par Carly Dollin
Les multiples mesures « involontaires » des autorités haïtiennes – révocations de grands conseillers présidentiels, annulation de contrats déloyaux juteux, démission du gouvernement Jaques G. Lafontant, et la toute dernière en date, annulation des festivités carnavalesques – obéissent tout bonnement à la souveraineté populaire. Vox Populi, Vox Dei !
Port-au-Prince, jeudi 21 février 2019 ((rezonodwes.com))– Ces décisions n’émanent pas d’une prise de conscience des autorités, de ce régime politique incompétent et irresponsable, qui restent dans leurs zones de confort et dans leur petite bulle, faisant fi des douleurs, de la misère, de la précarité de la masse, des affronts, de l’infamie, des discriminations et des déshonneurs encaissés par les fils et les filles du pays partout à travers la planète. C’est plutôt l’expression d’une peur bleue, de la thanatophobie et d’une crise d’anxiété du régime actuel qui voit arriver la fin de ses privilèges et de ses facilités à profiter des avantages cupides et mesquins.
Depuis les déclics du 6-7 juillet 2018, ce n’est plus la présidence ou le gouvernement qui décident de manière unilatérale des mesures et des actions à entreprendre au sein de la société haïtienne. La présence du poids populaire dans la balance politique a désaxé les déshonorables parlementeurs, les flagorneurs dans le sillage présidentiel, les comédiens du Bicentenaire, les laideurs et les vampires politiques qui ne peuvent respirer que sous l’oxygène de l’immunité que leur confèrent leurs postes honorables.
Les discours présidentiels épicés et assaisonnés de mensonges polymorphes et multicolores au début de l’année 2018 et qui se concluaient par « Point Barre ! » allaient épouser, depuis mi-juillet, de nouvelles tournures, des tons et des sons respectueux en se terminant désormais par : « Pep Ayisyen, Nou pale, m tande nou ! ».
Cette soudaine marque d’attention présidentielle « factice » allait être le vécu haïtien suite au réveil du peuple de sa léthargie décennale. Cette population bafouée, crucifiée, martyrisée et toujours oubliée dans les projets économiques et sociaux se révolte amèrement contre ses prédateurs et ses oppresseurs séculaires. On s’en foutait pas mal si l’Hôpital Général n’est équipé du minimum pour fournir des soins de santé aux malades ; si les enfants, les jeunes et les étudiants ne puissent accéder à des espaces décents pour étudier, pour se recréer ; si les professeurs de Lycée, les médecins et les policiers ne puissent recevoir que du caca harengs comme salaire en contrepartie de leur noble travail dans la société. Pourtant, des millions de dollars américains sont budgétisés pour des bamboches de carnaval, des programmes Ti-Rat et Ti-Sourit ; des millions de dollars sont programmés comme primes à verser aux députés et aux sénateurs pour leur travail « honorable et irréprochable» de contrôle de qualité, de vigie, de respect des principes de passation de marchés, de contrôle de la gestion et des dépenses rationnelles des fonds publics.
Cette révérence et cette sagesse présidentielles trompeuses ne témoignent pas une prise de conscience de cette équipe aux têtes mal calées qui continue d’enfoncer le pays dans l’abime et dans une crise abyssale. Elles résultent plutôt d’une thanathophobie et d’une petrophobie qui causent l’insomnie et l’asthénie des déshonorables officiels de l’exécutif et du législatif qui ne savaient à quel saint se vouer. Depuis les sorties stratégiques du PetroChallenge qui brandissent des pancartes et des cartons rouges contre l’arrogance, les dilapidations, les mépris, les gaspillages, l’indécence et la cupidité, le Parlement a vu de toutes les couleurs, la présidence a reçu des fourmis dans ses jambes, dans ses oreilles, sous ses aisselles…Révoquer, réintégrer, parler, déparler, reparler, tous les verbes de l’instabilité psychique de la présidence se conjuguaient et se déclinaient dans tous les temps, dans les salons du palais national et de la primature. Suite aux chocs cérébraux causés par les uppercuts, les Apchagis, les Bichagis et les Dolyochagis du 17 octobre, du 18 novembre et du 7 février, les changements de tactiques, les montages, les jeux de rôles, les changement de joueurs, pour faciliter les rééquilibrages et les réajustages, pour sauver « le soldat Ryan » n’ont pas suffi et ont tous voué à l’échec.
Chute du navire politique en place
Plus que la simple annulation des évènements carnavalesques, la population a horreur des gabegies, des malversations et des prévarications accouchées par le régime politique en place. Haïti se réveille et vit quotidiennement, ces derniers jours, dans le feu et dans le sang ; ce qui montre une vulnérabilité et une incertitude imminente de l’avenir politique, sociale et économique de cette nation aux richesses immenses mais non exhibées à cause du manque de vision et de leadership des acteurs économiques et politiques. Le sens d’irresponsabilité et d’insouciance de cette équipe politique inculte, a plongé le pays dans une méfiance généralisée, dans une pauvreté aiguë et une misère atroce.
Les forces vives de la nation, les jeunes, les femmes, les étudiants, les chômeurs, les professionnels, à travers l’initiative galvanisante PetroChallenge, sont sortis de leur mutisme et de leur léthargie pour brandir des pancartes et des cartons rouges contre la corruption, la pauvreté, les fraudes, les gabegies administratives, les malversations et les prévarications qui semblent être les marques de fabrique de ce régime. Les conséquences néfastes des aveuglements et de l’amateurisme de la présidence sont visibles et palpables.
Haïti occupe aujourd’hui la tête de liste des pays les plus corrompus et les plus pauvres du monde ; la monnaie nationale continue sa course effrénée de descente aux enfers (plus de 85 gourdes pour un dollar), le taux d’inflation spectaculaire, déjà à 15%, va continuer sa montée en flèche. Ces indicateurs macroéconomiques décrivent le tableau sombre du niveau de détérioration du pouvoir d’achat et des conditions de vie de cette population croupie dans une précarité immonde et qui n’arrive pas à visualiser de la nourriture dans ses assiettes et de l’argent dans sa poche contrairement aux promesses de charme pour la persuader à jeter des bulletins présidentiels rose et blanc dans les isoloirs, il y a plus de deux ans.
Les revendications populaires exigeant la lumière éclatante sur les dilapidations des fonds PetroCaribe, qui ont déjà révoqué de grands dignitaires et qui continuent de faire parler et déparler les plus hautes autorités de l’Etat, sont nobles et justes. Et elles méritent d’être entreprises, dynamisées, revigorées, mais toujours dans un climat de respect des valeurs, des vies et des biens, pour faire honneur à nos ancêtres, à notre jeunesse courageuse, à nos enfants et nos petits-enfants. Les mobilisations PetroChallenge expriment un ras-le-bol et sollicitent l’engagement de l’élite et de l’intelligentsia haïtiennes dans les dix départements et dans la diaspora pour concevoir et implémenter une offre politique sincère, honnête, digne et compétente pour mettre à l’heure les pendules du règne de la justice, de la sécurité, de la stabilité et de la création de la richesse sur cet espace occupé par onze millions d’âmes en quête de paix et de bonheur.
Carly Dollin
carlydollin@gmail.com