Qui n’a pas entendu parler de la mort de Marlène Colin? Marlène Colin, cette dame d’une trentaine d’années tuée par son compagnon. La nouvelle de cette nouvelle femme victime a atteint en un temps record les 27,700 km2 de notre petit coin y compris les territoires de la diaspora haïtienne. Les commentaires pleuvent tant sur les réseaux sociaux que dans les foyers haïtiens.
Rigaud Ernest, le présumé auteur du crime a publié une vidéo dans lequel il oriente son acte vers un crime passionnel. Il a reconnu avoir tué à coups de couteau la jeune fille, la laissant baigner dans son sang pour aller lui-même se suicider. Il affirme avoir perdu le contrôle de ses passions lorsqu’il se rendit compte que la dame souhaitait le quitter.
Quelle est donc la réalité juridique de ce crime qualifié de passionnel par les commentateurs?
Avant d’entrer dans le vif de notre sujet, il se révèle important d’établir, pour nos lecteurs, la différence entre meurtre et assassinat.
Entre « assassinat » et « meurtre », les pénalistes veulent que l’on ne parle du premier que s’il y a préméditation (ex. l’assassin a préparé son forfait avant de le commettre) et de meurtre lorsqu’il n’y a pas de préméditation. En ce sens, les articles 240 et 241 du code pénal stipulent que l’homicide commis volontairement est qualifié de meurtre. Et, tout meurtre commis avec préméditation ou guet-apens est qualifié d’assassinat.
Revenons à ce qui nous intéresse le plus, l’affaire de Marlène Colin.
Dans les messages envoyés sur les réseaux sociaux, Rigaud Ernest explique avoir été en pleine dispute avec la mère de sa fille de 4 ans lorsqu’il vit le couteau sur la table, le saisit et mit fin à la vie de sa bien-aimée.
Quel est donc le regard la loi pénale haïtienne par rapport à ce crime ?
Le code pénal haïtien ne reconnait en aucun de ses articles le « crime passionnel ».
Le meurtre commis par le conjoint de l’un ou de l’autre sexe sur son conjoint n’est pas excusable, si la vie de celui qui l’a a commis n’a pas été mise en péril dans le même moment où le meurtre a eu lieu, prévoit l’article 269 du code pénal.
Il est évident qu’il y a de la passion et l’irrationalité dans ce crime d’amour, mais il est dépourvu de réalité juridique. Toutefois, il n’est pas interdit à un avocat de chercher des éléments visant à sensibiliser le juge lors d’une plaidoirie. D’ailleurs, certains juristes reconnaissent que c’est l’oralité des débats qui compte à l’audience.
En cas d’adultère, pourtant, le meurtre était «excusable » avant la publication du décret du 6 juillet 2005 portant sur les agressions sexuelles.
Avant juillet 2005, la femme mariée convaincue d’adultère avait encouru une peine d’emprisonnement de trois(3) mois au moins et deux (2) ans, au plus. Et, seul le mari de la femme pouvait arrêter l’effet de cette condamnation en consentant de reprendre sa femme.
A l’époque, un crime commis sou l’emprise de la passion était excusable. On peut s’en rendre compte si on lit le deuxième alinéa de l’ancien article 269 du code pénal haïtien. Il disait : «Le meurtre commis par l’époux sur l’épouse, ou par celle-ci sur son époux, n’est pas excusable (…) Néanmoins, dans le cas d’adultère, prévu par l’article 284, le meurtre commis par l’époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l’instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable.»
Le temps a changé, et la loi haïtienne a fini par culpabiliser celui qui commet le crime passionnel. Et, le criminel dit passionnel risque une peine de travaux forcés à temps (9 à 15 ans) lorsque des coups et blessures ont occasionné la mort de la victime.
Si des coups et blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort l’ont pourtant occasionnée, le coupable sera puni de travaux forcés à temps.
Jésula Simon – Juriste