By Rezo Nodwes -29 mai 2020
Vendredi 29 mai 2020 ((rezonodwes.com))– Depuis octobre 2019, il est annoncé que 4.1 millions de personnes seraient en insécurité alimentaire, de mars à juin 2020 [IPC, oct. 2019]. La COVID-19 ne pourra qu’aggraver cette situation. Alors, que faire pour anticiper, mitiger ou endiguer cette seconde crise qui s’annonce imminente ?
En général, on se laisse impressionner par ce qui est grand, le gigantisme, surtout quand il est beau, bien conçu et réalisé. En vérité, ce qui impressionne au fond c’est la vision ou le génie qui en fait une œuvre hors du commun. Est-ce que cela signifie que les petites choses n’ont pas leur place, voire ne peuvent pas produire les mêmes effets ?
La réponse à la pénurie alimentaire qui se profile à l’horizon, suite au « Pays lock » et dans le contexte de la COVID-19 qui coïncide avec l’allongement de la période de sécheresse, doit être plurielle. Les interventions sur les grandes surfaces, dans les plaines et les montagnes qui s’y prêtent, comme celles sur les espaces parcellaires jusque dans un petit pot à la maison, sont à encourager en milieu rural comme en milieu urbain.
C’est Jean de La Fontaine qui, dans « Le Lion et le Rat », a dit « on a souvent besoin d’un plus petit que soi ». L’économiste Britanique Ernst Friedrich Schumacher a lui-même vanté la vertu du « Small is beautiful » et Edgard Pissani de nous dire : « Quand découvrirons-nous enfin que le développement est une somme de miracles modestes, de miracles imperceptibles réalisés jour après jour dans l’ombre, dans l’obscurité… ». Pour sa part, l’objectif 13 des ODD nous invite à « faire plus et mieux avec moins ».
C’est dans ce courant que se situe le modèle « jardin garde-manger, bac de production et toits des maisons », promue par le Centre Banyen, à Vallue, depuis 2019. Il s’agit de l’horticulture légumière, fruitière, médicinale, ornementale, floricole, qui peut être promue en milieu rural comme en milieu urbain, à proximité des maisons, voire sur la galerie et sur le mur des maisons, comme en plein champ en sélectionnant un espace approprié. Comme tel, il fait davantage partie d’une démarche environnementale, tout en participant aux enjeux de nourrir la famille et de préserver la santé des consommateurs.
En milieu rural, sa fonction première est de contribuer à éponger les contraintes qui poussent fort souvent soit à un usage intensif et non responsable du sol, soit à la coupe abusive d’arbres qui aggrave la dégradation de l’environnement et provoque une réduction systématique jusqu’au tarissement des points d’eau. En milieu urbain, il constitue un moyen de réduire sa dépendance vis-à-vis du marché, d’épargner un peu d’argent dans un contexte de contraction économique, de mitiger une éventuelle crise alimentaire. Il est aussi source de création d’emplois, par les différentes filières de métier qui s’y rattachent, notamment en matière de services éco-systémiques et d’assainissement.
Ce modèle peut être une voie alternative et complémentaire pour éviter cette pénurie alimentaire qui s’annonce. À côté de l’expérience du Jardin Labo du Centre Banyen, il existe d’autres initiatives de ce genre comme, par exemple, La Sève Entreprise de Jean Lindor et le Musée Végétal de Faniel Laurent, en milieu rural. Il y a aussi le Jardin de Théo du couple Laplanche, en plein cœur de la région métropolitaine de Port-au-Prince, et le jardin de Will Roche à Cavaillon, qui nous rapprochent des entreprises agricoles québécoises situées en périmètre urbain, hors zone agricole. En outre, le modèle commence à frayer sa route chez les familles et est reconnu par l’Administration Moïse-Jouthe qui, dans la circulaire du 13 mai 2020, publiée dans Le Moniteur No 85, en a fait référence.
Il est accessible techniquement et financièrement. Le principal facteur limitant est l’accès à l’eau. En appliquant strictement le Protocole « 35-25-40 », le rendement peut-être optimal. Les premiers calculs théoriques et expérimentés ont montré des possibilités de US$ 2.50 au double par mètre carré. Par la participation, ce modèle est aussi capable d’influencer les choix et habitudes alimentaires. D’où ce quadruple atout en termes de sécurité alimentaire, économique, culturelle ou gastronomique et environnementale.
En ce temps de COVID-19, où le confinement est particulièrement prôné, le jardin garde-manger optimisé par le bac de production et la végétalisation des toits des maisons devient une réponse opportune très précieuse. Il peut en outre non seulement contribuer à l’éducation environnementale, mais aussi servir tant de passe-temps et de laboratoire pour les enfants et les jeunes, que de régulation psychologique de l’humeur des personnes qui s’ennuient rapidement de l’intérieur ou d’être inactives.
Centre Banyen – Jardin Labo
@ Vallue, mai 2020