Procès PétroCaribe: Des coups d’épée dans l’eau ! Céant.

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19 novembre 2018 Rezo Nodwes
par Carly Dollin

Lundi 19 novembre 2018 ((rezonodwes.com))– Le notaire Céant n’as pas su noter avec justesse la profondeur des faits saillants et des frustrations actuelles exprimées par la population haïtienne, pourtant facilement identifiables dans les signaux crédibles lancés le 6-7 juillet dernier dans un ras-le-bol pour dire non aux pratiques de gouvernance inefficiente de nos dirigeants qui se sont définitivement rétractés en faisant le mea-culpa « Pep Ayisien, nou pale, m tande nou ». L’initiative PétroChallenge, une rare dans l’histoire récente de ce peuple qui semblait avoir été zombifié durant des lustres, montre que du sel a été déposé sur ses lèvres pour s’exprimer et brandir des pancartes révoltantes à travers tous les canaux médiatiques tant formels qu’informels pour demander des reddition de compte sur des fonds engrangés en son nom mais dépensés et stockés frauduleusement par un petit clic.

Monsieur Céant trop souvent « Henriant » depuis sa nomination le 5 Août 2018 jusqu’à sa prise de fonction officielle le 17 septembre ne fait pas montre de maturité et de compréhension des challenges de l’heure. Deux mois après son accession au pouvoir, ces promesses mirobolantes dans un discours d’investiture qui ne met le focus sur aucun axe prioritaire en soi le trahissent amèrement. On lisait dans ce discours fourre-tout, qu’aucune tolérance envers les spoliateurs, les accapareurs, les imposteurs et les « rakets » ne sera acceptée. Pourtant, jusqu’à date, quelle décision a été prise dans le désordre enregistré au plus haut niveau de ce gouvernement où de Haut-cadres d’un ministère régalien dépositaire de la sécurité du territoire ont été indexés de « trafic de visa ». Les rackets au sein de l’Administration Publique, notamment au service de l’immigration touchent-ils à leur fin ? On se rappelle d’ailleurs que le bateau gouvernemental piloté par le capitaine Céant est aromatisé d’imposture et d’inélégance quand des grands commis de l’Etat s’empressaient de remplir la fameuse déclaration définitive d’impôt , accusant des retards de plus de cinq ans, seulement la veille de leur installation.

Séance tenante, monsieur Céant a signalé dans son discours d’investiture[1] que son gouvernement s’engagera à la recherche de la rationalité des dépenses de l’Etat. Les indicateurs d’évaluation de cette rationalité devant porter sur la facilitation de la création d’emplois, le renforcement de la production nationale et le soulagement aux besoins de services sociaux de la population. Quelles améliorations ou pour le moins quels signaux ont été envoyés dans cette direction? Pour combattre la cherté de la vie, soutenait-il, le gouvernement favorisera la création d’emplois à haute intensité de main d’œuvre, des initiatives pour supporter la production, la commercialisation de produits alimentaires de base, l’encadrement de projets de financement et d’assistance à des organisations d’ouvriers et d’artisans. Pourtant, deux mois après l’intronisation du premier ministre, le peuple est devenu encore plus pauvre. Les conditions de vie du consommateur ont amplement détérioré.

Au 17 septembre 2017, on avait besoin en moyenne de 69,5936 pour s’acquérir un produit coûtant un dollar us, aujourd’hui en date du 17 novembre 2017, il en faut 4 gourdes de plus pour effectuer cette même transaction[2]. De surcroit, le taux d’inflation est passé au cours des mois d’août et de septembre de 14.1% à 14.6%. Ces deux indicateurs à eux seuls traduisent une énorme perte de pouvoir d’achat du consommateur. Aujourd’hui, la BRH semble perdre totalement le contrôle de la gourde. Les cartes sont épuisées ; le gouverneur ne rassure plus. Il est inconfortable comme « un poisson hors de l’eau ». Si dans un premier temps des opérations d’administration d’aspirines étaient mises en branle, le malade semble aujourd’hui être atteint d’un cancer au stade terminal. La politique d’injection de dollars dans l’économie ou l’émission des bons BRH sont devenues inefficaces pour freiner la descente aux enfers de la monnaie nationale. Quelles autres opérations s’apparentant à des coups d’épées dans l’océan comptent diligenter la Banque Centrale pour stopper cette hémorragie effrénée de la monnaie locale ?

Qui peut casser le fil harmonique entre la primature et la présidence ?

Monsieur Céant n’aurait-t-il pas signé à l’avance sa lettre de révocation en guise de serment d’allégeance au président ? Depuis les déclarations fracassantes de l’ancien président René G. Préval en octobre 2007, fustigeant la constitution d’être source d’instabilité puisqu’elle n’accorde pas au président l’option de révoquer un premier ministre qu’il a pourtant recruté, c’est cette pratique qui semble prévaloir actuellement en Haïti .Celle de signer une lettre de démission sine die pour être accepté au poste de Premier Ministre. De toute façon, le premier Ministre, même si devant être ratifié par le Parlement, est tout bonnement l’émanation de la présidence. Se référant à l’ordre des choses, il peut certainement y avoir quelques divergences sur certains points ; mais, il n’y a absolument aucune indépendance et distance objective entre la primature et la présidence. Ce qui évidemment justifie la méfiance généralisée pour confier un procès de cette envergure à la Primature.

Aujourd’hui, monsieur Céant semble se fourvoyer dans un océan de propositions et d’hésitations jusqu’au risque de confondre les notions PM (Post-Méridien) et AM (Ante-Méridien). Des gens avisés, journalistes et hommes politiques, doutaient déjà de la qualité du notable notaire à s’engager en ce moment crucial dans de grands chantiers pour l’avancement du pays. Que peut Céant, ancien consultant de ces méchants, ces arrogants et malveillants se réclamant bandits « légal » dérogeant tous les principes et les normes de vie en société en les désacralisant». Aujourd’hui, on doit cesser de se leurrer dans des discours pédants pour courtiser un peuple saignant qui croupit dans une misère atroce. Il n’existe pas de fossé béant entre la primature et la présidence pouvant garantir l’impartialité de la démarche de la recherche de la lumière et la justice à mener par la primature.

Contrairement au propos tenu par le chef de cabinet de la primature, le gouvernement n’a pas les coudées franches dans ce processus dans ce brûlant dossier PétroCaribe. Craignant le gout amer de la perte de ce fauteuil bourré, on peut deviner, sans risque de se tromper que le premier ministre a promis obéissance au président quand il a eu le culot de soutenir devant l’assemblée nationale la promotion du programme mal fagoté « Caravane de changement ». Programme jugé moribond tant par la société que par de nombreux législateurs puisqu’il souffre de document de référence. Sources de corruption et de prévarications qui iraient en ligne brisée à l’encontre de la « motivation » exprimée par le premier ministre dans son discours dont la toile de fonds est difficilement saisissable.

Conflit d’intérêt patent entre la Primature et la Présidence

Monsieur le premier Ministre, vous avez relaté dans votre « politique générale » que les fraudes et malversations commises, par des mains du pouvoir en place, ne sauraient rester impunies. O ! Céant, avez-vous vraiment assez de poissons dans votre mer pour tenir une telle promesse. Avez-vous la bravoure et l’autorité adéquate pour prendre des décisions Pétrocaribéennes contre des grands commis du pouvoir en place pendant que vous êtes embauché par cette même équipe ?

Monsieur le notaire Céant, seriez-vous aujourd’hui du côté de la partie publique, de celui du plaignant ou celui du bourreau ? Lors de son intervention à la Radio Vision 2000, le chef de cabinet de la Primature criait haut et fort ” Le courant passe très bien entre le président et la primature. Ce courant va-t-il continuer (en mode continu) ou alterner (en mode alternatif) entre ces deux grandes entités de l’Etat ? Faudrait-il que nous soulignions à votre attention que le président Jovenel Moise lui-même est un héritier légitime d’un régime politique qui a le plus gargoté l’argent PétroCaribe et qu’il serait lui également sous les feux des projecteurs dans le cadre du procès PétroCaribe.

C’est en effet un cas classique de conflit d’intérêt. Ce serait un cas flagrant de violation de la fameuse notion de récusation dans les codes de procédures civiles (articles 339, 340) qui voudrait que le juge ne participe au débat et au délibéré, lorsqu’il est avéré que celui-ci a des acquaintances avec l’une des parties. Ce n’est pas bienséant. L’avocat doit se dispenser d’intervenir lorsque son indépendance risque de ne plus être entière. Cela tient même dans la profession médicale qui préconise qu’un médecin ne doit intervenir dans des interventions chirurgicales d’un proche par exemple, car ne pouvant avoir la garantie qu’il prendra les distances souhaitées par rapport à ses émotions.

Commission « PétroCaribe » : Un projet mort-né

La machine de la campagne médiatique du gouvernement est mise en branle très tôt. Les discours de la primature sont éloquents et énergiques, mais éloquence ne rime pas toujours avec cohérence. Sans consultations, le Premier Ministre a mentionné dans son point de presse[3] en date du lundi 22 octobre dernier une liste d’institutions de la société civile et des partis politiques devant faire intégrer sa fameuse commission. Une « sortie crabe !». Comme l’a fait remarquer l’observateur politique Valery Numa : « C’est mettre la charrue avant les bœufs ». Sans surprise, l’invitation du premier ministre a été déclinée d’un revers de mains par quasiment toutes les institutions citées dans le point de presse.

Le Collectif du 4 décembre en a profité pour faire la leçon au notaire Céant pour lui rappeler l’importance de laisser les institutions avec la vocation d’enquêter sur les malversations, la corruption (l’ULCC, l’UCREF, la CSCCA, les instances judiciaires) jouer leurs rôles. La CCIH, la POHDH, l’ANMH, l’AJH, ont toutes boudé[4] l’invitation du premier ministre tout en soutenant elles aussi un plaidoyer pour le renforcement des institutions de l’Etat. La mise en œuvre de cette commission augure déjà de la cacophonie avec des institutions sur le banc de la sellette sélectionnées à jouer des rôles d’arbitres dans ce projet de recherche de la lumière. Un juge d’instruction est saisi du dossier, le parlement en est impatient, la CSCCA en a été instruite, des lettres ont été adressées aux institutions de lutte contre la corruption et de blanchiment des avoirs (ULCC, IGF, UCREF, le CSPJ), le commissaire du gouvernement en fait son cheval de bataille.

Aujourd’hui un nième acteur, pourtant suspect de faillir à sa mission de contrôle, suivi et évaluation des projets publics, vient de grandir la liste : le MPCE. Tout cela ne crée que de la confusion et du tohu-bohu sur ce dossier. Par ailleurs, les instruments de base de toute enquête, quelle qu’elle soit, sont absents dans cette démarche qui nécessiterait plutôt une approche méthodique. Où sont les documents de référence de cette recherche ? Qui en a le leadership et qui définit les rôles des différents acteurs ainsi que les conclusions à en tirer à l’issue de l’enquête auprès des entités et personnalités accusées?

En effet, des collisions et des collusions déloyales se profilent à l’horizon. Le chef de cabinet du premier ministre, monsieur Jimmy Albert, a été très abondant mais pas assez cohérent notamment à l’émission très prisée[5] « Invité du jour en date du 24 octobre dernier sur le 99.3 ». Monsieur Albert a souligné à plus de trois reprises la « méfiance généralisée » qui caractérise le pays actuellement. Evidemment, rien n’est besoin de chercher avec la lampe de Diogène les raisons de la mise en doute du sérieux qui caractérise nos gouvernants actuels. Les faits soulignés dans les deux rapports du sénat sur le PétroCaribe, les constats faits dans les ministères qui s’érigent en « racketteurs » sont plus éloquents que les « beaux » discours, vides de sens.

Les inconforts exprimés par la présidence dans le dossier PétroCaribe ne sont pas le fruit d’une prise de conscience, mais plutôt d’une peur bleue suite à la force de la main invisible exprimée dans les initiatives PétroChallenge. La grande manifestation « PétroChallenge » du 17 octobre a encore amplifié le comportement sinusoïdal de la présidence qui s’empressait de prendre des décisions pour révoquer, intégrer et réintégrer des haut-cadres dans sa proximité, suspects d’être souillés dans le crime PétroCaribe. Les plus grands commis de l’Etat semblent devenir amnésiques en prenant des décisions qui défient le bon sens et en gardant des discours entachés d’incohérence et d’inconsistance dans ce grand dossier.

Raison suffisante pour ne pas faire confiance aveuglément à ces « dirigeants » dans leurs promptes velléités à faire avancer ce procès. Le commissaire du gouvernement est bombardé, submergé dans des dossiers de firmes et de personnalités indexées. Celles-ci sont interpellées sans aucune démarche méthodique. Les feuilles de route ne sont pas définies. Les institutions mobilisées pour « faire jaillir la lumière » sur le dossier ne synchronisent ni leurs discours ni leurs actions. Si l’objectif de cet empressement consiste à duper les « challengers », ce serait sous-estimer cette force contre la corruption qui dépasse les frontières, qui incluent tous les âges, les deux sexes et toutes les couches sociales.

A l’instar du projet avorté de la présidence dénommé « Etats généraux de la nation », celui de la mise en place d’une commission de la primature pour enquêter sur le dossier Pétrocaribe est pur et simple un énorme gaspillage. Car de l’argent, des ressources humaines et logistiques y sont mobilisés. Mais, pour aboutir à quelles fins utiles ? Aucunes ; ce sont juste des coups d’épée dans l’eau. La séance est levée, la lutte populaire a atteint un point saillant. Monsieur Céant ne peut s’immiscer à fonds dans le fameux procès PétroCaribe.

Carly Dollin

carlydollin@gmail.com

[1] https://www.slideshare.net/Stanleylucas/premier-ministre-nomme-jean-henry-ceant-declaration-de-politique-gnrale-devant-les-deux-chambres-du-parlement

[2] http://www.brh.net/tableaux/1718.pdf

[3] https://rtvc.radiotelevisioncaraibes.com/en/national/le-premier-ministre-jean-henry-ceant-annonce-la-mise-place-dune-commission-independante

[4] http://radiotelevision2000.com/home/?p=89319

[5] https://soundcloud.com/radiovision2000/invite-du-jour-du-mercredi-24-octobre-2018-jimmy-albert-mp3