par Johnson JEAN-BAPTISTE :
Dimanche 10 février 2019 ((rezonodwes.com))– La justice, dit Platon, philosophe grec de l’Antiquité, est une vertu cardinale que l’État doit posséder. Considérée sous son aspect institutionnel, elle a pour finalités de maintenir la société en équilibre, de montrer la voie droite à suivre et de mettre en harmonie les rapports des membres de la cité. Celui qui exerce la fonction judiciaire doit avoir la sagesse pour “rendre à chacun ce qui lui est dû” indépendamment de ses intérêts particuliers et doit pouvoir dompter ses affects par la raison. Si tel n’est pas le cas, c’est le règne de l’anarchie, de la barbarie et de l’injustice.
Qu’en est-il de la justice à Port-de-Paix (Nord-Ouest Haïti) et des magistrats qui l’exercent, notamment au Parquet près le tribunal civil de ce resort ?
L’illustration de l’affaire de Norilès Jean-Baptiste qui se porte partie civile dans la cause opposant le Ministère Public contre Vital Libérus nous permettra d’avoir une juste idée de l’état de la justice dans cette juridiction. Mais d’abord permettez-nous de dire que le système judiciaire haïtien, comme notre société en général, traverse une crise profonde. En fait, la crise de valeurs et de repères de cette société est une conséquence de celle du premier car, comme nous l’avons dit précédemment, la justice est appelée à orienter la société dans la voie bonne et juste.
La faiblesse de notre appareil judiciaire peut s’expliquer, d’une part, au niveau des personnels qui le composent. Ces derniers sont pour la plupart recrutés non selon des critères de compétences et de mérites mais sur base de militantisme et de clientélisme politique et restent attachés aux élus ou au régime au pouvoir qui les ont nommés, n’ayant pas la capacité ou la volonté de pouvoir dépasser le cadre politique qui les y a emmenés et de répondre aux exigences de la symbolique femme aux yeux bandés, image d’une justice impartiale, équitable et proche de la population.
D’autre part, il faut prendre en compte la qualité de formation qu’ont reçue ces gens qui seront magistrats, laquelle est sujette à questionnement. Aujourd’hui, certaines écoles de droit de la république ayant des annexes qui pullulent dans quasiment chaque quartier, coin et recoin du pays, donnent une formation et une licence en droit qui sont en-deçà du niveau minimum d’excellence académique, pour ne pas dire médiocre. À cette situation s’ajoutent les faibles moyens financiers alloués par l’État au fonctionnement de nos tribunaux et cours, qui poussent parfois certains magistrats et Commissaires du Gouvernement à pratiquer du marchandage judiciaire, ou mieux, à faire de la justice un objet marchand; ce qui alimente tout un cercle vicieux dans les milieux judiciaires.
L’affaire de Norilès Jean-Baptiste/Ministère Public contre Vital Libérus en est un parfait exemple.
Le 21 janvier 2019, vers les 11h du matin, Norilès Jean-Baptiste reçoit un appel de sa petite amie qui l’ invite à venir chez elle. Pendant qu’il s’endormait sur le lit, alors que la dame s’était déjà déplacée et a fermé les portes de la maison, un homme dénommé Vital Libérus y fait irruption avec effraction et, avec des barres de fer, se jette sur M. Jean-Baptiste qui, se réveilla de son sommeil, n’a pas pu faire le moindre effort pour s’esquiver des coups de barres de fer qui tombaient sur sa tête et son visage, ainsi que des dents de Libérus qui, comme un chien enragé, le mordait partout de son corps. Aux cris répétés de “Anmwey sekou ! ” émis par la victime, les voisins accouraient et le bourreau prenant la fuite, se fait arrêter par la police.
Le Substitut-Commissaire du Gouvernement, Me. Wilsminder Louis, se charge de l’affaire et saisit par citation directe le Tribunal correctionnel pour voies de faits, ce, sans tarder et après maintes injonctions verbales faites aux avocats de la victime d’accepter une résolution à l’amiable du contentieux en contre-partie de 25 000 gourdes à verser à la victime par Libérus. Or, dans un tel cas, les faits sont tels qu’il s’agisse d’une tentative d’assassinat avec préméditation et commencement d’exécution suivi de désistement involontaire du délinquant qui nécessite, comme le veut la loi et le requiert Me. Moclès JEAN-BAPTISTE l’un des avocats de la partie civile, la saisine du Cabinet d’instruction par le Parquet.
Le 24 janvier, le bourreau étant comparu en état à l’audience correctionnelle, le juge rend un avant-dire droit ordonnant que l’affaire soit jugée au 29 janvier suivant au cours duquel les avocats de la partie civile espéraient soulever l’incompétence du tribunal correctionnel et, en conséquence, demander le renvoi du dossier au Cabinet d’instruction. Cependant, force est de constater que, sans avoir même attendu que cette audience au correctionnel ait lieu, Wilsminder Louis, Substitut-Commissaire du Gouvernement, qui, dès la réception du dossier s’était déjà pactisé avec le délinquant, a procédé à la libération illégale de Vital Libérus sans aucune forme de procès.
Nous condamnons avec les plus grandes force et rigueur les vagabondages judiciaires, les attitudes partisanes et sectaires du Substitut-Commissaire Wilsminder Louis et de tant d’autres parquetiers de Port-de-Paix ; nous exigeons la comparution de nouveau en état de Vital Libérus, en cavale jusqu’à date, devant la justice et dénonçons enfin le laxisme et les incompétences des magistrats de la République qui rechignent à restituer à la justice son vrai sens et à permettre à tous citoyens d’avoir accès à une justice impartiale et équitable afin d’arriver à la construction de la société juste dont parlait déjà Aristote.
Johnson JEAN-BAPTISTE est Avocat au Barreau de Port-au-Prince. Il détient un Master en Philosophie et Critique contemporaine de la Culture et enseigne aux universités. Contacts: Téléphones: (+509) 3606 7787 | (+509) 3232-9793; e-mail : johnson.jeanbaptiste@ymail.com