By Rezo Nodwes -28 janvier 2022
Alex CALAS, Journaliste et Analyste sociopolitique
Analyser et dénoncer : la quête de la vérité pour une société de Paix
Lorsqu’il y a corruption, que les actions du gouvernement manquent de transparence et que les autorités ou des particuliers cherchent à dissimuler des événements pour tenter d’échapper à leurs responsabilités, la presse a un rôle à jouer, si elle est soucieuse d’œuvrer pour le bien de la communauté et de se mettre à son service.
Prenons un exemple : un groupe de gangs armés était engagé, depuis l’an dernier, dans des pourparlers avec le gouvernement Haïtien (CNDDR). D’un commun accord, il avait été convenu de rassembler tous les gangs armés en un lieu donné et les autorités avaient assuré leur transfert par voie terrestre. Lors de cette opération, deux des responsables de gangs, chargés de la prise en charge d’un groupe, ont été tués par la police. Les autorités ont prétendu que les hommes étaient morts au combat.
Appuyés par la communauté, les dirigeants de la guérilla ont démenti catégoriquement cette version officielle, rappelant au passage que le gouvernement s’était engagé à respecter le sauf-conduit s’ils participaient aux pourparlers de paix. Le processus de paix paraissait fortement compromis et rien ne semblait pouvoir débloquer la situation. Plusieurs organisations de la société civile, prirent alors la décision de lancer une enquête dont les conclusions n’étaient pas destinées à une publication immédiate mais devaient être remises au ministre de la Justice afin de clarifier la situation et de faire avancer le processus de paix. Après réception de notre rapport et un complément d’enquête, le gouvernement a fini par reconnaitre les faits : les chefs de gang étaient bien morts assassinés par la police.
Nous avons attendu la sortie du rapport préliminaire officiel avant de publier nos résultats et de les comparer à ceux des enquêteurs gouvernementaux. L’affaire est toujours en cours, mais le processus est sorti de l’impasse et un accord de paix a été conclu au mois d’avril dernier.
Le journaliste est la conscience morale de l’opinion publique et de la société civile. Il expose des faits susceptibles d’aider le public à accéder à la vérité. Il contraint ainsi les autorités politiques à la transparence. N’oublions jamais que la raison d’être du journaliste est la quête de la vérité. Il est en droit de dénoncer mais doit disposer de preuves irréfutables : c’est ainsi, notamment, qu’il aide à construire ou à renforcer la démocratie.
Le rôle éducatif du journalisme
On nous a toujours dit que le rôle du journalisme était d’abord d’informer et ensuite de distraire. La mission éducative est essentielle, surtout dans les sociétés malades ou celles en pleine reconstruction qui n’offrent pas à tous ses membres un accès à l’instruction.
Notre mission d’éducation est avant tout de délivrer un message et une leçon de tolérance : apprendre à vivre ensemble, à régler pacifiquement les conflits, à participer au processus de décision, à agir pour les droits de l’homme, pour la démocratie, pour le dialogue et la paix.
En 2017, ma ville natale, Port au Prince, se trouvait dans une très mauvaise passe. La violence et le terrorisme en étaient le lot quotidien. C’est alors que notre maire a lancé l’idée d’un dialogue, fondé sur le principe que notre drame était la conséquence de toute une série de facteurs pour lesquels tous les citoyens portaient une part de responsabilité.
Si nous étions tous responsables, c’était à nous, tous ensemble, de contribuer à l’effort de paix, de trouver par le dialogue le chemin d’une compréhension mutuelle et du pardon. Notre Organisation (OHDLP) a soutenu cette initiative et s’est employé à promouvoir le dialogue en offrant aux citoyens la possibilité de s’exprimer. Nous avons cherché aussi à analyser les problèmes de notre communauté en lançant une série d’articles sur différents quartiers. Des articles ont été publiés sur les droits de l’homme, sur les racines de la violence et les moyens d’en venir à bout.
Correspondants de paix contre correspondants de guerre
Le journaliste se doit d’être toujours un correspondant de paix – même en temps de guerre. Cela ne signifie pas dissimuler l’existence de conflits, mais les présenter de manière à faire réfléchir. Ainsi mise en forme, l’information contribue à identifier les racines du conflit pour tenter de les résoudre. Le correspondant de paix ne cherche pas le sensationnel, et ne mange pas au râtelier de la presse à sensation. Ses titres et ses textes vont dans le sens de la démocratie, de la tolérance, du pardon, de la valeur de la vie, de la dignité humaine et d’une certaine maturité dans l’approche des différences et des contradictions.
Nous avons eu, et continuons encore, à rendre compte d’actes de terrorisme: de nombreux attentats à la voiture piégée ont eu lieu dans les rues de Medellin et nous avons publié ces informations, mais en évitant tout glissement vers le sensationnel (pas de photographies de cadavres ou de sang versé). En revanche, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour conduire une réflexion sur les raisons tragiques qui ont conduit aux attentats, et mis l’accent sur le gâchis d’une guerre fratricide.
Liberté d’informer, liberté d’opinion et droit à l’information
La condition essentielle à l’exercice de ce type de journalisme d’investigation est l’indépendance. Nous devons être libres de tout risquer – l’amitié des puissants, notre prestige (trop souvent lié à notre proximité du pouvoir), et même notre vie. Il y a presqu’une décennie, notre président de la République a parlé de l’affrontement total pour ramener la paix en Haïti.
La plupart des médias ont approuvé la position présidentielle et se sont prononcés pour l’affrontement. Pour notre part, nous en avons dénoncé l’absurdité en faisant valoir que tout le monde serait perdant, en fin de compte. Le nouveau Président a désormais lui même ouvert la porte au dialogue.
Le rôle des mass-médias est bien de véhiculer des idées et des idéaux qui en valent la peine et contribuent à bâtir un avenir meilleur.
Les médias sont garants d’un droit fondamental, le droit à l’information, qu’il convient d’exercer en toute liberté mais avec responsabilité. Le droit à l’information n’est pas l’apanage des autorités politiques. Il n’appartient pas non plus aux propriétaires des médias, pas plus qu’il n’est le monopole des journalistes. C’est la communauté qui est détentrice du droit d’information : elle a le droit d’informer comme d’être informée.
Nous, journalistes et défenseur en Droits Humains, devons être au service de la démocratie, de la vérité, de la quête du bien commun pour le plus grand nombre. Liberté d’expression ne signifie pas liberté de dire et d’écrire tout ce qui nous passe par la tête, mais d’exprimer avec responsabilité, ce qui peut contribuer au bien de nos communautés, voire de l’humanité.
Pour Authentification :
Alex CALAS, Journaliste et Défenseur en Droits Humains
Directeur Exécutif OHDLP
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