Culture: « Aveux Des Lampes » un recueil de Miguel Romain

Culture: « Aveux Des Lampes » un recueil de Miguel Romain post thumbnail image

20 août 2018 Rezo Nòdwès

Une poésie à plusieurs dimensions que Rezo Nòdwès vous invite à découvrir cette semaine. Vous avez sans doute déjà entendu le nom de Mingolove si vous vivez dans le Sud de la Floride ou si vous avez vécu aux Gonaïves entre 1993 et 1999, car il fut, très jeune, animateur de radio et rédacteur au journal de son école, Le Lambi du grand Collège Immaculée Conception. Il était parmi les jeunes les plus brillants de sa génération dans la cité de l’indépendance. Cet été, il publie son premier recueil à C3 Edition, »Aveux Des Lampes« , qui lui vaut tous les regards et félicitations des aînés et camarades de promotion du CIC à Gonaives. Mingolove a remporté en 2017, le Premier Prix au concours de poésie organisé en France par Short Edition

Miami, lundi 20 août 2018 ((rezonodwes)–Mingolove, de son vrai nom Miguel Romain, qui vit à Miami, Floride depuis presque 20 années et qui était aussi très populaire à Miami dans le domaine de la radiodiffusion entre 2001 et 2009, vient de publier chez C3 Edition son premier bouquet de poésie. Ce recueil baptisé « Aveux des Lampes » contient 40 poèmes.

En ouvrant et feuilletant le livre, et avant même d’arriver à la préface, un avant-goût s’offre aux lecteurs et mordus de poésie à la page 7 :

Ce n’est pas pour la première fois
que le silence m’accuse
de prose et de rimes préméditées
souvent au milieu de la nuit
la pendule me prend en flagrant délit
dans l’enceinte des pages vierges
avec les cris de l’alphabet
suspendus à la chaleur de mes doigts.

Cet extrait mis en exergue à la page 7, annonce déjà les couleurs. Toute personne qui suit le courant de la poésie moderne sait qu’elle va se mettre prêt pour un voyage à travers l’univers surréaliste du poète Romain. « Aveux des Lampes » se place pourtant dans le cadre d’une poésie élégante et parfois envoûtante, où les images, créées à partir de puissantes métaphores, redonne une nouvelle vie et une force persuasive aux mots. Miguel Romain essaie de combiner les courants littéraires d’autrefois, tels que le romantisme et le symbolisme, au surréalisme pour rendre plus accessible le texte.

Le poème Tourner La Page à la 17ème page du bouquin, pour lequel l’auteur a remporté en 2017 le premier prix au concours de poésie organisé en France par Short Edition, est de ces poème d’une étonnante simplicité dans le langage, mais qui fait un impact profond et durable dès la première lecteur :

Cela ne rime à rien
que je tourne la page
Si le verso contient
l’assaut de ton image…

Plus loin dans un autre poème, l’auteur d’Aveux des Lampes qui n’a pas manqué de faire des aveux, révèle à Rezo Nòdwès, un peu ses motifs, la raison pour laquelle il écrit :

j’écris pour chaque fois reporter
la date d’expiration de la douleur…

j’écris pour exposer
les cicatrices du fleuve des saisons perdues
en coma dans mon mutisme

j‘écris pour donner une nouvelle demeure
aux arcanes brûlants et fragiles des lampes…

Bien que ce soit sa première floraison d’encre, comme il prend plaisir à le dire en parlant du recueil, l’auteur qui vit dans un pays anglophone et qui a peu de contact avec le français dans ses activités quotidiennes, écrit avec une grande habilité linguistique. Il jongle avec les mots et, par des procédés syntaxiques élégants et un langage simple, limpide, il fait ressortir une poésie succulente à plusieurs dimensions dans presque chaque texte.

En d’autres termes, le style et la picturalité poétique étalée dans cette œuvre de Miguel Romain, situent les poèmes sur un axe visuel. En plus, pour créer la musicalité, Mingolove met en relief l’allitération, comme en témoigne cet extrait qu’a lu et relu le rédacteur en chef de Rezo Nòdwès :

Au verso des versets de ta voix
vêtue des conjugaisons de la mélancolie (Saintanise p. 30)

Un poète est un artiste comme tout autre artiste. Il a à sa disposition les mêmes outils que ses pairs pour créer son œuvre. Mais c’est la liberté et le risque qu’il prend pour sortir de l’ordinaire ou de sa zone de confort afin produire le merveilleux qui lui vaut souvent une certaine mention et qui le distingue des autres. En ce sens, Miguel Romain sait bien comment s’y prendre. Il va même jusqu’à inventer le terme « SEXOPHINISTE » qui est aussi le titre de l’un de ses poèmes qui n’a nullement une allure sexiste.

Tout n’a pas été facile, a confié l’auteur d’Aveux des Lampes à Rezo Nòdwès, bien qu’il nous ait confié avoir commencé à rédiger ses premiers poèmes depuis 1992. Ayant fait une longue pause de 1999 (l’année qu’il s’est émigré aux Etats-Unis) à 2015 quand il reprit sa plume, Miguel devait faire des transformations dans son style. Lui qui jusque-là avait encore un penchant pour la versification et les poètes du courant Romantisme français, devait se sevrer des rimes et s’adapter à la poésie moderne dont les principes lui furent encore inconnus. Et là nous sommes en 2015. Mais vite, il fait connaissance avec l’œuvre de Paul Éluard, de Marc Exavier, de Georges Castera et d’Inéma Jeudi.

La poésie dans Aveux des Lampes est, en somme toute, de haut niveau et de bonne dose. C’est un recueil dont le sujet central est « l’amour »; mais Haïti se trouve aussi présent dans Les Anonymes du Sort, Les Cailloux du Sort Nègre, Les Princes au Port du Malheur et dans En Mal d’Avenir (p.36) ou il remémore :

j’étais devenu à fleur d’âge
auditeur involontaire
des terribles accords de la musique prolixe des mitrailles

à chaque fois que les sales monstres en gros bleu
tiraient à hauteur de rature et de censure sur la parole
mais les mots devançaient toujours
de quelque vérité
les assassins du régime

aux plus militants on servait glacée
la vedette de la prochaine nécrologie

Plus loin dans Saintanise, dont le titre nous rappelle évidemment le diseur gonaivien Maurice Sixto, un poème très touchant et très puissant, Miguel nous dit :

…même à défaut de mois et d’année
pour archiver ta date de naissance
tristement raturée dans les méninges de ton calvaire
le bon sens murmure à la compassion
que tu n’as pas encore moissonnée dix étés…

Mis à part l’aspect patriotique, social ou amoureux qui se dégage des 40 pièces du recueil, les alcooliques, les noltagiques retrouveront dans ces 3 textes « De Quoi Saouler La Nuit », Oh Ma Bouteille et aussi « A l’Apogée de Mes Fantasmes », les mots qu’il faut pour siroter leur tafia, combattre une solitude, même étant entouré :

…sous votre conduite
toutes les allées tendent au vertical
s’ouvrant à contre-sens
au mépris du raisonnement
mais tous les chemins mènent au rhum
quand il faut partir
à la chasse de couleurs
et des intangibles trésors de la vie

On ne peut pas ignorer le côté charnel de certaines des pièces de « Aveux des Lampes » frôlant « La Galaxie de Rêves » de la poétesse Lisa Remilien, une collaboratrice à Rezo Nòdwès. Le poète, si obsédé par le corps de la femme est devenu un sexophoniste légendaire à force de laisser ses doigts et sa bouche parcourir les instruments cachés de la femme pour « chercher le zénith de l’extase dans l’épatante poésie des seins et pour faire retentir les gammes majeures de ses frissons » (Sexophoniste, p.34). Cette ambiance charnelle s’amplifie encore plus dans d’autres textes du recueil tels que, Le Bel Art de Tes Seins, Chronique du Matelas, L’Eclipse de La Distance et J’ai le Mal de tes Seins.

Miguel qui avoue être aussi un grand fan d’Alfred de Musset, de Baudelaire, d’Hugo, du mélancolique Coriolan Ardouin, Georges Sylvain, E. Vilaire, O. Durant, A. Phelps, R. Philoctète, nous confie qu’une bonne partie de ces poèmes parlent de ses tourments d’amour. Exemple dans Blessure Ouverte, il nous abonde ainsi :

…la neige sur les trottoirs de l’absence
a dérobé à la nuit
l’identité des chaudes saisons de tes bras

… Tu as filé un jour comme l’éclair
et mon âme a déversé par les persiennes
toutes les nausées du Pacifique

Somme toute, Aveux des Lampes est un texte qui transporte le lecteur attentionné dans un monde poétique merveilleux et qui fait encore plus apprécier le mystère de jongler avec les mots dont seuls les vrais poètes détiennent le secret. En dépit du fait que Miguel prenne la liberté d’inclure quelques textes qui paraissent un peu trop longs, ce qui pourra décourager les lecteurs déjà habitué et addictés à l’idée de textes courts qu’offre la poésie contemporaine, le jeu vaut bien la chandelle. Et le surplus de minutes que quelqu’un aura à passer la tête plongée dans la lecture des textes qui vont au-delà de la longueur espérée, sera récompensé par une douce évasion à travers des strophes qui charment le cœur et l’âme et compensent l’esprit.

Avec Aveux des Lampes dont plus de 700 exemplaires vendus en 2 mois, grâce à de très bonnes stratégies de marketing, Miguel « Mingolove » Romain vient de confirmer ses qualités et talents de bon poète. Et quiconque aura pris le temps de lire attentivement le recueil ne dira pas autrement.

Pour interagir directement avec l’auteur, vous êtes priés de le faire au bas de ce texte partagé sur de nombreux réseaux sociaux à partir de cette publication originale, signée de la rédaction de Rezo Nòdwès.