Pourquoi le parlement haïtien est-il inefficace ?

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By Rezo Nodwes -17 septembre 2019

Par : Vitalème ACCÉUS

Samedi 14 septembre 2019 ((rezonodwes.com))– Surfacturation de la location des véhicules, les frais pour les fêtes patronales et pour la fête de Pâques, sénat budgétivore et inutile, la corruption etc. Ces dysfonctionnements mettent à mal le parlement Haïtien, tribune d’expressions du peuple. Mais face aux différentes crises que traverse le pays, et face à ses dysfonctionnements préjudiciables  aux citoyens, doit-on pointer du doigt uniquement le parlement Haïtien ?

Absentéisme

Chaque semaine, des députés n’ayant pris aucune part aux séances sont dénoncés par leurs confrères à la radio ou dans les journaux.

Malheureusement l’absentéisme des députés est encouragé par l’ambiguïté et la contradiction dans les textes de lois, d’une part, et le manque de dévouement des députés eux-mêmes d’autre part.

Au Sénat, par exemple, la présence des élus aux séances plénières est obligatoire, selon le règlement intérieur, mais les mêmes textes autorisent les votes par délégation, ce qui incite à l’absentéisme des élus et rend impossible l’imposition de sanctions aux absents.

Improductivité

La productivité des députés est un autre problème puisqu’une fois élus, ils prennent leurs postes pour acquis et pensent qu’ils ne doivent rendre compte à personne. Ils ne proposent rien ou presque, et même quand des projets de lois sont acheminés au parlement par l’exécutif, ils ne prennent pas la peine d’en faire le suivi.

Ce problème de productivité s’explique par la présence régulière des élus dans les couloirs des ministères à la recherche de projets ou de nominations pour des proches ou sympathisants.  Or, beaucoup de députés sont des hommes d’affaires ou des chefs d’entreprises toujours occupés. Ce cumul empêche les élus de se concentrer sur leurs missions parlementaires, ce qui compromet leur productivité.

Incompétence

Autre problème, les députés ne s’investissent pas dans les débats qui précèdent les votes par manque de motivation ou de compétence. Quand c’est pour le peuple qu’il faut agir, peu de députés sont prêts à le faire parce qu’ils sont soit des hommes d’affaires qui agissent pour leur compte ou de simples vautours qui visent les avantages qu’offre le poste.

Il y a aussi la question des compétences. En Haïti, les articles de la loi électorale qui définissent l’éligibilité des candidats à la députation ne parlent aucunement du niveau d’instruction des futurs députés. Ceci laisse libre champ aux personnes peu compétentes pour accéder à des responsabilités sans qualification.

Opportunisme

Les récentes sénatoriales dans le pays montrent qu’en Haïti les représentants des citoyens sont beaucoup plus des pions parrainés par des hauts cadres politiques, du monde des affaires ou des dealers de drogue qui souhaitent contrôler la scène politique.

Pour ce genre de représentants, l’intérêt du peuple devrait passer après celui du parrain. La minorité opposante est considérée comme ennemi, donc toutes ses propositions seront annihilées quelle que soit leur pertinence. C’est le cas de Garry Bodeau, président de la chambre des députés, cadre de la majorité présidentielle, qui bloque systématiquement toutes les initiatives de l’opposition, laissant passer seulement celles de son groupe parlementaire.

Corruption

L’autre problème majeur est la corruption. La semaine dernière, un sénateur a dénoncé cinq (5) de  ses collègues pour avoir accepté de l’argent  afin de faciliter la ratification du premier Ministre désigné. Dans cette optique, les élus cherchent par tous les moyens à récupérer leur argent dépensé lors des campagnes électorales puisque celles-ci sont financées de leurs poches ou grâces à des parrains.

Il faut reconnaître que les règlements intérieurs ne suffisent pas et la justice est confrontée à l’immunité parlementaire. Les contrôleurs financiers présents dans les deux chambres, ces derniers souffrent de laxisme et de favoritisme, laissant libre cours aux comportements vicieux.

Passivité des autres parties prenantes

Les citoyens ont leur part de responsabilité quand il s’agit de la compétence et du caractère véreux des hommes qu’ils choisissent pour les représenter. Les électeurs Haïtiens ont tendance à élire les candidats qui appartiennent à leurs clans ou leurs partis sans s’intéresser à leurs programmes politiques.

Et puisque beaucoup d’électeurs demeurent moins instruits ou ignorent simplement l’importance des législatives dans la vie de leur pays, ils ne savent pas qui, parmi les candidats, incarne au mieux leurs aspirations. Quant aux citoyens les plus avertis, ils se demandent à quoi sert de voter si les résultats sont connus d’avance. Les candidats à la députation ou au sénat profitent de cette ignorance et/ou résignation pour manipuler les électeurs.

Les médias et la société civile quant à eux ont une responsabilité importante. Investis d’une mission d’éveilleurs de conscience, ils se laissent entrainer dans le jeu politique et se mettent aux services des politiciens. Ils manipulent l’information et livrent aux citoyens de fausses promesses et mensonges qui permettent aux politiciens de se positionner comme des saints sauveurs aux yeux de la population.

En somme, les dysfonctionnements dans le parlement sont nombreux et s’ils sont liés à la personnalité des élus, il faut aussi admettre que les règles du jeu qui gouvernent la vie politique expliquent en grande partie la crise de confiance qui oppose le parlementaire Haïtien à son électorat.

Vitalème ACCÉUS
Anthropo-Sociologue
E-mail :acceus2009@gmail.com