By Rezo Nodwes -17 octobre 2019
par Nolès Abellard
Jeudi 17 octobre 2019 ((rezonodwes.com))– Au lendemain de l’indépendance, on distingue deux blocs fondamentaux dans la société de la nouvelle nation. D’un côté le peuple des travailleurs de la terre composé de plus de 90% de la population, dont les conditions de travail et de vie rappellent généralement les serfs du Moyen Age : de l’autre côté les nouveaux maîtres de la terre, les dirigeants militaro-politiques alliés à une bourgeoisie d’affaires cosmopolites financièrement puissante.
Entre ces deux bloc se trouvent la couche moyenne instable économiquement et impuissante politiquement. La nouvelle classe dominante se place à contre-courant de l’évolution populaire, en effet dans les mois qui ont suivi l’indépendance, l’écrasante majorité de la population haïtienne était constitué un peuple de paysans demi-serfs en témoignent les codes ruraux qui ont été établis. Le code rural de 1826 était jugé par les observateurs comme étant un code nullement en harmonie avec la législation d’un peuple libre. Il a été même envisagé par les colons anglais de l’adopter pour la Jamaïque. Le code rural de 1826 a été réactualisé sur Geffrard par le code rural de 1864. Les codes ruraux de Pétion, de Christophe qui avaient précédé celui de Boyer n’étaient pas différents.
Ainsi est né le système néo-colonial consolidé par la classe dominante haïtienne féodale bourgeoise engagée dans toutes sortes de spéculation avec les capitaux Allemands, Anglais, Français, et Américains. Puis vinrent les Levantins, les Levantins arrivés en gueux dans le pays à la fin du 19ème siècle, pour contrer l’hostilité de la classe d’affaires haïtienne (les bourgeois créoles), ont constitués leurs propres réseaux en important des produits américains, et avaient pour principaux clients les petites gens de la classe moyenne, les provinciaux et les ruraux. Sous la protection des Américains, les Levantins ont réussi à s’imposer sur le terrain, puisqu’ils écoulaient les produits américains sur le marché local. Et quand les Américains ont débarqué en 1915, ils éliminent les hommes d’affaires Allemand sur le terrain, les Levantins qui sont pour la plupart des citoyens américains, profitent de ce champ libre pour contrôler le marché. Ainsi débute une nouvelle ère, l’ère de domination des Levantins.
A l’heure actuelle tout le monde parle du système, Jovenel Moïse, Michel Martelly, Jean-Charles Moïse, Réginald Boulos, Youry Latortue, Evalière Beauplan, Evans Paul, André Michel, Jude Célestin, Jean-Bertrand Aristide, etc leurs idées pour la pluspart n’ont pas grand-chose à voir les unes avec les autres et pourtant ils sont tous anti-systèmes (ils ont un ennemi commun le système). Qu’est-ce que c’est ce système auquel ils veulent tous s’opposer : nous avons regardé dans le dictionnaire système vient du grec (grec sustêma, ensemble) et désigne un ensemble ordonné d’idées scientifiques ou philosophiques. Cela ne nous explique pas ce qu’est ce fameux système pour les politiciens, et surtout pourquoi ils s’y opposent.
Alors regardons comment les hommes politiques définissent le système. Pour certains hommes politiques, le système est avant tout économique, le système c’est celui qui génère l’exclusion sociale et qui génère aussi d’immenses profits par exemple pour les grandes compagnies nationales et internationale donc c’est une analyse économique et également une analyse politique sur l’exclusion de processus de décision politique des citoyens. Le système c’est donc le néo-libéralisme et le combattre c’est changer les institutions pour davantage de démocratie participative. Pour d’autres hommes politiques, le système c’est toutes les lourdeurs, toutes les régulations, les réglementations, c’est la bureaucratie donc il faut le réformer. Puis il y a le paradoxe Jovenel Moïse, Jovenel Moïse c’est l’incarnation même d’un système que lui-même prétend pourtant combattre.
En Haïti, il y a deux mondes complètement séparés d’un côté l’oligarchie liée aux politiques qui gèrent le pays qui représentent une caste complètement à part avec des privilèges extraordinaires et qui décident de la vie de tous les autres et puis de l’autre côté, la grande masse du peuple qui est complètement contenue sur tous les plans, généralement privée d’éducation. Le système contrôle tout, le système contrôle l’éducation, les partis politiques, les politiciens, la justice, les forces armées, la police, les médias, le processus électoral. Les puissants du système n’en ont rien à faire des lois ils s’en foutent complètement et ils les violent allégrement, ils ne sont jamais coupables, et peuvent faire toutes les conneries, même ruiner le pays, sans devoir rendre le moindre compte. Mensonges et manipulations sont les deux piliers du système.
Le gouvernement aux ordres a rempli l’internet d’agents qui sont là avec de fausses identités, créé des pages web et qui pourrissent les mouvements de revendications tout en manipulant en permanence sur les réseaux sociaux. On est tous à l’intérieur du système: des hommes d’affaires, des politiciens, des enseignants, des prêtres, des avocats, des ouvriers, des maçons, des ébénistes, etc… Tu peux voir le système quand tu allumes la télé, quand tu écoutes la radio, quand tu pars travailler, quand tu vas à l’église, quand tu paies tes factures, quand on te maintient à l’écart. Il est le monde que l’on superpose devant ta vue pour te cacher la vérité, celle que tu es un esclave. Malgré tout, la plupart des gens ne sont pas prêts à se laisser débrancher du système. Beaucoup d’entre eux sont tellement inconscients et dépendants du système qu’ils se battraient pour le protéger. Ce sont les gardiens du Temple. Quand tu crois pouvoir changer le système alors que tu es à l’intérieur du système, tu ne changes pas le système, c’est le système qui te change. Pour changer le système il faut être prêt à se laisser débrancher du système. Pour combattre réellement le système, il faut apprendre à détecter ses mensonges et ses manipulations. Ce que peu de gens arrivent à faire. Pour combattre le système, il faut apprendre à vivre sans confort ou se le créer soi-même avec peu.
Comment peut-on renverser le système ?
Renverser un système ce n’est pas simplement la destitution d’un président parce que celui-ci est un outil comme un autre, changer quelqu’un c’est juste ouvrir la porte pour qu’un autre le remplace pour continuer le même programme. Tout homme de la République, tout homme politique est systématiquement dans le système. Il y a des oppositions qui sont à l’intérieur du système, les politiciens s’opposent tous les uns aux autres mais ils défendent tous le même gâteau, ils cherchent leurs avantages et leurs privilèges personnels, c’est pour des choses comme ça qu’ils font de la politique, pas pour améliorer la vie des gens. Ils veulent juste améliorer les leurs, rien de plus. Si on veut réellement changer le paradigme de la société il n’y a qu’un seul moyen c’est de changer le système et que le peuple retrouve sa souveraineté, tous les gens qui ont la capacité intelligente, tous ceux que le gouvernement a intérêt à faire taire ont droit à la parole.
Sur internet on touche pas grand monde, on touche que les gens qui ont un minimum pour lire les programmes, pour se documenter sérieusement, cela veut dire qu’on est limité dans une toute petite sphère qui est celle d’internet si on veut parvenir au grand public il faut autre chose, il faudrait qu’on soit assez nombreux et qu’on a assez d’outils pour ça et aussi qu’on soit assez connu.
Aller au-devant du grand public mais de le faire assez vite de manière exponentielle, il faut toucher tout le monde parce qu’il y a 84% des Haïtiens qui sont abstentionnistes qui ne croient plus aux politiciens qui ne font pas confiance au processus électoral et toutes ces gens pourraient être adhérents à ce grand mouvement car c’est un droit au peuple de décider de lui-même son mode de gouvernance. Tout ce qui est vidéo tout ce qui est internet ça touche un tout petit nombre de gens, on est 12 millions si l’on veut toucher du monde il faut arriver à toucher les gens dans la rue.
Les télés, les radios, les journaux sont contrôlés par les politiciens et l’oligarchie alors si on veut toucher le monde il faut créer ses propres moyens, créer ses journaux qui seront à la portée de tous et facilement diffusés que tout le monde le trouve en permanence pour avoir l’autre information, celle qui n’est pas dans les médias (qui vous manipulent), un journal en créole qui pourrait être diffusé deux fois par mois sur toute l’étendue du territoire. L’impression du journal se fera par des volontaires, des gens qui ont en leur possession un ordinateur, une imprimante et qui ont accès à l’internet, puis on le distribue gratuitement dans les salons de coiffure, les cliniques, les restaurants, un peu partout. Il ne faut pas susciter de haine comme le font les médias aux ordres, mais faire connaître la vérité aux Haïtiens. La souveraineté du peuple est la seule vraie opposition au système.
La démocratie c’est un régime politique dans lequel le peuple (dêmos) a du pouvoir (kratos) or nous vivons dans un régime dans lequel le dêmos n’a pas de kratos nous sommes conduits tous les 5 ans à désigner des maîtres qui décident tout à notre place. Albert Jacquard disait : « le système ne choisit pas les meilleurs, il choisit les plus conformes, c’est dangereux ».
Nous appelons ça démocratie alors que nous n’avons pas de pouvoir. Seule la démocratie représentative est réellement démocratique, mais le mot représentant a deux sens en français. Un représentant est un serviteur quelqu’un qui comme un courtier attend le consigne, suit fidèlement les ordres. A ce moment ce représentant-là pourrait permettre une démocratie représentative de s’exercer parce que le peuple resterait le souverain avec son courtier, ses serviteurs sous son contrôle. Mais le même mot représentant en français peut signifier mettre un tuteur légal le tuteur d’un incapable décide tout à sa place, quand le représentant se conduit en tuteur en maitre on n’a évidemment pas affaire à une démocratie.
On ne renverse pas une oligarchie par l’élection, l’élection ne changera pas le système oligarchique, l’élection est une procédure oligarchique c’est complètement contradictoire d’imaginer que l’élection va renverser l’oligarchie.
Il y a quand même des exceptions quand tu vois un Pepe Mujica, un Hugo Chavez ça donne de l’espoir mais pour 1 Chavez on a 1000 Jovenel ce n’est pas raisonnable. On ne devrait pas compter sur l’élection pour renverser l’oligarchie par contre si on devenait de véritables citoyens transformés en constituants au lieu d’être électeur, organiser des ateliers constituants on peut faire la révolution. Quand on veut faire la révolution il faut être nombreux, si on est une poignée ce sera violent. On peut venir à bout de l’oligarchie, la mettre au pied du mur et sans effusion de sang parce qu’on serait très nombreux.
Toute révolution commence par la conscientisation de masse.
Nolès Abellard