Jeudi 14 février 2019 ((rezonodwes.com))– Au sortir du régime dictatorial le 7 février 1986, la paix et la stabilité politique ont constitué depuis lors, deux des principaux enjeux auxquels la nation haïtienne est confrontée en raison des luttes sempiternelles et fratricides pour le pouvoir. S’il s’est avéré que les crises font partie des catalyseurs essentiels qui font évoluer les peuples et les sociétés, il est tout aussi vrai qu’elles comportent des éléments déstabilisateurs capables de faire végéter un peuple dans la misère la plus abjecte pendant des années.
Le 7 février 2019 marque un tournant décisif dans la tragédie politique haïtienne avec la sortie en masse de la population dans presque tous les départements, pour faire passer leurs revendications légitimes concernant le coût élevé de la vie et l’état de misère trop répandue. La dimension de cette crise est bien évidemment nationale à cause de la grande pauvreté qui sévit dans le pays.
Nous les Sénateurs signataires de la présente note, alarmés par la situation de violence généralisée en marge des mouvements de protestation contre la cherté de la vie ;
Nous regrettons profondément la triste et désastreuse réalité qui prévaut dans le pays;
Nous nous lamentons sur les pertes en vie humaine et la destruction des biens causés pendant les manifestations ;
Nous:
– Remarquons que la population exerce son droit constitutionnel qui est de revendiquer contre la cherté de la vie à travers des manifestations de rue dans tout le pays et pour la plupart de manière spontanée;
– Constatons que la nation demande des comptes sur la gestion des fonds publics et plus précisément les fonds « Petro-Caribe » ;
– Notons que les revendications des manifestants vont jusqu’à exiger l’éradication du système politique actuel ;
– Soulignons les positions de l’opposition politique en générale ;
– Rappelons que le Sénat de la République doit sans cesse œuvrer à la préservation de la démocratie qui est un outil inhérent au développement ;
Forts de ces constats, nous convenons que:
1. Le Gouvernement doit travailler sur la méthode à adopter pour prendre des mesures urgentes qui vont jusqu’à l’enlèvement de l’interdiction de certains produits alimentaires venant de la République Dominicaine, certes pour une durée bien déterminée en fonction des besoins de la population, tout en renforçant notre production agricole.
2. L’Exécutif doit, dans les limites du droit, créer un task-force entre l’UCREF, l’ULCC, la CSC/CA et une firme d’enquête internationale sur les crimes financiers afin de renforcer les rapports soumis en vue de déclencher le procès Petro-Caribe sur une base d’impartialité.
3. Il est impératif que le Gouvernement sursoie à certains privilèges accordés aux grands commis de l’État et aux parlementaires en attendant le vote du Budget 2018-2019 pour qu’ils soient définitivement éliminés.
4. Des dispositions doivent être prises par le Gouvernement, en fonction de sa politique monétaire en vue d’attribuer à la BRH, et seulement à la BRH, le rôle de régulateur du taux de change de la gourde face aux monnaies étrangères.
5. Le Président et le Premier Ministre doivent élargir le cadre du dialogue déjà entamé de manière sereine et honnête avec les représentants : des partis politiques, du secteur privé des affaires, des petrochallengers, des organisations de femmes, du secteur religieux, des syndicats, des organisations de droits humains, de l’Université, du Pouvoir Judiciaire, du Pouvoir Législatif, des Membres de la communauté internationale à titre d’Observateurs, afin d’adopter un pacte de gouvernabilité selon l’esprit et les prescrits de la constitution de 1987 amendée pour le bien-être de notre Nation.
Cependant, il faut aller au-delà des mesures conjoncturelles et analyser cette crise comme une opportunité de s’interroger sur le destin et amorcer un nouveau départ sur des bases plus solides. Les causes profondes de cette crise chronique, sont notamment à rechercher dans l’effondrement de l’État-Nation, le déclin économique, les désastres naturels et le manque de production destinée à la consommation locale et à l’exportation. Les causes secondaires seraient le chômage, la pression démographique et l’inaccessibilité aux prêts et crédits en faveur de la population. Les causes tertiaires proviendraient des acteurs politiques et de leur incapacité à trouver des accords sur un programme durable de développement. L’opposition et le gouvernement s’arrangent trop souvent sur des positions extrémistes, éloignées des exigences de l’intérêt supérieur de la nation au risque d’envenimer davantage, mêmes les conflits les plus inopportuns.
La situation que vit la République depuis des jours doit nous interpeller tous. L’unique voie pour la résolution de la crise reste un dépassement de soi et la volonté de vivre ensemble en privilégiant la culture du dialogue et de la tolérance.
Donnée à Port-au-Prince, le 13 Février 2019, par :
Dieudonne Luma ETIENNE Wilfrid GELIN Sénatrice Sénateur
Willot JOSEPH
Sénateur