Plusieurs travaux de recherche montrent comment dans de nombreux pays d’Amérique latine, les migrations et les transferts de fonds ont une incidence positive sur la réduction de la pauvreté, la croissance et les investissements dans le capital physique et humain. Or, la relation entre les différentes dimensions des migrations et du développement en Haïti est encore peu étudiée et n’est prise en compte pour le moment dans aucune politique publique, constate l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans un rapport.
Les migrations ont un coût et peuvent entraîner des pertes de capital humain, ainsi que des pertes de revenus pour les ménages, et des perturbations sociales, avertit le rapport « Interactions entre politiques publiques, migrations et développement en Haïti » (IPPMD) préparé par l’unité migrations et compétences du Centre de développement de l’OCDE et l’Institut interuniversitaire de recherche et de développement (INURED).
Beaucoup d’Haïtiens émigrent pour trouver à l’étranger de meilleures conditions de vie et pour envoyer des fonds à leurs familles restées au pays. On se rappelle la vague des migrants haïtiens qui ont déferlé sur le Brésil après le séisme de 2010 et depuis ces deux dernières années, c’est le Chili qui s’est transformé en Eldorado.
Avant de quitter Haïti, précise le rapport, plus de la moitié d’entre eux faisaient partie de la population active (en emploi ou au chômage). Comprendre l’incidence de l’émigration sur le marché de l’emploi nécessite de s’intéresser aux caractéristiques de ceux qui partent. Dans l’enquête IPPMD, presque tous les migrants actuels (âgés de 15 ans et plus) sont en âge de travailler (15-64 ans).
De plus, c’est essentiellement la main-d’œuvre qualifiée qui émigre. En effet, le taux d’émigration des travailleurs très instruits est supérieur au taux d’émigration total en Haïti : il atteignait 75 % en 2011. En outre, d’après les statistiques descriptives de l’enquête IPPMD, c’est la population travaillant dans l’agriculture et dans le secteur de l’éducation qui est la plus susceptible d’émigrer.
Or, l’emploi formel étant faible, la main-d’œuvre est employée principalement dans l’agriculture et dans le secteur informel urbain. La majeure partie (47 %) travaille en effet dans le secteur informel, ou dans l’agriculture de subsistance (40 %), ou occupe un emploi salarié formel (13 %). Dans le secteur informel, les rémunérations sont inférieures de plus de moitié à celles versées par le secteur formel, et ne sont donc pas suffisantes pour permettre à la population de sortir de la pauvreté.
Malgré une main-d’œuvre jeune et une diaspora dynamique, les niveaux de pauvreté restent élevés. Dans le secteur informel, les rémunérations sont inférieures de plus de moitié à celles versées par le secteur formel, et ne sont donc pas suffisantes pour permettre à la population de sortir de la pauvreté, reconnait l’OCDE.
Par ailleurs, l’emploi formel se concentre dans l’administration publique et dans des organisations non gouvernementales. Dans l’économie formelle, le secteur de la confection est le plus gros employeur et, au cours des dix dernières années, réalise 90 % des recettes d’exportation du pays et fait travailler quelque 30 000 personnes, dont une majorité de femmes. Les données sur la main-d’œuvre haïtienne sont rares, rappelle le rapport.
La diaspora, toujours plus nombreuse, constitue une importante source de financement pour le pays. Les transferts de fonds représentent près de 30 % du PIB selon un rapport de la Banque mondiale rendu public en début de semaine, et procurent un revenu essentiel à de nombreux ménages haïtiens.
Il ressort de ce rapport que le développement économique et social d’Haïti peut ainsi être soutenu par une diaspora toujours plus nombreuse et par des transferts de fonds qui s’accroissent. Cependant, les liens entre les différentes dimensions des migrations et du développement ne sont pas encore très bien compris, soulignent l’OCDE et son partenaire INURED.
Patrick Saint-Pré