Pour une révision constitutionnelle reflétant les aspirations du pays

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25 juin 2018 Rezo Nodwes

Lundi 25 juin 2018 ((rezonodwes.com))– De 1804 à 1987, Haiti a déjà connu vingt-trois (23) constitutions. La constitution du 29 mars 1987 s’inscrit, après la constitution de 1889, comme le meilleur prescrit constitutionnel et demeure une des belles conquêtes du peuple haïtien. Elle inaugure l’ère démocratique dans le pays et consacre l’État de droit. Autrement dit, elle propose une rupture avec les pratiques dictatoriales ponctuées toute l’histoire politique du pays d’avant 1990. De toute évidence, elle rejette le présidentialisme haïtien, amène une réforme en profondeur de l’Etat , consacre le partage du pouvoir, et établit un système qui appelle tous les citoyens à la participation (Haïti: la constitution de 1987 et les droits de l’homme, 1998).

Pour la première fois, une large place est accordée à la femme comme acteur politique. De surcroît, cette constitution préconise la souveraineté nationale, la décentralisation, la modernisation économique et politique du pays et rejette les pratiques discriminatoires, l’exclusion et la bipolarisation de la société (alterprese, La Constitution de 1987 : Réceptacle et promotrice du projet national; 20 mars 2007). Le pouvoir semi-présidentiel et semi-parlementaire calqué sur la réflexion politique de Montesquieu articulant sur la séparation des trois pouvoirs qu’elle proclame présageait un meilleur climat politique en Haïti.

99,8 % des votants ont répondu favorablement à l’adoption de la constitution du 29 mars 1987(Wikipedia). Un tel vote témoigne toute la volonté du peuple haïtien de rêver à un changement pour le pays et d’en finir avec la crise de l’État chronique connue depuis la genèse de la nation. Cette crise, de l’avis de certains spécialistes, s’enracine dans la nature de nos constitutions. Une réflexion qui n’est pas loin de la mienne. Trop souvent, elles sont des idées importées ou inadaptées.

Beaucoup d’institutions importantes prévues ne sont pas jusque-là mises en place. Cela porte certaines personnes à refuser l’idée de réforme constitutionnelle souhaitée par plus d’un. Pour eux, le problème du pays est de loin une affaire de constitution. Les causes sont à rechercher dans d’autres facteurs. Leur réflexion articule l’idée qu’il ne faut mettre les bœufs avant les charrues.

Même si la plupart de ses articles sont en veilleuse, une lecture en profondeur de la constitution laisse entrevoir que nous avons une constitution en avance par rapport à nos moyens. La Constitution ne répond plus aux aspirations du peuple haïtien en marche vers un changement. Pour répéter le professeur de droit Monferrier Dorval, la Constitution de 1987 n’a pas pu conduire le pays vers le progrès politique et constitue un frein à son développement économique (Lenouvelliste du 29 mars 2016).

Si le problème de l’équilibre institutionnel en est réglé, mais elle casse tout l’élan économique de la société. Trop d’institutions à mettre en place. Leur fonctionnement suppose beaucoup de débours. Notre constitution donne l’allure d’un pays riche. On se demande où va-t-on trouver de l’argent pour faire fonctionner toutes ces institutions? L’armée à elle seule suppose un budget colossal.

Les indicateurs macroéconomiques de la loi de finances de cette année prouvent que la présidence et le parlement sont budgétivores. En effet, « 7. 2 milliards de gourdes d’allocation, le pouvoir législatif (7.2 milliards) a la plus grosse augmentation comparé au budget précédent. Son allocation dépasse même celle du ministère de la Santé publique dans un pays en guerre constante contre le cholera, dans un pays ou l’eau potable est une denrée rare pour plus de la moitié de la population » (lenouvelliste, 29-09-2017). Si l’on compare les enveloppes de plusieurs ministères importants: ministère des Travaux publics (17 milliards), le ministère de l’Agriculture (10 milliards), le ministère de l’Education nationale (22,92 milliards) à celle du parlement, on voit qu’il n’existe pas de rationalité dans l’élaboration du budget.

En tenant compte des privilèges bénéficiés par les parlementaires, on se dit s’il y aurait une bonne distribution de la richesse dans le pays. On se demande alors si les mécanismes de répartition des fonds dans le budget prennent en considération les inégalités criantes du pays?

La constitution, à mon humble avis, doit garantir la prospérité du pays au lieu d’être un réceptacle d’institutions budgétivores. L’on pourrait dire qu’une bonne constitution reflète les conditions socio-économiques du peuple en question. Je trouve que la constitution du 29 mars 1987 n’est plus à la hauteur de nos aspirations de peuple pauvre. Elle crée une panoplie d’institutions qui ne sont pas de nature à inciter la richesse et le progrès social et économique.

A l’approche de la révision constitutionnelle envisagée par la Chambre des Députés, l’occasion m’est offerte d’attirer l’attention de tout un chacun sur quelques considérations:

– Ne trouvant pas mieux de fonctionner avec la chambre des communes. A cet effet, il y aurait la suppression du sénat comme institution. On peut aller dans le même sens que le Sénégal;

– La suppression des CASECs et la mise en place du Conseil Communal où toutes les sections formant la commune se font représenter par un membre. À partir de cela, on éviterait des distorsions entre CASEC et maires, également des gaspillages de ressources, d’enjeux politiques dans les sections;

– L’adoption du créole comme seule officielle du pays;

– Séparer le ministère des Collectivités territoriales de celui de l’intérieur. Il n’est pas logique que des élus soient dirigés par un non-élu. Dans ce nouvel article, on prévoirait que le ministère des collectivités territoriales soit dirigé par un de ces élus;

– Prévoir un article qui stipule l’organisation des élections des délégués après celles des maires. Le parti politique qui gagne les élections d’un Conseil Communal ne sera pas accepté dans les élections pour le poste de l’Assemblée communale. Ceci est de façon à éviter le bon ménage de ces institutions et de faciliter l’équilibre;

– La double citoyenneté à tous les niveaux;

insérer dans la constitution 14 août comme congé national;
– Que le premier ministre soit choisi parmi les députés du parti le plus représenté à la Chambre.

Avec la suppression d’autant d’institutions, il pourrait avoir un certain soulagement budgétaire. Le pays est déjà pauvre , on doit élaborer une constitution qui va suivant les limites de ses ressources. Cela étant dit, il s’avère nécessaire de réviser la constitution tout en supprimant les institutions budgétivores et non ancrées dans les socio-culturelles.

Il faut adopter une constitution qui valorise la rationalité limitée au sens du sociologue Herbert Simon.

James St. Germain, sociologue

jamesstgermain19@yahoo.fr

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