16 septembre 2018 Rezo Nodwes
par James Marc Donald ORPHÉE
Dimanche 16 septembre 2018 ((rezonodwes.com))– La société haïtienne fait l’état d’une société qui ne compte vivre que de la substance politicienne. Et cela parait normal dans un pays où même le vivre au premier degré est conditionné par cette substance. La chose devient plus grave quand elle s’attaque à toutes les composantes de la société.
Dans une société, il faut qu’il y ait des forces vives et inattaquables, des intellectuels critiques pouvant orienter les décisions d’envergure nationale.
Cette dernière catégorie est considérée par Pierre Bourdieu comme » les véritables contre-pouvoirs critiques ». Selon l’auteur, la démocratie effective est impossible sans ce pouvoir. Car il (ce pouvoir) est l’instrument d’équilibre entre la société et la gouvernance étatique. Cependant, en Haiti, force est de constater que même chez la grande majorité des » intellectuels » du pays, cette substance politicienne fait des ravages. Les intellectuels d’Haïti, pour la plupart, dans un premier temps, sont des instruments de la bourgeoisie; et , dans un second temps, ils sont les véritables leviers du système qu’ils dénoncent. Autrement dit, il y a une imposture criante qui frappe les gens que nous appelons « intellectuels » en Haiti.
Mais quel devrait être en réalité le rôle des intellectuels dans un pays comme Haïti?
Avant de répondre à cette question, je ferai une considération historique du rôle des intellectuels en Haïti. Je prendrai en compte la génération composée de Demesvar Delorme, Edmond Paul , Louis Joseph Janvier, Firmin Anténor… Ces intellectuels ont beaucoup écrit sur les problèmes d’Haïti en vue de redorer son blason. Ils n’ont pas seulement écrit pour faire preuve de leur énergie régénératrice, ils ont participé aussi à la gouvernance publique du pays en y offrant un comportement d’homme d’État, expressif de dignité et de professionnalisme.
Prenons le cas de Firmin qui a assuré le portefeuille du ministère des finances sous le règne de Florvil Hyppolite. Sous cette administration, dans un contexte difficile et compliqué, il a eu le temps de redorer le blason administratif en faisant un usage sain des emprunts publics tout en combattant la corruption. Cet intellectuel a sur harmoniser ses conceptions théoriques avec la vie pratique. De nos jours, ce profil d’intellectuel peine à se retrouver.
Au contraire, les gens que nous appelons » intellectuels » sont en réalité, pour la grande majorité, des trompeurs invétérés. Quand ils sont chassés par la politique, ils sont les ogres du système. Ils vous disent que ce système est dépassé, essoufflé… Mais quand ils arrivent à se faire appeler pour une consultation, ils vous parlent de gouvernance, de concertation, de dialogue …
Ces trompeurs évitent de dire la vérité au peuple et se confinent à lui dire ce qu’il veut entendre. C’est de l’imposture. Sinon, toutes ces personnes formées, toutes ces belles têtes, auraient pu utiliser leur savoir pour faire avancer le pays. Mais ils préfèrent prononcer des colloques, des conférences, juste pour distraire le bas-peuple.
Revenons au rôle de l’intellectuel dans une société
Le rôle d’un intellectuel est d’éclairer son peuple. Autrement dit, il est un guide social, un garde-fou. Mais pas quelqu’un qui utilise ses connaissances pour tromper ou pour défendre ses intérêts particuliers. Comme le dit Jean Paul Satre : » L’intellectuel est celui qui peut faire la différence entre le salaire d’un ouvrier et la montée du Capitalisme ». C’est-à-dire celui qui peut dénoncer les injustices sociales.
Pour sa part, Régis Debray, dans le Scribbe (1990) présente le rôle de l’intellectuel en ces mots: « écrire, c’est transmettre, instruire, conduire, soumettre… De cette perspective, l’intellectuel tire un pouvoir (dominandi) qu’il exerce, non le pouvoir politique, mais par la voie de l’autorité morale ». Avec Debray l’intellectuel est le défenseur du peuple.
Ces conceptions du rôle de l’intellectuel font défaut dans le pays. Par peur de ne pas trouver des postes politiques, la dénonciation critique en Haiti connait la plus pénible traversée du désert de son histoire. Alors que le pays a besoin pour sa transformation des intellectuels, des cadres. L’administration moderne repose sur la technique. La vie démocratique repose sur des élites, notamment sur l’élite politique. Voilà pourquoi l’intellectuel est le pivot de la société moderne. Cet intellect technique, pragmatique, soucieux dont on a besoin en Haiti pour rehausser l’image du pays.
James Marc Donald ORPHÉE