par Dr Jean-Ford G.Figaro,
Santé: la crise politique menace les séropositifs et les tuberculeux en Haiti.
Salus populi suprema lex esto
Lundi 18 février 2019 ((rezonodwes.com))– La tuberculose figure désormais, au même titre que le VIH (virus de l’immunodéficience humaine), parmi les principaux enjeux de santé publique en Haiti. Elle est considérée comme l’une des maladies les plus meurtrières du monde, et peut être soignée, mais sans traitement approprié, 45 % des malades en mourront et pour les séropositifs, ce taux frôle les 100 %. Je me demande si l’opposition politique s’en tient vraiment à la santé des haïtiens?
Une question pertinente pour commencer ce texte, qui n’est autre qu’un cri d’alarme, pour attirer l’attention des décideurs politiques, plus particulièrement les opposants farouches, sur l’urgence que fait face les malades et la population en général. Alors que la République d’Haiti s’enfonce dans une crise politique profonde, le système de santé s’effondre à une vitesse incontrôlable. Les hôpitaux sont privés de médicaments et autres services nécessaires aux soins. Les personnes atteintes du VIH/SIDA et Tuberculose n’ont ainsi plus accès aux médicaments antirétroviraux essentiels et les antibiotiques pour le traitement de leurs cas depuis plus d’une semaine.
La crise socio-politique met en péril les progrès accomplis ces dernières années en matière de la régression de ces deux pathologies. Les programmes de lutte contre le VIH et le Bacille de Koch dans un pays où la prévalence des deux est très élevée, sont susceptibles de connaitre un revers qui pourrait être très catastrophique pour les bénéficiaires. Il est à prévoir que de nombreux patients accuseront un taux de mortalité et de morbidité accrue, si des décisions ne sont pas prises pour faciliter l’accès aux traitements antirétroviraux et antibiotiques. Toute interruption aux thérapies risque d’avoir des effets désastreux, susceptible de coûter cher à inverser dans le futur. Les risques que pourraient présenter cette crise, qui empêche aux patients de transiter fluidement vers les hôpitaux, affecterait le pays quand à ses engagements internationaux de diminuer le nombre de cas dans le pays. L’état doit prendre ses responsabilités pour la protection des personnes en fragilité et l’accès de tous à la santé et à la prospérité: « salus populi suprema lex esto.
Les médecins traitants et les unités d’infectologie sont très inquiets, vue que les hôpitaux ne sont pas approvisionnés de médicaments et les malades ne sont pas capables d’arriver aux différents centres hospitaliers. Le mouvement de manifestations et de blocage des routes ont interrompu la libre circulation de toute une population. Ces actions ont engendré la peur chez les patients et les prestataires de soins. Les stocks de médicaments sont épuisés et le pire est à craindre à cause du radicalisme des secteurs de l’opposition. Une situation d’autant plus grave que le pays fut un temps en avance en matière de lutte contre le sida et la tuberculose. Selon l’Association des Hôpitaux Privés d’Haiti «Tous nos Centres hospitaliers commencent à faire face à des défis majeurs; pénurie d’électricité, pénurie de carburants, pénurie d’oxygène, appauvrissement des stocks de médicaments et arrêt des moyens transports et des moyens de communication. Ces défis mettent directement en jeu notre capacité à sauver des vies ».
Primo, dans le cas du VIH/SIDA, la polythérapie ou trithérapie antirétrovirale, soit la prise quotidienne de trois médicaments abaisse les valeurs de la charge virale dans le sang à des niveaux indécelables freinant le développement d’une morbidité et mortalité graves. Dès lors que la charge virale augmente, l’apparition de maladies mortelles sont imminentes. Même s’il s’agit d’une rupture de courte durée, celle-ci suffit à mettre en danger la vie des patients sous traitement antirétroviral. Près de 50% dont le traitement est suspendu pendant 5 jours peuvent se heurter à une absence de réaction, s’ils reçoivent le même protocole.
Il faut considérer le risque possible de la résistance du VIH aux médicaments. Segundo, la tuberculose est devenue en 2015, la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde, devant le VIH (OMS). Le traitement est long et lourd, il dure 6 mois, dont deux mois intensifs avec quatre médicaments. Il doit être suivi scrupuleusement jusqu’à son terme pour en maximiser l’efficacité et réduire le risque d’apparition de résistances à une ou plusieurs des molécules prescrites. Pour le simplifier un peu, des combinaisons à doses fixes, qui réunissent en un seul comprimé les 4 molécules, sont disponibles.
La crise politique et ses turbulences risquent de menacer l’existence de milliers d’haïtiens séropositifs et de tuberculeux en traitement aux antirétroviraux et antibiotiques. Il est fort possible que les programmes de prévention chez les populations à niveaux de risque élevé, subiront des conséquences néfastes pour les concernés. Ces problèmes provoqueront à coup sur une augmentation du nombre de nouvelles infections et de résistance aux médicaments. Si la situation de blocage des rues persiste et l’accès aux hôpitaux reste limité, la fourniture des thérapies sera compromise et nous aurons des morts qui pourraient être évitables. Il va de l’intérêt supérieur du pays et des patients de prendre des mesures idoines pour atténuer et finir avec ce désordre.
Il est impératif dans cet environnement d’incertitude, que l’opposition permette au système de santé de fonctionner sans interruption et menace. Puisque les ébullitions socio-politiques sont mauvaises pour la santé, il sera nécessaire, pour le futur, d’anticiper la diffusion épidémique dans le pays, de ces pratiques médiévales de lutte. Même en temps de guerre, la santé est un droit inaliénable. Il est nécessaire de reconnaître le lien causal entre un bon niveau de santé publique et la stabilité politique. Enfin, protégeons les malades et le système sanitaire en permettant aux ambulances, malades et soignants de transiter sans barricades dans tout le pays.
Dr Jean-Ford G. Figaro, MD/MsC-HEM