23 octobre 2018 Rezo Nodwes
Note de presse des organisations de droits humains
Port-au-Prince, mardi 23 octobre 2018 ((rezonodwes.com))– Les organisations de défense des droits humains et de la société civile signataires de la présente note exigent de l’Etat haïtien des dispositions claires, prouvant sa volonté de combattre la corruption sous toutes ses formes et d’aboutir au procès relatif à la dilapidation des fonds PetroCaribe évalués à plus de 3 milliards de dollars américains.
Différentes initiatives dont des colloques, des assises, des sit-in, des manifestations de rue, etc. ont été prises par plusieurs secteurs de la vie sociale pour attirer l’attention de la population sur ce dossier.
Cependant, la marche du 17 octobre 2018, ayant réuni des centaines de milliers de citoyens et de citoyennes, issus de toutes les couches sociales, est une étape historique de cette bataille initiée d’ailleurs par les deux (2) rapports sénatoriaux.
La participation massive de la population haïtienne dans ce mouvement témoigne de sa fureur par rapport à la situation socio-économique du pays, de plus en plus catastrophique :
– gestion chaotique des maigres ressources financières et économiques du pays, par les gouvernants ;
– mainmise du Pouvoir Exécutif sur les principales institutions chargées de lutter contre la corruption notamment l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) l’Unité Centrale de Renseignements Economiques et Financiers (UCREF), la Commission nationale des marchés publics (CNMP) ;
– dysfonctionnements des parquets et de l’appareil judiciaire, laissant le peuple haïtien dans une crise de confiance quasi-totale ;
– utilisation abusive et à des fins personnelles des taxes des citoyens ;
– consolidation de la corruption au plus haut niveau de l’Etat caractérisée par des procédures de passation des marchés publics de gré à gré en dehors des normes et des règles établies, surfacturation, décaissement de fonds pour des projets non-exécutés ;
– déficit des services publics et dégradation des conditions de vie de la population.
Aujourd’hui, le peuple haïtien, dans son ensemble, réclame :
• La poursuite des gens et institutions ayant participé dans cette grande opération de dilapidation des fonds PetroCaribe ;
• L’établissement d’un système de gouvernance publique responsable, transparente et capable d’une gestion parcimonieuse et rationnelle des finances publiques ;
• Une justice indépendante et impartiale.
Aussi, de nouveaux signaux devront-ils passer notamment par :
• La nomination des juges de la Cour de cassation et ceux des tribunaux de 1ère Instance conformément à la Constitution et à la loi. Il est inacceptable que la plus haute instance judiciaire du pays (Cour de Cassation) ait à sa tête un “président” sans mandat et que les différents tribunaux de première instance n’ont pas de juges, pourtant le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et le Parlement avaient transmis au président de la République, les dossiers des juges pour nomination ;
• La nomination au niveau des parquets près les tribunaux de première instance notamment, de nouveaux commissaires du Gouvernement compétents, sérieux, intègres et indépendants. Les commissaires soumis aux caprices du président pour cacher leur incompétence n’ont plus leur place ;
• L’introduction, dans les différentes juridictions de première instance du pays, de pôles financiers, avec des parquetiers et des juges spécialisés et expérimentés en matière de lutte contre la corruption ;
• Le remaniement des directions et conseils d’administration de l’ULCC, de l’UCREF, de la CNMP, en y nommant, avec la participation des différents secteurs de la société civile, des directeurs généraux honnêtes, compétents, professionnels et surtout indépendants vis-à-vis de tous pouvoirs ;
• La responsabilisation de l’inspection générale des finances par rapport aux gabegies administratives enregistrées dans le pays au cours de ces dix (10) dernières années.
Les organisations signataires de la présente note estiment que les dernières mesures annoncées par le gouvernement MOÏSE / CEANT, constituent des actions inaptes à convaincre la population de sa volonté politique réelle de lutter efficacement contre la corruption.
Une commission devant travailler sur la dilapidation des fonds PetroCaribe pourrait être considérée comme étant un acte de non-reconnaissance par le pouvoir exécutif du fait que le dossier est actuellement pendant par devant les autorités judiciaires. Elle pourrait par conséquent être interprétée comme un acte d’interférence du pouvoir exécutif dans le traitement d’un dossier par le pouvoir judiciaire.
Le président de la République doit poser des actions institutionnelles pertinentes qui soient à la hauteur des exigences populaires.
Port-au-Prince, le 23 octobre 2018
CARDH
Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme
CE-JILAP
Commission Épiscopale Nationale – Justice et Paix
CRESFED
Centre de Recherche et de Formation Economique et Sociale pour le Développement
COHNANE
Conseil haïtien des acteurs non étatique
RNDDH
Réseau National de Défense des Droits Humains
POHDH
Plateforme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains
SKL
Sant Karl Lévêque
crédit photo Soluny Jean