Publié le 2018-09-24 | Le Nouvelliste
Culture –
Pierre Clitandre
C’est dans cette ville qui se modernise que nous avons découvert la tombe de Benoît Batraville. C’est une ville propre, avec des édifices à cinq étages et des boutiques standardisées. Elle se réveille dans la vitalité des véhicules de toutes sortes, des motos en particulier. Les marchés informels sont sur les trottoirs. Les églises protestantes poussent ici et là.
Cette ville qui célèbre chaque année saint Louis, Roi de France, est traversée par le fleuve Artibonite. Étalée sous le soleil, elle nous a permis, le samedi 16 septembre 2018, de faire la surprenante découverte de la tombe d’un nationaliste intrépide. On la fréquente souvent, Mirebalais. Pour consommer de l’oxygène pur, pour voir de beaux paysages naturels sur la route du Morne-à-Cabri dont il faut dire, sincèrement : chapeau à feu René Préval!
Construit sous Paul Eugène Magloire
Mais ça, on savait pas! Une idée soudaine! Où se trouve le cimetière de la ville? Un motocycliste a fait le parcours. Et nous voilà parmi les tombes! Le cimetière est délabré. La mairie de la ville, nous dit le vieux gardien, n’a pas les moyens pour son assainissement. Des plantes et lierres poussent et les tombes en sont toutes couvertes. L’espace peut être bien entretenu si l’État met de la volonté pour protéger notre patrimoine historique. Ce n’est pas le cas. Le cimetière de Mirebalais est construit depuis le gouvernement de général “Kanson fè”, Paul Eugène Magloire.
C’est dans un décor d’abandon que nous avons demandé:”Y a-t-il des personnalités connues enterrées ici?” Notre vieux guide n’a pas hésité. Il a traversé quelques tombes pour nous montrer celle de Benoît Batraville. Il a dû soulever des plantes sauvages pour nous faire voir un marbre jauni par les intempéries. On y lit:” Ici repose le général de l’armée révolutionnaire Benoît Batraville tué le 9 mars 1920 à l’âge de 45 ans environ.”
Le vieux fusil rouillé
La grande question: Comment tous les gouvernements, depuis 1906, ne se sont-ils pas intéressés à nos sites historiques? Manque de politique culturelle? Frilosité administrative? Effacer la mémoire collective? Ruiner le décor patriotique? Regardez le Champ de Mars!
La tombe de Benoît Batraville a un aspect quelconque, comme une cuve de rude ciment emplie d’eau, par temps de pluie! Notre vieux guide a un regret de gérer ce délabrement. Par cette époque de dénigrement de l’histoire haïtienne. Il retient une larme, le vieux.
Qu’en disent l’État et le secteur privé national? Garder la mémoire historique n’est pas un acte révolutionnaire. C’est archiver l’historiographie universelle.
En reprenant l’allée de sortie, le vieux nous a conseillé d’aller voir Baron-La-Croix. Lui aussi, le Baron, il est dans le délabrement. Pour les autres religions, on comprend. Par contre, nos vodouisants ne peuvent continuer dans le mépris de ceux qui ont combattu pour notre terre natale. On y vient souvent pour des libations personnelles. Pas une minute de silence sur la tombe emplie d’eau par temps de pluie de “Tibenwa” mort avec son vieux fusil rouillé, à 45 ans environ.
Pierre Clitandre vindesoleil@yahoo.fr
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