12 novembre 2018 Rezo Nodwes
AFFAIRE PETROCARIBE: REPONSE À LA FONDATION FJKL ET À L’ANCIEN MAGISTRAT.
Lundi 12 novembre 2018 ((rezonodwes.com))– Depuis environ dix(10) mois l’affaire Petrocaribe ne cesse d’occuper toutes les pensées tant des profanes que les professionnels du droit. Pourtant, la tentation de certaines critiques met la vérité dans un imbroglio juridique peu audacieux et révoltant.
Pour rappel, la Fondation FJKL a produit la semaine dernière un rapport sous forme de propositions juridiques dans le cadre du dossier Petrocaribe. Ces propositions ont été adressées au juge d’instruction chargé de l’information judiciaire dans le cadre de cette affaire. A dessein ou pas, ce rapport n’est pas daté par l’auteur.
Dans la même semaine, un ancien juge d’instruction a produit également des réflexions sous forme de droit comparé dans le sens contraire au rapport susmentionné. Son article s’intitule Affaire Petrocaribe: Considérations juridiques sur les conclusions du Parquet.
D’une part, la Fondation a rappelé q’une plainte avec constitution de partie civile en date du 29 janvier 2018 a déclenché l’action publique par voie d’action. Elle rappelle que cette plainte est suivie d’un réquisitoire du parquet en date du 27 avril 2018, dont le dispositif est ainsi conçu:
« Par ces Motifs, conformément aux dispositions des articles 19 et 20-2 du décret du 23 novembre 2005 établissant et organisant le fonctionnement de la CSC/CA, le commissaire du Gouvernement requiert le juge instructeur dire et déclarer que le cabinet d’instruction criminelle. Juridiction spéciale faisant partie intégrante du tribunal de l’ordre judiciaire « dit tribunal de droit commun» n’est pas actuellement compétent pour ouvrir une instruction relative à cette affaire. Conséquemment, procéder, en attendant le résultat de l’enquête administrative de la csc/ca par une ordonnance déclinatoire de compétence rationae materiae dans le cadre de ce dossier dit-on l’affaire Petrocaribe».
D’autre part, sur la base d’une étude comparative, d’abord, le juriste affirme dans son article que le juge d’instruction est tenu d’ouvrir une information judiciaire quel que soit le réquisitoire du Commissaire du Gouvernement. Ensuite, il affirme que les réquisitions du parquet ont les mêmes effets d’un réquisitoire introductif. Enfin, l’ancien magistrat instructeur a mentionné un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation française (nous supposons car il n’a précisé aucune référence) en date du 28 mai 1925 dépourvu de références qui généralise l’obligation d’information du juge instructeur indépendamment du réquisitoire du Ministère public.
Dans les deux critiques, les auteurs assimilent les réquisitions du Ministère public au réquisitoire introductif.
Il faut avoir en mémoire que ces deux articles sont précédés d’un article publié tant sur les réseaux sociaux que sur les médias en ligne ( Guerby BLAISE, le dossier Petrocaribe au couloir de l’article 48 du Code d’instruction criminelle, 20 oct. 2018, Facebook- rezonodwes.com). Dans le rapport FJKL, la majorité des propositions de l’article daté du 20 octobre 2018 ont été linéairement reprises. Cependant, le nom de l’auteur n’a pas été mentionné.
Ces deux critiques appellent des observations importantissimes, qui s’inscrivent objectivement dans une démarche universitaire. Ce qui pousse à la motivation de rédiger cet article en vue de contribuer à l’évolution de notre droit positif.
Ainsi, il importe, d’abord, de dépenser la force intellectuelle pour démontrer la confusion des notions juridiques, dont les deux textes critiqués sont entachés (I), ensuite illustrer la licéité du refus de saisine du juge d’instruction (II) et enfin prouver la compétence du Parquet en raison de la concurrence de compétence juridictionnelle ( III).
I- SUR LA CONFUSION DES NOTIONS JURIDIQUES.
A- Sur la confusion des réquisitions et du réquisitoire introductif.
En effet, la Fondation a rappelé que « le juge d’instruction a décidé d’instruire en passant outre le réquisitoire d’incompétence. En outre, il a assimilé les réquisitions du parquet au réquisitoire d’informer et conclu à l’excès de pouvoir du juge d’instruction du seul fait que ce dernier « s’offre une compétence juridictionnelle au-delà du réquisitoire de sursis du parquet ».
En outre, l’ancien magistrat, pour sa part, précise dans son article qu’il y a l’existence d’une similitude entre les réquisitions du Ministère public et le réquisitoire introductif du Parquet. Alors, il parait évident pour ces deux auteurs que les réquisitions et le réquisitoire ne se diffèrent pas.
Or, le législateur énonce au premier paragraphe de l’article 48 du Code d’instruction criminelle que « Hors le cas de flagrant délit, le juge d’instruction ne fera aucun acte d’instruction et de poursuite, qu’il n’ait donné communication de la procédure au Commissaire du Gouvernement; il la lui communiquera pareillement, lorsqu’elle sera terminée, et le Commissaire du Gouvernement fera les « réquisitions » qu’il jugera convenables, sans pouvoir retenir la procédure plus de trois jours ».
Selon la définition de Lexique des termes juridiques ( LTJ, 2017-2018, le terme « réquisitions » est défini comme conclusions présentées par le ministère public devant toutes les catégories de juridiction de l’ordre judiciaire. A l’inverse, « réquisitoire introductif » s’entend comme une pièce de la procédure écrite par laquelle le ministère public saisit le juge d’instruction. De ces deux définitions, il résulte que le premier terme se diffère du deuxième en raison même de leur terminologie. Il apparaît que nos deux auteurs s’inquiètent pour l’existence ou non de la notion de réquisitoire d’informer au sein de notre juridique interne. Avec une analyse linéaire de l’article 48, quiconque est en défi de démontrer que le législateur invoque l’existence ni du réquisitoire d’informer ni du refus d’informer ou de réquisitoire de non informer.
Le pari s’avère impossible à gagner car la notion de réquisitoire d’informer est d’autant ignoré que le réquisitoire de non informer ou le refus d’informer par le texte. Alors, en vertu du texte, la règle posée par le législateur consiste à la voie ouverte au Parquet pour prendre ses réquisitions à sa convenance, arbitraire puissent-elles. Ce qu’il aurait fallu regretter, c’est que ces « réquisitions » ne sont subordonnées à aucun contrôle juridictionnel. Mais, en tout état de cause, comme un grand colon au détriment de son esclave, notre système juridique ignore complètement l’existence de ces deux notions. En revanche, à défaut de la loi qui constitue la source cardinale du droit pénal, la jurisprudence peut substituer sa solution à cette dernière. C’est dans ce sens que la jurisprudence tente, par la multiplication d’au moins deux arrêts ( Cass. 26 mars 1942, sous l’article 48 CIC annoté par Menan et Patrick PIERRE-LOUIS) d’éclaircir maladroitement le texte en posant comme principe le réquisitoire d’informer comme légalité de l’information judiciaire. Mais, tout principe connait des tempéraments.
Cela étant, si la compétence juridictionnelle du juge d’instruction en matière de l’information est tributaire inévitablement d’un réquisitoire d’informer, il n’en demeure pas moins que l’appréciation des faits pourrait amener le Commissaire du Gouvernement, dans les prérogatives que lui confère la loi, de ne pas décider de poursuivre. En pareil cas, il est logique qu’il puisse faire valoir ces prérogatives devant le juge d’instruction en le requérant de ne pas poursuivre. Son souhait de ne pas poursuivre dans ce cas peut s’appeler comment alors? Le débat parait franchement stérile puisque même la loi lui confère le droit de prendre des réquisitions qu’il juge convenables.
Le terme convenable veut logiquement, outre d’autres significations, dire « être d’accord » ou « n’être pas d’accord ». Donc, il évident qu’à la lumière de l’article 48 CIC le parquet peut prendre soit un réquisitoire d’informer ou de refus d’informer selon l’appréciation portée à l’affaire. Toutefois, là où les juges de la Haute juridiction et le législateur pêchent est qu’ils confinent la compétence juridictionnelle du juge d’instruction à la condition préalable du réquisitoire d’informer du Parquet. Dès lors, la voie au déni de justice et à l’inaccessibilité à la justice n’est pas créé à l’initiative ni du juge d’instruction ni du parquet. Le législateur doit prendre sa responsabilité en ce sens.
Il est important de prendre garde que ces réquisitions ne peuvent en tout état de cause être assimilées à un réquisitoire introductif.
Par ailleurs, la différence pose plus pertinemment sur les incidences procédurales en matière de l’information judiciaire. A la lecture de ces deux articles critiqués, la tentation des auteurs semble vouloir faire comprendre que l’information judiciaire dans l’affaire Petrocaribe est ouverte du seul fait de la plainte avec constitution de partie civile. Cette compréhension est loin d’être justifiée. Comment oser croire que la seule plainte fondée sur les dispositions de l’article 50 du CIC suffit pour ouvrir l’information judiciaire? Si ces auteurs pensent à l’affirmative, ils omettront malheureusement la différence en la mise en mouvement de l’action publique et l’information judiciaire, et l’enquête et l’instruction.
L’explication est simple: si les plaignants reprochent un comportement antisocial aux anciennes et actuelles autorités de l’Etat haïtien, ils disposent nécessairement des informations. De ce fait, le juge peut alors avoir besoin de ces informations et décide de les entendre suite à une analyse de leurs plaintes. Mais l’information n’est pas ouverte pour autant et cette audition ne constitue pas un acte d’instruction. Sa principale importance sert à recueillir des informations complémentaires qui offrirait la possibilité au juge de se pencher sur le sort de la plainte. Et c’est ce qui peut conduire le juge à conclure, par ordonnance motivée ( ce qui a été précisé dans l’article du 20 octobre 2018), à l’irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile soit pour défaut de qualité ou absence d’intérêt ( article opcit.). En aucun cas, le juge ne peut décider du sort de la plainte en l’absence des réquisitions du Commissaire du Gouvernement. La seule audition des plaignant n’implique pas l’ouverture de l’information judiciaire. Cette compréhension se justifie du fait que la poursuite pénale doit se baser, selon la maladresse du législateur à l’article 48 et de la jurisprudence, sur une qualification pénale, dont le chérif exclusif est le Commissaire du Gouvernement.
En conséquence, les auditions opérées par juge Ramoncite ACCIME ne constituent pas des actes d’instructions.
B- Sur la méconnaissance de l’évolution du droit positif français.
La Fondation FJKL et l’ancien magistrat ont affirmé l’obligation de l’information du juge indépendamment du Parquet. Pour soutenir leur thèse, ils ont invoqué la jurisprudence française en ce sens. Selon la fondation, le juge est tenu d’informer en matière d’instruction sauf s’il décide lui-même de ne pas informer. D’un autre côté, l’ancien juge instructeur a indiqué que l’information est obligatoire en tout état de cause. Pour information, avant la loi du 5 mars 2007, l’existence d’un obstacle de droit à l’action publique pouvait dispenser le juge français d’instruire même si sa saisine était régulière ( Crim. 20 juin 2006, B. n° 185.). De ce fait, sous l’empire de la loi, dans certains cas le juge d’instruction français ne pouvait passer outre les réquisitions du ministère public français. Cependant cette solution jurisprudentielle française a été remise en cause par le rapport Magendie sur la célérité et la qualité de la justice, qui a conduit à l’adoption de la loi du 5 mars 2007.
En effet, selon l’article 86, alinéa 4 issu de la loi du 5 mars 2007, « le procureur de la République peut également prendre des réquisitions de non-lieu dans les cas où il est établi de façon manifeste, le cas échéant au vu des investigations qui ont pu être réalisées à la suite du dépôt de la plainte ou en application du troisième alinéa, que les faits dénoncés par la partie civile n’ont pas commis ».De cette disposition, il convient que le juge d’instruction français peut se dispenser d’instruire lorsqu’il résulte manifestement des éléments d’information en sa possession que les faits dénoncés ne sont pas constitués. Cette solution a été adoptée par la haute juridiction française ( Crim. 19 déc. 2012, B. n° 285) . Donc, il est clair que la survie de l’information dépend dans certains cas des réquisitions du procureur de la République, en l’occurence en cas d’existence d’obstacle à l’action publique.
De ces approches analytiques, il ne fait aucun doute que l’auteur du rapport FJKL et l’ancien juge instructeur méconnaissent la procédure pénale française et leurs approches comparatives sont vidés de portée pertinente.
II- SUR LA LICÉITÉ DU REFUS DE SAISINE DU JUGE D’INSTRUCTION
En réalité, la combinaison des articles 48 et 50 du CIC interdit le refus de saisine du juge d’instruction. En effet, l’obligation d’informer sur les faits de la saisine pèse sur le juge d’instruction lorsque l’infraction est ouverte par une plainte avec constitution de partie civile. Cependant, cette interdiction de refus de saisine se heurte à des limites. Tout d’abord, selon les termes de l’article 48 du CIC fondés en particulier sur les réquisitions convenables du Commissaire du Gouvernement, certains refus apparaissent licites. De ce fait, le juge peut refuser d’instruire suite à un réquisitoire de refus d’informer du Parquet. Tel est le cas dans l’affaire Petrocaribe en ce sens que le Commissaire du Gouvernement a requis le juge d’instruction de surseoir à instruire dans l’attente du rapport de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux administratif.
Il est vrai que le texte est un peu brouillon, mais la voie est ouverte au Commissaire du Gouvernement de requérir n’importe qu’elles réquisitions, ce qui est différent du réquisitoire introductif. La maladresse du législateur laisse deviner les limites énoncés à l’article 48 précité. En l’espèce, le refus d’informer du juge d’instruction dans le cadre du dossier Petrocaribe serait donc licite si le Commissaire du Gouvernement estimait que les faits invoqués par la partie civile ne peuvent admettre pour l’instant une qualification pénale. Ce faisant, le juge d’instruction ne commettrait donc aucun excès de pouvoir. Il ne fait que tirer les conséquences de la maladresse de la loi.
Par ailleurs, la lecture du dispositif des réquisitions du Commissaire du Gouvernement traduit une confusion totale en tâtonnant d’oser croire qu’il s’agirait d’un refus d’informer ou d’un sursis d’informer, et ce qui n’est pas interdit par la loi à la lumière du premier paragraphe de l’article 48 du CIC. En revanche, il en serait autrement s’il s’agissait d’un réquisitoire d’introductif, qui est logiquement greffée à une qualification pénale préalable des faits.
III- SUR LA CONCURRENCE DE COMPETENCE JURIDICTIONNEL.
L’article publié en date du 20 octobre 2018 a suffisamment fourni des détails explicites au point qu’il a été repris à la lettre par certains juristes la semaine dernière. Alors, la réflexion va se pencher considérablement sur la compétence subsidiaire du Commissaire du Gouvernement (A), qui pourrait revêtir le rôle de chérif exclusif du procès sous certaines conditions (B).
A- Sur la compétence subsidiaire du Commissaire du Gouvernement.
Dans ses réquisitions du 27 avril 2018, le Commissaire du Gouvernement a invoqué la condition préalable d’une enquête administrative de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux administratif avant d’engager une poursuite pénale. Il apparait que ce magistrat fonde son refus de poursuivre sur la base de la hiérarchie des normes. Aux termes de l’article 200 de la Constitution de 1987 amendée, la gestion des dépenses publiques relèvent de la compétence exclusive de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux administratif. Pour rappel, selon la classification tripartie dans la hiérarchie des normes, à l’exclusion osée des règlements, la Constitution se trouve en premier dans l’architecture.
Viennent ensuite les Conventions et enfin la loi. En pareil cas, la logique juridique doit amener objectivement tous les juristes à admettre que la poursuite pénale dans le cadre du dossier Petrocaribe serait tributaire de l’arrêt de la Cour des Comptes. En pareil cas, le Commissaire du Gouvernement devrait cesser de créer l’imbroglio en ne se contentant que de recueillir des informations sur la base de la clameur publique ( CIC, art. 31). Restant attaché à ses réquisitions exigeant la condition préalable consistant à l’arrêt de la Cour des comptes, le Commissaire du Gouvernement s’alignerait dans le sens du principe de la séparation entre l’ordre administratif et celui judiciaire. En conséquence, il dispose d’un pouvoir subsidiaire dont l’effectivité commencerait à partir de l’arrêt de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux administratif.
B- Sur la compétence initiale du Parquet.
En principe, la compétence subsidiaire du Commissaire fondée sur la hiérarchie des normes aurait dû suffire pour clore les débats stériles sur le procès Petrocaribe sur le plan procédural. Toutefois, la politique et la rédaction maladroite et peu inspirée de l’article 31 du CIC semblent brouiller les choses dans des sens distincts. C’est ainsi que le législateur laisser ouvrir une porte de compétence au chef de la poursuite pénale. En fait, la maladresse de cet article appelle des explications.
En effet, la corruption étant l’effet de boule de neige, la flagrance commence à partir du dernier acte de corruption. De fait, la notion de « temps voisin » demeure floue en terme de délai dans le cadre du procès pénal, les mesures restrictives de liberté à l’initiative du Parquet semblent se heurter sur le plan de la durée seulement à la période de la clameur publique, mais non à la date de la commission de l’infraction. Au regard de ce texte, la flagrance commence à courir pour le Commissaire du Gouvernement à partir du dernier acte de corruption ou du jour de la clameur publique. Néanmoins, le magistrat en question aurait dû oublier la compétence juridictionnelle de la Cour des Comptes relative au contrôle concernant la gestion des dépenses de l’État.
Sans le mélange de la politique, la solution paraîtrait suspecte puisque la Constitution établit déjà les mécanismes de poursuite pénale en matière de gestion financière de l’État. Cette option parait préférer par le magistrat debout suite à ses récents mandats décernés à l’encontre des trois anciens directeurs de la BMPAD. Car le chérif de la poursuite pénale appuie ses actes restrictifs de liberté ( pas privatifs de liberté) sur la loi du 9 mai 2014. Curieusement, le Commissaire n’a pas invoqué la Convention régionale américaine de 2009, en tout cas pour l’instant. Ce faisant, ce dernier laisse deviner admettre la limite de sa répression en vertu du principe de la non-rétroactivité de la loi pénale sauf si elle est moins sévère à la personne poursuivie. Cela dit, sa répression ne vise que les anciennes autorités de l’État haïtien qui ont assuré la gestion financière de l’Etat après le 9 mai 2014; toutes celles qui étaient avant cette date seraient quant à lui des « Jésus-Christ ».
En revanche, l’application de cette loi peut poser des problèmes. En effet, il est vrai que la loi de 2014 proclame que toutes personnes poursuivies en matière de corruption ont désormais la qualité d’agent public et donc relèvent de l’ordre judiciaire. Sur cette base, le Commissaire du Gouvernement semble n’être pas loin d’avoir le statut du vrai chérif procédural du dossier. Néanmoins, la place de la loi est reléguée dans la hiérarchie. Puisque la Constitution ( art. 200) est supérieure à la loi; en principe la loi fait écran à la Constitution. Dans ce contexte, il ne faut pas avoir à l’esprit que la loi peut être abrogée par le juge. Jamais! Le juge n’étant pas juge de la loi, il peut simplement écarter la loi. En pareil cas, il ne peut que constater l’inconstitutionnalité de la loi. Mais celle-ci continuera d’exister jusqu’à son abrogation par le Parlement.
En réalité, cet incident constitue une question préjudicielle et relèverait donc en principe du Conseil constitutionnel, qui n’est malheureusement pas effectif. Ce raisonnement vaut également pour le contrôle de la conventionnalité de la Convention de 2009 relative à la corruption. Car en exerçant ce contrôle, le juge constatera l’inconventionnalité de la loi par rapport à la Constitution. Attention! La pratique de la majorité des juges haïtiens tend maladroitement vers l’application immédiate de la Convention sous prétexte que le texte est régulièrement ratifié par l’État haïtien. Cela n’a rien à voir car seule l’idiotie pourrait laisser croire que le juge n’est pas tenu d’apprécier le contrôle de conventionnalité en la matière en vertu du principe de la hiérarchie des normes.
Même là encore, le Commissaire du Gouvernement ne peut être le chérif de ce procès s’il n’attend pas le bon réveil de la Cour Supérieure des comptes et du Contentieux administratif, même si la loi ne lui interdit pas d’assurer la protection sociale au regard de l’article 31 du CIC.
À la lumière de ces analyses, la disparition de cet imbroglio juridique dans le cadre de l’affaire Petrocaribe n’est pas pour demain.
Espérons que si cet article sera repris par des juristes, notamment les aînés, le nom sera identifié cette fois-ci.
Me. Guerby BLAISE
Doctorant en Procédure pénale
Avocat et Professeur à l’Université
E-mail : kronmavie@yahoo.fr
Tél. +(509) 46 13 89 75.