à s’orienter dans cette voie. Dieu a un plan salvifique pour Haiti. Nous avons juste qu’à entendre sa voie. Ce qui doit réaliser pour Haiti n’est pas une affaire d’hommes. Mais Dieu servira avec des hommes pour libérer son peuple. Je parle en tant que croyant et je crois que les miracles existent. Rendons le miracle haitien possible. Avec Dieu, nous ferons des exploits. Vive Hayti chérie !
Kerlens Tilus 03/06/2019
Tel : 631-639-0844