Avec son processus de dialogue, Jean Henry Céant se dirige vers le partage du gâteau. L’expérience d’El Rancho revient au goût du jour.
L’Exécutif est sur le point de proposer un « pacte de gouvernabilité » aux différents secteurs de l’opposition. Tout parti qui donnera son accord à ce pacte acceptera automatiquement de résoudre la crise politique que traverse le pays par un consensus, d’assurer la stabilité du pays en créant un climat d’apaisement social, de promouvoir le progrès social et économique du pays.
En matière politique, c’est un pacte composé, entre autres, du partage de responsabilités avec l’opposition et la société civile dans le cadre d’un gouvernement d’ouverture, de la mise en place d’un comité de médiation pour la tenue d’une conférence nationale, consensus sur la réalisation d’un profond amendement constitutionnel ou d’une réforme constitutionnelle, de l’octroi de financement aux partis politiques en vue de leur fonctionnement et de leur renforcement, de l’entente sur la mise sur pied du conseil électoral, de la réalisation des élections constitutionnellement prévues et de l’accélération des démarches tendant à la réforme effective de l’État.
Du point de vue social, les initiateurs misent sur la création d’emplois à haute intensité de main d’oeuvre dans les dix départements du pays, avec emphase sur les jeunes, et appui à la mise en place par les jeunes et les femmes d’entreprises génératrices de revenus, l’incitation à la production vivrière et à la production animale de moindre coût et pouvant contribuer rapidement à la sécurité alimentaire et nutritionnelle,
Il sera aussi question d’un accord négocié par les syndicats, le patronat et le Gouvernement pour des revalorisations du salaire minimum, entre 2019 et 2021, dépendamment de la décote de la gourde, l’indexation éventuelle du salaire minimum, le transport, la restauration et des avantages sociaux aux ouvriers, de la réforme des organismes de sécurité sociale (ONA, OFATMA, CAS…) et rationalisation de la gestion des fonds y relatifs par des placements rentables et d’une augmentation, dans la mesure du possible, du budget de l’Université, de l’éducation, de la santé.
En matière économique, il est prévu de relancer la production nationale en priorisant l’agriculture destinée à la consommation locale, de supporter les initiatives agricoles et agro-industrielles génératrices d’emplois et aux entreprises souhaitant se lancer dans l’assemblage en capitalisant sur les lois HOPE/ HELP, finaliser l’intégration d’Haïti au CARICOM pour, entre autres, l’exportation des denrées agricoles haïtiennes et des produits culturels, artistiques et artisanaux haïtiens dans la Caraïbe, développement du secteur des télécommunications par des incitatifs aux deux compagnies de téléphonie actives dans le pays pour la création de centres d’incubateur d’entreprises.
Le développement du secteur de l’énergie par l’introduction de nouveaux producteurs et par l’incitation rationnelle des producteurs existants à investir dans une capacité plus grande sera aussi pris en considération, sans oublier la réforme de la SONAPI et l’amélioration de la gestion des parcs industriels gérés par la SONAPI, l’appui à la construction de zones franches destinées à attirer de potentiels investisseurs dans la sous-traitance, la création de richesses par la mise en oeuvre d’une de réforme de l’économie nationale incluant notamment la stabilisation de la gourde, des mesures de facilitation de prêt et d’investissement dans les infrastructures, la promotion du tourisme par un investissement massif y relatif.
L’Exécutif ne mise pas uniquement sur le social, la politique ou l’économie pour faire bouger les choses, le gaspillage, la contrebande, la corruption et l’incivisme, justice, de lutte contre l’impunité, de sécurité publique et de respect des droits humains, le procès Petrocaribe sont autant de principes insérés dans cette proposition de pacte de gouvernabilité. Ainsi, les vendeurs de rêve du pouvoir disent envisager une réduction du train de fonctionnement de l’État, notamment par une réduction significative du budget du pouvoir exécutif et du budget du pouvoir législatif, récupérer de fonds non collectés par l’État au niveau des frontières et des ports à travers un combat accru contre la contrebande et la corruption, doter le CSPJ d’un budget permettant à l’appareil judiciaire d’enquêter sur la gestion des fonds de Petrocaribe et de lutter efficacement contre l’impunité.
C’est maintenant, à partir de cette proposition de pacte de gouvernabilité qu’ils décident de renforcer la PNH en augmentant son budget et son soutien logistique, de combattre l’insécurité par une lutte contre l’introduction illégale d’armes à feu sur le territoire haïtien et le désarmement à travers une double stratégie appelant à la remise volontaire des armes ou le démantèlement par la PNH des gangs armés. Et c’est aussi maintenant qu’ils décident de réviser ou d’adopter certaines lois, comme la loi portant création de l’UCREF, le Code pénal, loi sur la décentralisation, loi sur le micro crédit, loi sur le salaire minimum, loi sur l’accès aux informations et données publiques, etc.
Un dialogue qui vise à gérer le quinquennat
Décidément, les hommes politiques haïtiens roulent le peuple dans la farine. Pourquoi un pacte de gouvernabilité avec l’opposition est nécessaire pour effectuer un ensemble d’action, prendre des mesures pour redresser la situation économique précaire du peuple haïtien ? Ils observent comme nous la décote de la gourde en laissant un petit groupe de banquier faire des spéculations sur la gourde toutes les heures. Ils savent mieux que quiconque les décisions à prendre, mais ils ne le feront pas. Cette proposition de pacte de gouvernabilité c’est le moyen le plus sûr de faire du marchandage politique, acheter certains éléments, et casser tout élan de mouvement populaire.
Avec l’ancien Premier ministre Jack Guy Lafontant, il était question de réduction du train de vie de l’État, mais à chaque projet de loi de finances, les budgets de l’Exécutif ont augmenté au lieu de diminuer. Les promotions de cette fameuse lutte contre la corruption qu’ils entendent entamer à partir de ce pacte ne datent pas d’hier. Un ministre a été limogé pour surfacturation de kits scolaires, mais en retour il a bénéficié d’un autre poste aussi important : représentant d’Haïti auprès de l’OMC. Son silence, dit-on, a été acheté.
Alors, comment prétendre dialoguer pour jeter les bases d’une entente nationale dans un contexte pareil ? Cette proposition de pacte de gouvernabilité prouve le cynisme des hommes de l’équipe au pouvoir qui présentent un ensemble d’actions, des actions nécessaires ont déjà été annoncées à plusieurs reprises, mais jamais exécutées. Aujourd’hui, face à la fragilité de leur pouvoir, ils parlent encore de ces mêmes décisions. Mais tout le monde sait que ce sont encore des promesses. Une stratégie de rallier à leur cause, certains membres de l’opposition qui, effectivement, attendent le moment de tirer profit des mouvements de revendication. Ainsi, ce qui s’était produit en 2014, le fameux accord d’El Rancho, est-il encore sur le point de se reproduire avec ce soi-disant processus de dialogue qui vise uniquement à gérer le quinquennat.
Evens RÉGIS