Haïti / 18 novembre 1803 -18 novembre 2021: De Vertières  à l’enfer.

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L’histoire, telle qu’elle est souvent contée, est faite d’affirmations mensongères, de déclarations erronées et parfois d’oublis volontairement calculés. Aussi, celle qu’on enseigne en Europe sur la guerre de l’indépendance haïtienne est-elle tronquée jusqu’à éclipser le nom de Vertières dans le dictionnaire français. Heureusement, l’académicien haïtien Dany Laferrière qui occupe le siège #2 a pu faire rétablir la vérité historique par les immortels de la prestigieuse Académie Française.

VERTIÈRES est le théâtre de l’une des plus belles batailles de toutes les guerres de l’humanité. Personne n’oubliera l’intermède des boulets renversant le calot et le cheval de François Cappoix (dit La mort) qui crie «en-avant». C’est une victoire inscrite dans le roc par la gigantesque statue du sculpteur cubain Juan Jose Sicre Matanzas consacrant la défaite la de l’armée française face à l’armée indigène composée pour les blancs d’un ramassis de nègres mais de vrais guerriers qui avaient pu acquérir le mépris pour la mort.

VERTIÈRES est la résultante d’un idéal et d’un long cheminement. L’Empereur Napoléon a confessé dans ses mémoires : « J’ai à me reprocher une tentative sur cette colonie lors du Consulat. C’était une grande faute que d’avoir voulu la soumettre par la force ; je devais me contenter de la gouverner par l’intermédiaire de Toussaint ». J’ai bien compris le sens de ce remords et pénétré l’idéal du génial Louverture lors de mon intronisation le 24 juillet 2014 sur ses terres au Bénin comme Grand Prince du Royaume d’Alla par le Roi Toyi Djigla.

Le 18 novembre 1803, le Général en Chef Jean-Jacques Dessalines a obtenu de la France, la reddition de la ville du Cap et a signé le 19 novembre 1803 à cinq heures de l’après-midi, l’acte de capitulation de l’armée française avec l’Adjudant- Général Duveyrier dépêché par Rochambeau avec les pleins pouvoirs. En voici la teneur :

Article 1.- La ville du Cap et les forts qui en dépendent seront remis, dans dix jours, à dater du 28 présent, au Général en Chef Dessalines.

Article 2.- Les munitions de guerre qui seront dans les arsenaux, les armes et l’artillerie seront laissées dans l’état où elles sont présentement.

Article 3.- Tous les vaisseaux de guerre et autres qui seront jugés nécessaires par le général Rochambeau tant pour le transport des troupes et des habitants que pour l’évacuation, seront libres de sortir au jour nommé.

Article 4.- Les officiers militaires et civils, les troupes composant la garnison du Cap, sortiront avec les honneurs de la guerre, emportant leurs armes et les effets appartenant à leurs demi-brigades.

Article 5.- Les malades et les blessés hors état d’être transportés, seront traités dans les hôpitaux jusqu’à leur guérison. Ils seront spécialement recommandés à l’humanité du Général Dessalines.

Article 6.- Le Général Dessalines, en donnant l’assurance de sa protection aux habitants qui resteront dans la place, réclame de la justice du général Rochambeau la mise en liberté des hommes du pays qu’elle que soit leur couleur, lesquels ne pourront, sous quelque prétexte que ce soit, être contraint à s’embarquer avec l’armée française.

Article 7.- Les troupes des deux armées resteront dans leurs positions respectives jusqu’au dixième jour fixé pour l’évacuation du Cap.

Article 8.- Le Général Rochambeau enverra pour sûreté des présentes, l’adjudant-commandant Urbain Deveau en échange duquel le Général Dessalines remettra un officier de même grade.

Fait double et de bonne foi, au quartier général du Haut du Cap, les jour, mois et an précités.

Au lendemain de cette historique et éclatante victoire, l’Armée Indigène, sous la plume de Dessalines, Christophe, Pétion, Vernet, Clerveaux et Cappoix a publié un Ordre Général, au nom des noirs et des hommes de couleur stipulant : « … L’indépendance de

St-Domingue est proclamée. Rendus à notre première dignité, nous avons recouvré nos droits et nous jurons de ne jamais nous les laisser ravir par aucune puissance de la terre. Le voile affreux du préjugé est maintenant déchiré. Malheur à ceux oseraient en réunir les lambeaux…»

Le 18 novembre 1803 a donc sonné le glas d’un système barbare, l’exploitation de l’homme par l’homme qui a fait la richesse des pays colonisateurs, aujourd’hui puissances mondiales économiques, culturelles et militaires grâce à l’esclavage et à l’épuisement d’autres pays comme Haïti qui traînent encore, hélas, ce passé douloureux et qui souvent quémandent pour survivre, une aide au développement, synonyme d’une descente progressive programmée dans l’enfer d’une sous-humanité se traduisant dans la quotidienneté des cohortes de migrants qui frappent à la porte de ses anciens bourreaux.

Nous voilà, ce 18 novembre 2021, en plein désarroi, une nation écartelée, un pays divisé! La société haïtienne souffre de ce je baptise le «Complexe de l’œuf»: la coquille doit être assez dure pour protéger l’oisillon et assez souple pour lui permettre de d’éclore. Malgré nos souffrances, nous n’arrivons pas à transformer nos douleurs en énergies positives et à faire de nos malheurs une opportunité, une utilité pour surpasser nos querelles. Les forces nationales sont paralysées sous le poids lénifiant de notre égoïsme. Nous sommes en train, inconsciemment peut-être, de recoller les lambeaux de la division et de la haine au lieu de repriser le tissu de notre fierté et de cautériser nos plaies.

En ce 18 novembre, Jour de Vertières et des Forces Armées d’Haiti, je ne lancerai aucun appel parce que nous semblons être des filles et fils dégénérés qui n’ont pas mérité le sacrifice des ancêtres et qui s’engouffrent chaque jour dans l’esclavage d’un incivisme suicidaire.

Nous avons fait d’Haiti qui était un paradis, un enfer!

Emmanuel MénardImpulse Web Medi