By Rezo Nodwes -10 septembre 2019
A l’instar des poupons qui réunissent des marmites, de l’eau et du sable pour simuler des mets succulents, dans le fameux jeu puéril « Manman, Papa » ; les dirigeants Haïtiens implémentent tristement et aveuglément, avec les écoles classiques, un programme prêt-à-porter contraignant baptisé Nouveau Secondaire, soldé par un échec cuisant.
Le programme du Nouveau Secondaire est axé sur quatre principaux objectifs : i) Promouvoir la modernisation de l’enseignement secondaire ; ii) Accroître l’accès équitable à un enseignement secondaire moderne ; iii) Améliorer la qualité de l’enseignement secondaire et l’efficacité interne du sous-secteur ; iv) Renforcer la gouvernance du sous-secteur de l’enseignement secondaire.
Ces Objectifs ambitieux sont alimentés par des activités prétentieuses, quasiment impossibles à réaliser pour atteindre les objectifs qui deviennent alors des chimères, des vœux pieux, des phrases farfelues, de beaux rêves, des mensonges noirs sur blanc, de bonne ou de mauvaise foi.
Au troisième objectif du Nouveau Secondaire sont greffées, entre autres, les activités suivantes : construction de 230 lycées, de 12 salles à implémenter à l’échelle nationale ; équipement des lycées en infrastructures électriques et internet ; recrutement de 5356 nouveaux enseignants ; 230 nouveaux directeurs de lycées et 230 nouveaux coordonnateurs publics, etc.
Le quatrième objectif, comme le troisième, est truffé d’activités mensongères desquelles nous retenons, la dotation des écoles publiques secondaires en ressources matérielles adéquates et en outils de gestions nécessaires à une gestion moderne des écoles ; l’établissement de mécanismes de partenariat efficace et fonctionnel entre le secteur public et le secteur privé ; la dotation des directions des écoles de matériels et de ressources humaines qualifiées, pour accomplir leurs nouvelles tâches.
Comme les maquettes étincelantes et miroitantes conçues sous l’administration novice Martelly-Lamothe exhibant une Capitale et une Haïti de rêve avec des gratte-ciels, de belles voitures, sans pollution, sans fatras, sans trafic, sans blackout ; des stades à la Maracana, à la Camp Nu, à la Santiago Bernabéu, des « Highways », des campus universitaires, des édifices publics, des supermarchés et des lycées comme ceux de l’Amérique du Nord et de l’Europe, les dirigeants du système éducatif copient et collent les phrases des documents du système français et canadien pour berner la population dans de beaux objectifs, des velléités de changements de niveaux académiques, des transformations dans les pratiques et les mentalités pour « un virage vers la qualité ».
Si seulement un magicien avait transporté les maquettes et les belles visions sur du papier vers la réalité, Haïti aurait retrouvé, sans ambages, son visage d’antan de « Perle des Antilles ».
La motivation de l’Etat haïtien, endossée par le MENFP, pour entrer dans cette dynamique du Nouveau Secondaire a été justifiée par le constat d’un système défaillant, hétérogène, à plusieurs vitesses, qualifié d’hybride, avec des niveaux interscolaires et intra-scolaires hétérogènes.
Depuis 1982, des propositions judicieuses ont été soumises, via la réforme Bernard[1], pour entreprendre des modifications dans le système éducatif. Ce n’est qu’en 1997, soit 15 ans après, que certains efforts ont été consentis pour concrétiser l’initiative de mise en œuvre d’un nouveau plan de formation. L’officialisation des examens de la 9e Année, en 2002, participe de la réforme dans l’évaluation des élèves du cycle secondaire. Hybridations, chevauchements et confusions ont été les lots de cette mesure.
Les tenants[2] du Nouveau Secondaire ont avancé entre autres, les faibles taux de diplomation, l’inadéquation de la formation par rapport aux besoins de la société, l’aspect obsolète, traditionnel et archaïque du contenu de la formation par rapport aux dynamiques actuelles du savoir, l’inadéquation entre l’offre et la demande de formation en secondaire, pour se conforter dans cette nouvelle approche. C’est dans cette direction que le MENFP avait lancé, en 2007, une expérience pilote du Nouveau Secondaire avec 158 écoles et 800 élèves. L’objectif fondamental de ce projet consistait à rompre avec le secondaire traditionnel. Mais, les contraintes d’entrée dans cette nouvelle dynamique sont énormes.
A la lecture et l’observation des écarts entre les objectifs visés et les résultats constatés, ne devrait-on pas se demander si l’échec n’est pas encore plus regrettable. Electricité, équipements et matériels informatiques, structures et infrastructures adéquates sont des prérequis pour la concrétisation de ce projet ambitieux de Nouveau Secondaire.
Les fameux lampadaires, pour jeter de la poudre aux yeux de la population naïve, érigés par le gouvernement amateur et corrompu Martelly-Lamothe ne procuraient des éclairages que pendant quelques mois. La moribonde et budgétivore institution étatique, ED’H, ne peut même pas répondre pas aux exigences d’assurer l’éclairage aux alentours du Palais National. Le toit du Parlement n’est pas en mesure de « tromper la pluie » ; les cadres de l’Administration Publique ne sont pas convenablement dotés d’ordinateurs et de bureaux pour offrir les services publics.
Les professeurs nommés ne sont pas payés régulièrement ; certains dispensent des cours pendant des années sans décrocher leurs lettres de nomination ; d’autres, comme des moutons de panurge, ont également pris la fuite vers le Chili et le Brésil pour essayer d’échapper à la misère et la précarité ignominieuses. Les établissements scolaires sont délabrés, dépourvus de bibliothèques, de bancs, de toilettes hygiéniques, de personnels qualifiés. Les élèves sont démunis de livres, de cahiers ; ils meurent de faim. Alors, mille et une raisons d’être sceptiques sur les vrais mobiles des dirigeants du système éducatif qui ne font que mettre les charrues avant les bœufs, en recevant les dictées des partenaires ou faux-amis de l’International pour entrer « têtes baissées » dans des plans et des projets prêt-à-porter.
Le complexe de la Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf
La morale de cette métaphore de Jean de la Fontaine a été très poignante pour mettre en garde tout petit qui veut ressembler spontanément à un géant. « La chétive pécore s’enfla si bien qu’elle creva ; le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages ». À la seule différence de la fable de la Fontaine, dans le cadre du projet Nouveau Secondaire, la grosseur visualisée ne vient pas du petit ; plutôt, elle est imposée par le géant. Mais dans l’un ou l’autre cas, sans préparatif, sans patience, sans discipline, sans les étapes à franchir, le petit va toujours crever.
La détermination ou l’imposition reçue par Haïti pour entrer dans le Nouveau Secondaire n’est pas un phénomène unique. Ces mégalomanies ou égarements sont définitivement tissés avec l’ADN des dirigeants Haïtiens de la dernière décennie. Nous sommes passés pour des champions dans ces pratiques improvisées de vouloir emboîter le pas aux systèmes modernes, mais sans embrasser les disciplines, les renonciations, les méthodes et les sacrifices qui vont avec ces visions de changements dans les pensées, les réflexions, les gestions, les actions et les réalisations.
Le dirigeant Haïtien du siècle actuel nourrit toujours des chimères. Incapable de compter les bulletins en raison du blackout, inapte de transporter les bulletins des élections dans des conditions correctes, sauf avec l’aide de l’International, compromettant ainsi les résultats de nos scrutins, le CEP rêve des élections par votes électroniques. Evidemment, ce serait à l’avantage du pays, si des méthodes fiables seraient développées pour permettre à la diaspora de participer activement au choix des gouvernants. Pendant qu’aucune confiance n’est mise dans le système électoral actuel, souvent manipulé par des firmes et des cerveaux de l’International, comme Ostos-Sola, la présidence et son régime congénital s’engagent déjà dans des connivences avec un certain Dermalog et alimentent des suspicions qui viennent amplifier les inquiétudes et les méfiances.
Nous n’arrivons pas à structurer nos activités d’achat et reventes de « pèpès » avec les contrebandiers et les racketteurs du commerce national ; la Banque Centrale est désarticulée par les uppercuts du dollar sur la gourde ; le taux d’inflation bat son plein ; le système bancaire est débordé de transactions frauduleuses, de blanchiment d’argent ; pourtant nous osons penser à un marché boursier haïtien. Accusant des échecs spectaculaires dans les objectifs d’assurer le transport terrestre, les besoins nutritionnels et cosmétiques de base, la sécurité, la stabilité et la paix dans la Cité, les gouvernants nous Jovenélisent, nous Martèlent et nous Lamothent dans des promesses de projets de téléphériques, de stades flambants neufs et de viaducs.
Ayant failli à la mission d’assurer l’électricité et l’équipement des bâtiments scolaires, nous rentrons les yeux bandés et les têtes baissées dans un programme de Nouveau Secondaire avec d’énormes contraintes techniques et financières qui ne pourront être satisfaites sans des structures dynamiques, des entités compétentes et des capitaux financiers et humains substantiels.
Il n’existe pas de générations spontanées. Qu’il soit sur le plan politique, éducatif, social ou économique ; aucun pays, aucun Etat, aucune nation ne peut gagner à la loterie. L’avenir d’un pays se prépare, se conçoit et se crée avec des femmes et des hommes compétents, dignes, intègres, animés de bonnes intentions et de la vision transcendantale de l’atteinte du bien-être collectif.
La santé de l’éducation, de la culture, du social et de l’économique est tributaire de la praxis politique. Oui, nous pouvons imiter les grandes nations modernes dans tous les secteurs ; nous pouvons dresser et exécuter des plans d’éducation solides aux niveaux primaire, secondaire et universitaire; mais, pas avec des acteurs et bandits politiques sans cœur, sans tête, sans lecture ni écriture. Lorsque la politique veut, l’économie peut. Temps alors de donner le gouvernail politique à la décence, la probité, le savoir, le savoir-faire et le savoir-être afin de casser rendez-vous avec le développement socioéconomique.
Carly Dollin
carlydollin@gmail.com