By Rezo Nòdwès -17 février 2022
Le pape défend le célibat des prêtres, sans mentionner les abus.
Vatican News
«Je ne sais pas si ces réflexions sont le “chant du cygne” de ma vie sacerdotale, mais je peux vous assurer qu’elles proviennent de mon expérience», a d’emblée confié le Pape, assis aux côtés du cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques et organisateur de ce Symposium sur le sacerdoce. «Chant du cygne»: une formule rare de la part de François, pour qualifier unesolide réflexion aux accents personnels. Il y propose non pas une théorie sur le sacerdoce, mais une «“petite synthèse” afin que le prêtre d’aujourd’hui, quel que soit le moment qu’il est en train de vivre, puisse connaître la paix et la fécondité que l’Esprit veut lui donner».
La crise des vocations commence dans les paroisses
Le Symposium, qui s’ouvre ce 17 février au Vatican, se déroule dans un contexte de «changement d’époque», rappelle le Pape, et face à cela, deux attitudes sont à éviter: «la recherche de formes codifiées, très souvent ancrées dans le passé», autrement dit un conservatisme rigide, ou au contraire un «optimisme exagéré», incapable de tenir compte de la complexité du présent et de la sagesse du passé.
Le Successeur de Pierre invite plutôt à une «prise en charge confiante de la réalité, ancrée dans la sage, vivante et vivifiante Tradition de l’Église qui nous permet de prendre le large sans peur». Et surtout à des actions et à un changement qui aient «la saveur de l’Évangile».
Le sacerdoce traverse également une crise vocationnelle, a reconnu François. cette dernière est souvent due «à l’absence dans les communautés d’une ferveur apostolique contagieuse lesquelles, en conséquence, n’inspirent pas l’enthousiasme et ne sont pas attrayantes», étant aussi souvent prisonnières du «fonctionnalisme». «D’authentiques vocations naissent là où il y a de la vie, de la ferveur et un désir d’apporter le Christ aux autres. Même dans les paroisses où les prêtres ne sont pas très engagés ni joyeux, c’est la vie fraternelle et fervente de la communauté qui suscite le désir de rencontrer entièrement Dieu, et l’évangélisation, surtout si cette communauté vivante prie avec insistance pour les vocations et a le courage de proposer un chemin de consécration spécifique à ses jeunes», a analysé le Saint-Père.
La vocation est aussi étroitement liée à la grâce baptismale, a rappelé François. Ainsi donc, «chacun, en regardant sa propre humanité, sa propre histoire, son propre caractère, ne doit pas se demander si un choix de vocation convient ou non, mais si, en conscience, cette vocation révèle en lui ce potentiel d’Amour qu’il a reçu le jour du Baptême». Un prêtre peut oublier son baptême, c’est-à-dire la mémoire que notre premier appel est celui à la sainteté. Alors le sacerdoce ministériel verse dans le fonctionnalisme, a prévenu François.
Sans prière, une vie stérile
Après cette introduction, le Souverain pontife a souhaité «partager les attitudes qui donnent de la solidité à la personne du prêtre, les quatre piliers constitutifs de notre vie sacerdotale, que nous appellerons les “quatre proximités” parce qu’elles suivent le style de Dieu, qui est fondamentalement un style de proximité».
Face aux participants rassemblés en salle Paul VI, François a d’abord évoqué la proximité avec Dieu. Une relation essentielle dans laquelle le prêtre puise «toute la force nécessaire à son ministère. La relation avec Dieu est, pour ainsi dire, la greffe qui nous maintient dans un lien de fécondité. Sans une relation sérieuse avec le Seigneur, notre ministère devient stérile», a averti le Pape.
Maintenir cette proximité s’apparente souvent à combat, mais sans cet effort, les prêtres courent de grands risques. «De nombreuses crises sacerdotales ont pour origine une vie de prière pauvre, un manque d’intimité avec le Seigneur, une réduction de la vie spirituelle à une simple pratique religieuse», a mis en garde le Saint-Père, confiant combien la prière et les sacrements l’avaient lui-même profondément soutenu dans les périodes difficiles.
«Mais tout cela est difficile si l’on ne s’est pas habitué à avoir des espaces de silence dans la journée ; si l’on ne sait pas mettre de côté le “faire” de Marthe pour apprendre le “demeurer” de Marie», a-t-il précisé, demandant aux prêtres de renoncer à l’activisme et de cultiver l’intimité avec le Seigneur. Ce qui ne veut pas dire fuir la réalité. Comme l’a assuré le Souverain pontife, «dans sa proximité avec Dieu, le prêtre renforce sa proximité avec son peuple. Et inversement, dans sa proximité avec son peuple, il expérimente aussi la proximité avec son Seigneur».
L’obéissance à l’évêque, un art de l’écoute
La deuxième proximité mentionnée par François est celle du prêtre avec son évêque, l’amenant à aborder la notion d’obéissance. «L’obéissance n’est pas un attribut disciplinaire mais la caractéristique la plus profonde des liens qui nous unissent dans la communion. Obéir signifie apprendre à écouter et se rappeler que personne ne peut se dire détenteur de la volonté de Dieu. Celle-ci ne peut être comprise que par le discernement. L’obéissance est donc l’écoute de la volonté de Dieu, discernée précisément dans une relation», a expliqué le Pape. Mais «l’évêque lui-même ne peut être un instrument de ce discernement que s’il est lui aussi à l’écoute de la réalité de ses prêtres et du peuple saint de Dieu qui lui est confié». L’évêque doit se révéler un «père» et non un «surveillant d’école».
Le Saint-Père a invité prêtres et évêques à prier les uns pour les autres, et à prendre soin du lien qui les unit, malgré d’inévitables confrontations. «Ce n’est pas un hasard si le mal, pour détruire la fécondité de l’action de l’Église, cherche à saper les liens qui nous constituent. Défendre les liens du prêtre avec l’Église particulière, avec l’institut auquel il appartient et avec l’évêque, rend la vie sacerdotale solide», a-t-il assuré.
Un «don que l’Église latine conserve»: le célibat des prêtres
La troisième proximité concerne les prêtres entre eux. Elle revêt la forme d’une fraternité sacerdotale. Et le Pape de proposer l’hymne à la charité de saint Paul (1Cor 13) comme modèle des relations au sein du presbyterium. Un amour qui ne connaît pas l’envie – «comportement destructeur», ni la vantardise, ni les mensonges ou les bavardages.
«Il ne faudrait cependant pas croire que l’amour fraternel serait une utopie, ou encore un “lieu commun” pour susciter de beaux sentiments ou des paroles de circonstance dans un discours lénifiant», a estimé l’évêque de Rome. Elle est la manière de chercher à être saint avec d’autres compagnons de route.
Cette troisième proximité a aussi permis à François de parler du célibat. Là où «la fraternité sacerdotale est mise en pratique, et là où il y a des liens d’amitié véritable, il est possible aussi de vivre avec plus de sérénité le choix du célibat», a-t-il déclaré. Le célibat est «un don que l’Église latine conserve, a souligné le Saint-Père, mais il est un don qui, pour être vécu comme sanctification, nécessite des relations saines, des rapports d’estime véritable qui trouvent leurs racines dans le Christ. Sans amis et sans prière, le célibat peut devenir un poids insupportable et un contre-témoignage à la beauté même du sacerdoce», a-t-il averti.
Le cléricalisme ou le danger de l’éloignement
Enfin, le quatrième pilier des proximités proposées par le Saint-Père est celui de la proximité avec le Peuple de Dieu. Ce n’est pas un «devoir, mais une grâce». «Je suis convaincu que, pour comprendre à nouveau l’identité du sacerdoce, il est aujourd’hui important de vivre en rapport étroit avec la vie réelle des gens, à côté d’elle, sans la fuir d’aucune manière», a confié François en conseillant la (re)lecture de Lumen Gentium. Plus qu’ailleurs, il s’agit pour le prêtre d’adopter «le style du Seigneur», un «style de proximité, de compassion et de tendresse, qui donne de marcher non pas comme un juge mais comme le Bon Samaritain reconnaissant les blessures de son peuple».
Les prêtres ne sont pas «des “clercs d’état” ou des “professionnels du sacré”», mais «des pasteurs», sachant «faire preuve de compassion, de pertinence» ; des hommes à la fois «courageux» et «contemplatifs», a insisté l’évêque de Rome.
Cette proximité permet de développer un sens d’appartenance au sein de la communauté – paroissiale par exemple. Un point essentiel, car «si le pasteur s’égare, s’éloigne, les brebis se dispersent et sont à la merci du premier loup venu».
Cette appartenance constitue aussi un rempart contre le cléricalisme, causé par «l’oubli du fait que la vie sacerdotale est destinée aux autres ; au Seigneur et aux personnes qu’il a confiées». «Le cléricalisme est une perversion parce qu’il se forme sur des “éloignements”. (…) Quand je pense au cléricalisme, je pense aussi à la cléricalisation du laïcat : cette promotion d’une petite élite qui, autour du prêtre, finit aussi par dénaturer sa mission fondamentale», a une nouvelle fois dénoncé le Pape.
Comment vont mes proximités ?
En jésuite, François a terminé son discours en invitant prêtres et évêques à un exercice de discernement : se demander régulièrement «“comment vont mes proximités”, comment suis-je en train de vivre ces quatre dimensions qui configurent mon être sacerdotal de manière transversale et qui me permettent de gérer les tensions et les déséquilibres auxquels je suis confronté chaque jour».
Après ce discours en forme de manuel pratique pour la vie sacerdotale, le Successeur de Pierre a évoqué Celui qui en met à part quelques-uns pour les envoyer au milieu de son peuple. «Devant la tentation de nous enfermer dans des discours et des discussions interminables sur la théologie du sacerdoce ou sur les théories de ce qu’il devrait être, le Seigneur regarde avec tendresse et compassion et offre aux prêtres les repères à partir desquels ils peuvent reconnaître et maintenir vivante l’ardeur pour la mission : proximité (…), proximité avec Dieu, avec l’évêque, avec les frères prêtres et avec le peuple qui leur a été confié. Proximité avec le style de Dieu, qui est proche, avec compassion et tendresse», a résumé François en guise de conclusion.