By Rezo Nodwes -8 mai 2022
Dimanche 8 mai 2022 ((rezonodwes.com))– Le jeudi 5 mai 2022 au soir, le Conseil national du Parti socialiste (PS), sorte de « Parlement du parti », a voté, à une large majorité (62%), l’accord signé, la veille, avec la France insoumise (LFI) sous la bannière commune de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (NUPES), rejoignant ainsi l’Europe Écologie-Les Verts (EELV) et le Parti communiste français (PCF). Ce malgré les tirs de barrage nourris de certains éléphants revanchards du PS (« L’Édito du Rezo », Rezo Nòdwès, 01/05/2022).
Désormais, comme les militants et sympathisants de gauche – le « peuple de gauche » – l’ont toujours souhaité, la gauche est de nouveau réunie. L’unité dans la diversité a de tout temps été l’atout majeur de la gauche pour gagner les élections et mettre en œuvre un programme ambitieux de progrès social, ainsi que le montre son histoire. Cette unité est, par conséquent, d’autant plus nécessaire aujourd’hui, que, à y regarder de près, les professions de foi des candidats estampillés de gauche, à la présidentielle de 2022, présentent, en réalité, de nombreux points communs, hormis quelques divergences connues sur l’Europe et le nucléaire.
C’est d’ailleurs ce qu’ont compris les protagonistes écologistes, communistes et socialistes de la NUPES. N’en déplaise à certains médias et commentateurs politiques, complaisants envers le pouvoir en place, qui s’attachent systématiquement à en minimiser la portée, cette nouvelle-union-de-la-gauche constitue bel et bien un acte historique majeur dans la vie politique française. Jean-Luc Mélenchon, leader de LFI, s’est appliqué à le leur rappeler en ces termes, au lancement de la campagne pour les législatives, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis, Île-de-France), le samedi 7 mai 2022 : « [C’est] la première fois qu’il y a un accord général dès le premier tour de toutes les forces de gauche. » En effet, la dernière union de gauche face à la droite et l’extrême droite remonte à 25 ans. Lionel Jospin, alors premier Secrétaire du PS, après avoir échoué à la présidentielle de 1995 face à Jacques Chirac, candidat du Rassemblement pour la République (RPR), avait pris sa revanche, aux législatives qui ont suivi la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le président, le 21 avril 1997. C’est grâce à l’union à travers ce que l’on appelle communément la « gauche plurielle », comprenant socialistes, écologistes, communistes, radicaux de gauche et souverainistes-chevènementistes que Lionel Jospin a réussi à devenir Premier ministre de cohabitation, en faisant gagner la gauche à ces législatives, le 1er juin. Cette victoire lui a permis de gouverner durant cinq ans jusqu’au premier tour fatal de la présidentielle de 2002 où, le 21 avril, avec 16,18%, il a été devancé, par le leader du Front national (FN) – l’extrême droite –, Jean Marie Le Pen (16,86%), derrière Jacques Chirac, président sortant (19,88%).
Depuis ce séisme politique d’une ampleur inégalée, il n’y a pas eu, certes, véritablement d’union de la gauche au niveau national pour la présidentielle et les législatives. En effet, en 2017, d’un côté, le candidat écologiste, à la traîne dans les sondages d’intentions de vote, s’est rangé derrière celui du PS, Benoît Hamon, et de l’autre, le PCF, quasi inexistant, a soutenu la candidature de Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) au sein du Front de gauche.
Mais, au niveau local, des accords sont régulièrement conclus entre formations de gauche, presque toujours sous la domination hégémonique du PS. C’est la perte de cette hégémonie – du fait du quinquennat délétère de François Hollande dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui au sein du PS – qui a conduit à la chute de ce « parti de notables », classé désormais au rang des « petits partis » sur l’échiquier politique. Cela met dans tous leurs états, François Hollande, Bernard Cazeneuve, Stéphane Le Foll, Jean-Christophe Cambadélis, Manuel Valls – soit l’aile droite de ce qui reste au PS – et d’autres personnalités de l’ancien monde socialiste nostalgique d’un PS tout puissant, les poussant à tirer à boulets rouges non seulement sur l’accord PS-LFI, mais également et surtout sur leur ancien camarade socialiste Jean-Luc Mélenchon. Certains de ces dissidents, dénonçant une « reddition », une « soumission » au leader de LFI – force dominante à gauche pour la deuxième fois à l’élection présidentielle –, vont jusqu’à déclarer qu’ « il va falloir que Jean-Luc Mélenchon accepte l’insoumission ». De vrais démocrates !
Dans un tel contexte, comme l’a dit récemment, avec ironie, la députée européenne LFI, Manon Aubry, sur Twitter, à la suite des déclarations diverses et variées de ces dissidents : « Les éléphants se trompent énormément. » À vrai dire, ils ne digèrent toujours pas que le quinquennat de François Hollande – dont ils ont tous fait partie à des degrés divers – ait été qualifié de « trahison » par le premier Secrétaire du PS, Olivier Faure. Désormais, puisqu’ils s’appellent « sociaux-démocrates », le meilleur service qu’ils puissent rendre à la gauche, c’est de faire profil bas en acceptant sans rechigner le verdict de la démocratie interne qui les a remis à leur juste place : celle de minoritaires au sein de l’appareil socialiste. Ils doivent donc être légalistes, respecter les règles du jeu et arrêter de polluer l’atmosphère au sein de la gauche. Le peuple de gauche n’en attend pas moins de leur part, comme l’a bien compris, par exemple, la maire de Lille, Martine Aubry, grande figure de la gauche. « Je partage les propositions de justice sociale comme l’augmentation du pouvoir d’achat, la retraite à 60 ans pour tous ceux que le travail a usés, la défense des services publics, en particulier l’école et la santé, l’égalité hommes-femmes, le développement de la culture. Je soutiens évidemment les mesures en faveur d’une action résolue pour le climat, ainsi que pour plus de démocratie », a-t-elle affirmé sur Twitter, tout en précisant « que cet accord ne correspond pourtant pas en tout point à [ses] convictions profondes », notamment sur l’Europe.
C’est une prise de position qu’il convient de saluer d’autant qu’elle vient de la part de celle, qui, ministre de l’Emploi et de la Solidarité du gouvernement de Lionel Jospin, entre 1997 et 2000, reconnue pour ses profondes convictions de gauche, a mis en œuvre les « 35 heures », la « Couverture maladie universelle (CMU) » et les « emplois jeunes ». On aura ainsi remarqué qu’elle est sur la même longueur d’onde que Lionel Jospin, lequel soutient l’accord avec LFI de Jean-Luc Mélenchon, également ancien ministre de son gouvernement. Ainsi, à bien des égards, derrière la rancune tenace des éléphants du quinquennat de François Hollande à la sauce vallsienne, qui dézinguent l’accord PS-LFI sous la bannière commune de la NUPES, il y a bien une autre bataille, plus symbolique, celle-là, qui se joue entre l’aile droite et l’aile gauche du PS. Et c’est cette dernière qui l’emporte, largement, à la régulière, autrement dit démocratiquement. En principe, dans ces conditions, s’ils étaient cohérents et vraiment démocrates, les perdants, ténors de l’aide droite du PS, qui mènent la fronde, n’auraient d’autre choix que de reconnaître leur énième cuisante défaite, quitter le PS et aller retrouver la droite au sein de la République en marche devenue « Renaissance » – comme l’a fait Manuel Valls, sans aucune gêne, en accord avec ses convictions droitières et réactionnaires. D’ailleurs, les anciens transfuges du PS, à l’image de l’actuel ministre de la Santé, Olivier Véran, ou le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, passés à droite dans la macronie en 2017, ne manquent pas de leur faire des appels du pied, les invitant à les rejoindre.
Mais, ces dissidents de la hollandie, qui – ironie de l’histoire – représentent les « nouveaux frondeurs » du PS, oseront-ils tous franchir le Rubicon ? Pas sûr du tout ! Vieux routiers, élèves de François Mitterrand qui faisait sienne la célèbre maxime du cardinal de Retz, ils savent mieux que quiconque que, en politique, « on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens ». Certains vont se présenter en candidats dissidents face aux candidats de la NUPES aux législatives, avec le soutien d’élus comme Stéphane Le Foll, maire du Mans, ancien directeur de cabinet de François Hollande, premier Secrétaire du PS et ancien ministre de l’Agriculture sous le quinquennat de ce dernier, et Carole Delga présidente socialiste de la région Occitanie, également ancienne secrétaire d’Etat, chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire, sous cette mandature – tout en se considérant encore membres à part entière du PS.
Alors, après que la campagne de la NUPES pour les législatives a été officiellement lancée à la Convention d’Aubervilliers, il reviendra à la direction du PS de prendre toutes ses responsabilités pour remettre le parti en ordre de bataille au sein de cette alliance programmatique et électorale, en excluant purement et simplement les brebis galeuses. Il n’est un secret pour personne que ces dernières, complètement hors-sol, s’arc-boutent sur leurs petites chapelles, leurs intérêts et privilèges personnels, loin des préoccupations du peuple de gauche en général et des classes populaires en particulier.
À partir de là, la clarification sera nette pour tout le monde. Il faut, en effet, être impitoyable avec les dissidents, en leur rappelant notamment ceci : « Nos valeurs sont au service du progrès humain dans toutes ses dimensions : l’émancipation individuelle, la redistribution des richesses, la préservation écologique, la souveraineté démocratique, la conquête de nouveaux droits », tel qu’il est encore mentionné, dans la rubrique « Nos valeurs », le vendredi 6 mai 2022, sur le site Internet du Parti socialiste. Il s’agit là de valeurs que partage bien évidemment la NUPES. Inutile donc de rappeler que, contrairement à ce que laissent entendre ses détracteurs, ce qui rassemble la gauche est indiscutablement plus fort que ce qui la divise. C’est pourquoi sa devise doit être plus que jamais : l’unité dans la diversité. C’est seulement ainsi qu’elle parviendra à Rallumer tous les soleils (Jean Jaurès).