À l’occasion des 120 ans du quotidien Le Nouvelliste, une exposition sera organisée le jeudi 3 mai 2018, au local du journal, en mémoire de Vladjimir Legagneur. Ce photojournaliste qui, parti en reportage à Grand- Ravine, l’un des quartiers les plus chauds de Port-au-Prince, depuis le 14 mars 2018, n’est jamais revenu. Sa disparition remonte à 1 mois et quelques jours, pourtant, aucune information officielle ne peut indiquer ce qu’est réellement devenu le photojournaliste. Sinon, une déclaration à demi-mot relatif à sa mort du ministre de la Culture et de la Communication -fraîchement nommé-, Guyler C. Delva. Pendant que la Police nationale d’Haïti, de son côté, enquête encore et encore.
En prélude à l’exposition, les collègues de Vladjimir Legagneur le présentent comme un amoureux transi de la photographie. Un passionné. « Il adorait son travail, ce qui est d’ailleurs évident. Sinon, il serait présentement avec nous. Tout cela c’est pour vous dire que Vladjimir avait de l’engouement. Il n’exprimait aucune peur lorsqu’il s’agissait du photojournalisme. Il était toujours au-devant de la scène», affirme Estaïlove Vush, photographe qui a côtoyé le disparu à Loop Haïti pendant une année, contacté par téléphone.
«Vladjimir, citoyen haïtien, photographe professionnel très fougueux, très attaché à son travail, que j’ai connu à Le Matin de 2011 à 2013. Un passionné qui prenait à cœur son métier et qui, sur le terrain, faisait exactement ce qu’on attendait de lui. Il tenait tant à ce que ses photos ‘’parlent’’. Malgré mon expérience dans ce domaine, j’apprenais toujours quelque chose de lui. Il avait une touche spéciale. Dans son travail, il transmettait les faits avec émotion », se rappelle Jean Jacques Augustin, secrétaire général de l’Union des journalistes photographes haïtiens (UJPH), joint également par téléphone.
Jeanty Junior Augustin, photojournaliste très proche de Vladjimir Legagneur, abonde dans le même sens. « Nous, photojournalistes, nous remplaçons les plumes par nos caméras. De fait, en faisant la couverture d’un évènement, ou un reportage, nous prenons en compte les 5 questions de base du journalisme. Donc, à partir de nos photos, pas besoin d’être sur place pour comprendre la réalité. Et c’était le travail de Vladjimir. Un travail très enrichissant », rapporte-t-il.
Vladjimir Legagneur utilisait donc ses photos pour dénoncer ce qui d’après lui méritait d’être signalé au sein de la société. « Comme cette fois où, après le 12 janvier, il a réalisé dans un camp, un reportage sur deux adolescents de 14 ans qui ont donné naissance à un bébé. Avec de simples prises, il voulait attirer l’attention sur des enfants qui mettaient au monde d’autres enfants. Il faisait un travail d’actualité », se souvient Jeanty Junior Augustin, le regard profond. Le photojournaliste de Le Nouvelliste estime que son ami cherchait toujours un brin de lumière dans les moments les plus sombres.
« À l’époque du cyclone Matthew par exemple, nombreux ont été sur le terrain et exposaient les dégâts. Mais, lui, il a choisi de faire un reportage beaucoup plus joyeux. Il est allé chercher l’enthousiasme des gens malgré leurs problèmes. Des enfants qui sont en train de jouer ou encore des adultes gardant quand même le sourire », poursuit Jeanty, qualifiant Vladjimir Legagneur de photojournaliste engagé, cherchant toujours à percer les problèmes. « Il écoutait tout le temps les infos. Il connaissait par cœur toutes les émissions à caractère sociopolitique.»
Proche des milieux défavorisés, pour y avoir travaillé pendant un certain temps, Vladjimir Legagneur voulait que les conditions changent. « Il a même conçu une émission dénommée L’opinion dans laquelle il donnait son avis sur des situations qu’il prenait pour graves. C’est dommage qu’il soit disparu dans de telles circonstances ; dans un ghetto en plus », regrette Jeanty Junior Augustin, à qui une journée n’aurait pas suffi pour parler de son bon ami.
Sindy Ducrépin