4 octobre 2018 Rezo Nodwes
« On donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a». C’est de ce passage de l’Evangile selon Matthieu que « l’effet Matthieu » tire son nom
Jeudi 4 octobre 2018 ((rezonodwes.com))– Cette étrange maxime serait une incitation à cultiver leur talent adressée à ceux qui en ont un. Mais le sociologue Robert Merton en a fait bien autre chose.
Dans un article célèbre intitulé « The Matthew effect in science », paru dans au numéro 3810 de la revue « Science » en janvier 1968, le Sociologue a montré à quel point la renommée institutionnelle acquise par les scientifiques et les établissements où ils officient détermine l’importance accordée à leurs travaux et les crédits dont ils disposent.
Ce principe veut, qu’on ne prête qu’aux riches, en sciences comme en économie ou ailleurs. Le système de « crédit » haïtien est un cas typique où l’effet Matthieu prend tout son sens dans la société haïtienne. Donc, on ne prête qu’à ceux qui sont solvables.
Dans le champs scientifique, il n’est pas différent, si découverte il y a, on l’attribuera au plus renommé de l’équipe. Si prix Nobel il y a, le lauréat en restera toujours un «grand nom», quelles que soient ses productions ultérieures. Un tel système fait inévitablement de l’ombre aux autres, et peut vouer à l’oubli des chercheurs tout aussi talentueux.
Prenons maintenant le cas de la presse. En France, la presse est destinée jusqu’au milieu du XIX siècle aux couches moyennes éduquée et disposant d’un certain revenu. Par contre, pendant la seconde moitié du XIX siècle, surtout avec l’industrialisation de la production d’information le public s’élargit aux couches populaires.
Ce cas de figure n’est pas différent pour Haïti. Les médias haïtiens ne reçoivent ordinairement que les célèbres et ceci presque dans tous les domaines de la vie courante. Les invités des journaux sont toujours les mêmes. Ceux qui sont dotés d’un certain capital social ou économique ou les deux.
Bien que cet effet Matthieu soit généralement pris pour une critique adressée à l’establishment scientifique et social, R. Merton le jugeait ambivalent : il peut certes occulter des travaux originaux réalisés par des auteurs méconnus, mais peut aussi attirer et permettre à de jeunes chercheurs, en s’associant à un grand nom, de monter en notoriété.
L’effet Matthieu a engendré une variante, proposée par l’historienne Margaret Rossiter : c’est l’effet Matilda, du nom de la militante féministe Matilda Joslyn Gage. Il désigne l’oubli dans lequel sont souvent plongés les noms de collaboratrices de grandes découvertes. Ainsi, Rosalind Franklin, qui réalisa le premier cliché de l’ADN, n’a jamais été associée au prix Nobel de James Watson, Francis Crick et Maurice Wilkins en 1962.
Si l’effet Matthieu a vu le jour il y a cinquante ans, sa descendance a de l’avenir. Car, de nos jours, innombrables sont les situations où l’on ne prête qu’aux riches surtout dans un pays comme Haïti.
Devilas Wilgens
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