Plusieurs voix s’élèvent en République dominicaine pour mettre en garde les autorités contre d’éventuelles déportations massives des immigrants haïtiens consécutives à la fin du Plan national de régulation des étrangers (PNRE) qui seraient dommageables pour certains secteurs clés de l’économie dominicaine. Les migrants haïtiens, dans leur immense majorité, travaillent dans les secteurs de la construction, de l’agriculture, du commerce et du tourisme.
Publié le 2018-08-31 | Le Nouvelliste
Economie –
À l’expiration du délai imparti aux étrangers inscrits au Plan national de régularisation (PNRE), le dimanche 26 août dernier à minuit, la représentante du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) en République dominicaine, Sonia Vásquez, estime que l’État devrait prendre le soin d’analyser ce qui adviendra de la main-d’œuvre haïtienne, nécessaire à l’économie dominicaine et dont dépendent certains secteurs clés.
Sonia Vásquez a rappelé que 26% des migrants haïtiens travaillent dans la construction; 32% dans l’agriculture et un autre groupe important est inséré dans les activités commerciales et touristiques. Selon elle, si des expulsions massives étaient appliquées, il y aurait des conséquences immédiates dans les différents secteurs économiques qui dépendent de ces travailleurs.
«La déportation est une mesure immédiate, mais la déportation résout-elle totalement le problème des sans-papiers en République dominicaine? », s’interroge Sonia Vásquez invitant l’État dominicain à faire de même dans la mesure où la réponse relève totalement des pouvoirs du gouvernement mais, constate-t-elle, au-delà d’une décision immédiate, la République dominicaine dispose d’une main-d’œuvre, principalement composée d’immigrants haïtiens, dont dépendent certains secteurs vitaux pour l’économie.
Selon les responsables, sur un total de 116 nationalités étrangères inscrites au PNRE, 97,8% des demandes de régularisation émanaient des immigrants haïtiens. Le rapport préliminaire de la deuxième Enquête nationale auprès des immigrants (ENI-2017), rendu public le lundi 16 avril 2018, établit que sur les 196 124 demandes acceptées dans le cadre du PNRE, provenant des immigrants haïtiens, 9 838 cas rejetés émanaient d’immigrants nés en Haïti et 2 944 de descendants de parents haïtiens.
Pour le chercheur principal de l’ENI, Wilfredo Lozano, le PNRE, même avec ses imperfections, a commencé à mettre de l’ordre dans la question de la migration, même s’il ne peut être considéré comme une panacée pour résoudre les problèmes d’immigration. « Cela devrait être considéré comme un point de départ important pour élaborer une politique migratoire cohérente, ordonnée et efficace », a déclaré le sociologue, estimant que personne ne devrait être scandalisé par d’éventuelles déportations, car elles se produisent quotidiennement dans le pays.
Une autre sociologue, Rosario Espinal, citée par le journal El Caribe, estime que la situation des étrangers qui se sont inscrits au Plan reste floue car, dit-elle, la grande majorité n’ont pas le statut de résident mais une carte qui leur permet de vivre dans le pays. Selon elle, le problème de l’immigration en République dominicaine répond à un double moral puisque les hommes d’affaires ainsi que l’État ont permis un flux migratoire pour leurs activités économiques car les migrants sans-papier constituent une main-d’œuvre bon marché, exonérée du poids de la sécurité sociale.
« Les immigrants sont ici parce qu’ils les emploient », a-t-elle déclaré, suggérant que les lois du travail soient appliquées pour que les employeurs aient plus de difficulté, à employer des étrangers dans différents secteurs économiques.
Les deux sociologues ont pris la parole devant un panel de l’Université autonome de Santo Domingo (UASD) pour présenter les résultats de l’ENI qui indiquent, qu’au niveau national, le taux d’emploi général des immigrants haïtiens est de 70%, 48% pour d’autres pays et 43% pour des descendants d’immigrés.
Source : elcaribe.com.do
Patrick Saint-Pré
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