Publié le 2018-06-11 | Le Nouvelliste
National –
Les élus de la minorité ont failli faire capoter la séance en Assemblée nationale censée consacrer l’ouverture de la 2e session de l’année législative. Ils ne sont pas parvenus à digérer le fait que le Premier ministre a attendu jusqu’à aujourd’hui pour acheminer les dossiers des cinq nouveaux ministres du gouvernement. Ils ont eu gain de cause : Jack Guy Lafontant a quitté la salle, sans la présentation de son bilan, sur demande du président de l’Assemblée nationale, Joseph Lambert. Le PM n’a pas eu les sifflets mais il est sorti par la petite porte.
Bien avant ces petits moments de tension, les 90 députés et 20 sénateurs se sont fait remonter les bretelles par Joseph Lambert. Dans un discours aux allures d’auto-flagellation, le président de l’Assemblée nationale indique qu’il est « inadmissible qu’un Parlement fonctionnant avec une majorité gouvernementale dans ses deux branches n’ait pu tenir des séances régulières pour épuiser l’agenda législatif ». Le ton ferme, mais le débit lent, Joseph Lambert a mis ses pairs face à leurs responsabilités, leurs manquements, eux qui ont voté très peu de lois au cours de la première session de l’année législative.
« La République nous regarde de ses yeux furieux ; le peuple nous observe avec un rictus sarcastique ; nos électeurs prennent note dans le cahier de leurs doléances insatisfaites. Ils comparent la minceur de nos performances à l’exorbitance des prérogatives que l’Etat nous octroie pour le service de la Res publica », déroule Joseph Lambert, soulignant que le message s’adresse également à lui. Le deuxième personnage de la République croit qu’un « changement de mentalité et de comportement s’impose pour redonner confiance et espoir à la nation et à nos électeurs qui se lamentent de nos pauvres prestations ».
Sans faire dans l’à-peu-près, le sénateur du Sud-Est est conscient que la Coupe du monde de football « cassera certainement le flambant de nos déterminations ». « Sans accorder priorité à l’intransigeance de nos devoirs parlementaires, faisons le vœu de travailler tous les jours de la séance », soutient tout de même Joseph Lambert, appelant à un sursaut de conscience patriotique et professionnelle au cours de cette deuxième session. Il ne pouvait pas y aller plus fort. Il n’a pas récolté d’applaudissements mais son message a passé.
Le président du Sénat ne s’est pas arrêté là. La classe politique, elle aussi, a eu pour son compte. « Il est temps que la classe politique se réforme courageusement en posant les vrais problème du pays. Il est temps qu’elle pose l’équation de la détresse nationale en termes rigoureux, qu’elle abandonne l’ivresse factice des luttes intestines au profit d’une cohésion des forces démocratiques engagées dans des états généraux sectoriels ou nationaux, d’où sortirait un plan consensuel de régénération nationale […] », plaide Joseph Lambert.
Si la classe politique échoue à faire cette transformation, elle est condamnée, enchaîne le président du Sénat, à « passer la main à la nouvelle génération, à la jeunesse saine qui n’attend que ce geste pour marier sa fougue juvénile à la pondération de l’expérience et de la maturité bien trempée ». « Le mal c’est nous, le problème c’est nous, résolvez-le », apostrophe Joseph Lambert, conscient que le Parlement est très en retard sur des textes qui devraient y être votés. Et d’ajouter : « Si nou pa ka fè politik lan, kite li pou jenès la. ». Ses pairs sont avertis.
Juno Jean Baptiste
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