Haïti: le bilan s’alourdit à l’Hôpital général

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Des mouvements de protestations ont paralysé la région métropolitaine, le vendredi 6 juillet. À l’Hôpital général, médecins et patients se battent pour mériter le droit de vivre. Retour sur une réponse médicale improvisée au grè des circonstances.
Publié le 2018-07-09 | Le Nouvelliste

National –

Vendredi après midi, alors que l’horizon s’assombrit à petit feu sur Port-au-Prince, le roulement des professionnels de santé suivait son cours à l’Hôpital universitaire d’Etat d’Haïti (HUEH).

“Il était 4h, raconte le Dr Emmanuel Joseph. Nous étions 4 internes et 2 résidents, un autre sous-groupe devrait venir nous remplacer. Aujourd’hui est lundi, on les attend toujours.”

Depuis vendredi, seulement six médecins font la rotation dans les différents services du plus grand centre hospitalier du pays. “Un des résidents nous a demandé de vider les lieux, car notre vie était en danger. Mais où aller? Comment rentrer chez nous ? Faute de réponse à ces questions, nous avons passé 3 jours sans dormir à l’HUEH.”

Des services fermés depuis samedi matin

Tôt samedi matin, le tableau clinique du pays n’augurait rien de bon. Les services d’Orthopédie, d’Urologie, d’Oto-rhino-laryngologie et d’Ophtalmologie étaient dysfonctionnels. “Les patients arrivent samedi dans la matinée. Les prisonniers blessés suite à des altercations en prison, les plaies par balle, les cas de tous les jours. Tout le monde dans la petite salle d’urgence”, se désolent les quatre nternes qui étaient sur place.

Le Dr Emmanuel Joseph ne se voile pas la face, on a prodigué des soins proportionnels à l’anarchie qui régnait sur Port au Prince, c’est-à-dire sans aucune base scientifique.

Pas de laboratoires pour les examens paracliniques, en public comme en privé, impossible de faire une radiographie. Sans traiter les causes profondes, on a essayé de calmer les symptômes.

En pédiatrie et en maternité, le quotidien déverse son lot de problèmes habituels dans un hôpital enclavé, seul face au triste sort des vies fauchées.

Le Dr Gurvitch Julien en poste depuis 3 jours expliquent la complexité de la situation. ” On a reçu environ 10 cas depuis le début des mouvements de protestation, 9 d’entre eux venaient des zones envoisinantes. Il n’y avait que 2 résidents dans la garde. Ces cas montrent la complexité de la situation, les enfants continuent de tomber malades, mais ils ne peuvent pas venir à l’hôpital nonobstant ceux qui habitent les artères qui débouchent sur l’hôpital.”

Lundi après midi, des familles toujours dans la tourmente

La situation frôlait la catastrophe devant la barrière de la maternité, ce lundi 9 juillet 2018. Des femmes enceintes s’allongent à même le sol, la vie côtoie la poussière. David arrive dans un Hyundai bleu avec sa femme, pleurs et douleurs se confondent dans ses yeux fatigués à force de tourner en rond dans la capitale. “Je ne sais plus où aller, aucun hôpital ne veut nous recevoir. Maudites soient celles qui doivent accoucher en ce début de semaine”, lance-t-elle dans un excès de colère.

Pour Marlène, il ne faut pas blamer les médecins. “Ils doivent protéger leur vie comme tout le monde, on ne peut pas leur demander de venir soigner à tout prix”, avance celle qui attend dans les couloirs depuis 9 du matin. Néanmoins, elle croit que la vie devrait être l’horizon indépassable de toute protestation. “Va t-on nous laisser mourrir ici?”, se demande Marlène dont le seul péché est d’avoir voulu donner la vie en Haiti un 9 juillet.

Port au Prince: mauvais endroit; mauvais moment pour accoucher.

Trop tôt pour décourager, trop tard pour changer d’idée, une mère qui accompagne sa fille de 17 ans à la maternité accuse le coup. “Quand vous êtes en Haïti, la mort vous guette de partout, j’attends la suite.”

Dans les couloirs qui mènent aux services de chirurgie et d’orthopedie, un homme cherche un médecin. “On a remarqué la présence de Dr Franck Louis Télémaque, directeur médical de l’HUEH”, indique Dr Emmanuel Joseph. L’homme fait semblant de ne pas entendre parce qu’il souffre. “On m’a soulagé pour une fracture au niveau de la main gauche. Hier soir, je n’ai pas pu dormir à cause de la douleur et l’inflammation qui l’accompagnent. Je dois absolument voir un médecin sinon je risque de perdre la main”, dit-il désespérement.

Le samedi 9 juillet 2018, la situation à Port au Prince laissait à désirer. Certaines ambassades ont reporté les rendez vous et la police faisait des apparitions par compte goutte dans les principales rues de la région métropolitaine. Dans l’axe des caméras, les magasins pillés et les voitures brûlées. Un peu plus loin, à l’Hôpital général, la vie se joue à la merci d’une douzaine de médecins fatigués qui n’ont pas les moyens pour soigner efficacement. Encore un triste épisode à oublier d’urgence.

Claudy Junior Pierre

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