18 octobre 2018
Il y a des occasions qu’un citoyen qui se respecte ne rate pas. La commémoration de faits historiques, l’entrée en fonction de nouvelles autorités ou encore la publication de statistiques officielles sont parmi les rendez-vous qui apportent des messages forts. A chaque intervention des représentants de l’État, on attend d’être rassuré sur l’avenir et de se sentir plus attaché à sa Patrie. C’est d’ailleurs pourquoi certains discours sont devenus historiques dans la vie sociopolitique de certains peuples.
Parmi « les lois du discours » élaborées par le linguiste français Oswald Ducrot, il y en a une, l’informativité, qui stipule qu’un énoncé doit apporter des informations nouvelles aux destinataires. Mais on n’a pas besoin d’avoir étudié cette théorie pour expliquer la perte d’intérêt d’un public dont la déception s’accroit minute après minute. C’est malheureusement l’expérience qu’ont vécue beaucoup de ceux qui suivaient le président Jovenel Moïse à l’occasion de la commémoration du 212e anniversaire de l’assassinat de Jean Jacques Dessalines.
Le président reste le même malgré les leçons que les événements politiques de l’année 2018 auraient pu lui apprendre. C’est encore « le chef de l’État – président de la République » qui revendique un pouvoir absolu. Perdu par moments dans sa longue improvisation, Jovenel Moïse s’est obstiné à réitérer ses promesses et à autoriser son Premier ministre à faire des miracles. Le constat : plus les projets s’empilent, plus le pays s’enfonce dans la crise financière. Cette réalité risque de ne pas changer jusqu’à la fin du quinquennat.
Sur des questions brûlantes de l’actualité, le président n’a fait que polémiquer de nouveau. Tant pis pour ceux qui attendaient de lui un discours apaisant et politiquement correct. Alors qu’une immense foule manifestait dans plusieurs villes pour réclamer justice dans l’affaire petrocaribe, Jovenel Moïse a déclaré à ceux qui veulent l’entendre que le procès aura lieu exactement comme il le veut. Les coupables et les innocents auraient déjà été identifiés.
Aucune stratégie envisagée pour rassurer une population asphyxiée par l’injustice sociale et l’inflation, le chef de l’état ne pouvait s’empêcher de lancer des flèches contre ceux qui auraient critiqué son prétendu plan d’exploitation des ressources naturelles. Hélas ! Le citoyen qui voit s’anéantir son pouvoir d’achat jour après jour n’a pas repris confiance.
Comme beaucoup de ses prédécesseurs, le chef de l’État n’a fait que revisiter des discours prononcés à l’occasion d’autres fêtes nationales. Rappeler la prouesse des héros de la Patrie, l’idéal qui les animait, prêcher l’unité nationale, dénoncer les luttes fratricides et s’ériger en digne successeur des pères fondateurs sont un contenu présenté à chaque fois comme une leçon apprise. Sans ancrage dans la réalité ni orientation idéologique claire, les représentants de l’État se complaisent à s’acquitter d’un devoir avec une monotonie déconcertante.
Face aux errements des autorités, la population affamée et bafouée perd patience. L’éducation sur la participation citoyenne favorisée par les outils technologiques fait son chemin petit à petit. Et le défi de l’avènement d’un leadership éclairé commence à être pris au sérieux par les indifférents. L’avenir a le dernier mot.
Kendi Zidor