Lettre d’un député PHTK au président Bodeau : « La Caravane passe … sans lueur de changement »

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28 mai 2019 Rezo Nodwes

A l’approche de la saison cyclonique, le député Tet Kale, Jude Jean, constatant le désarroi du peuple, suggère à ses collègues de surseoir à leurs pensées électives et au Bureau de la Chambre Basse de convoquer les Députés à une convocation spéciale

Mardi 28 mai 2019 ((rezonodwes.com))–

La Chambre des Députés

Port-Au-Prince, le 27 Mai 2019

A l’Honorable Député Gary BODEAU,
Président de la Chambre des Députés,
Et aux Honorables Membres du Bureau.

Honorables Collègues,

Que la présente soit la traduction fidèle du désarroi rongeant le quotidien du peuple Haïtien, et ma consternation face à l’inaction du Pouvoir Législatif.

Honorable Président, Honorables membres du bureau, la décadence galopante des conditions de vie de la population Haïtienne, a dépassé les orées de l’absurde, et j’ai passé deux ans à poser ces questions aux collègues Députés : « En sommes-nous conscients ?» Serions-nous devenus déficients de nos sens et facultés, à comprendre les conjonctures, la réalité, et agir dans le sens d’un palliatif graduel, et des solutions durables certaines.

Le synopsis que je m’apprête à vous dresser n’est autre qu’un secret de polichinelle. Mais, vous m’aurez permis cette redondance, par nécessité de rappel. Rien n’a été sublime hier, mais aujourd’hui, honte à nous, dirigeants et acteurs, de constater ce bouquet de cauchemars et de mésaventures qu’a reçu le peuple.

Nos rues sont des dépotoirs à ciel ouvert, notre environnement non-entretenu n’est qu’un cancer sur mesure, d’ailleurs nous traversons quotidiennement des montagnes d’immondices en toute quiétude pour nous rendre au Parlement. Peu de pluie accouche une mer d’alluvions, inonde nos villes, corrode nos campagnes; et la saison cyclonique est à nos portes. Les risques sismiques demeurent, nous  y sommes pleinement exposés.

Pourtant, cette rencontre au sujet desdits risques dont j’ai été l’instigateur, organisée au Parlement avec les représentants du Gouvernement reste sans suivi. La dépréciation vertigineuse, fulgurante de la gourde mortifie les commerces, et ravale le pouvoir d’achat de la masse, et des salariés. Les employés et personnels des institutions publiques et privées, en particulier les Professeurs, Policiers, Personnels de Santé, n’ont aucun moyen de vivre dans la décence ; ils sont mal-payés, et exercent leurs métiers au mépris de l’encadrement de l’Etat. Les jeunes sont démunis, et croupissent dans le chômage et la misère.

Après leurs études, nos jeunes diplômés peinent à  mettre leur savoir au service du pays, en particulier ces jeunes professionnels de la santé ayant effectué leurs études à l’étranger qui, souvent, font face à d’énormes difficultés pour intégrer le système de santé du pays. Les étudiants des écoles privées et publiques confrontent régulièrement à de nombreux obstacles. Et, actuellement, les cris  de nos courageuses  étudiantes des  Ecoles  Nationales  d’Infirmières, notamment les revendications des étudiantes de l’Ecole Nationale d’Infirmières de la ville  des Cayes, doivent, de  toute  urgence, constituer l’objet de nos préoccupations. 

Les Paysans sont laissés pour compte, vivotent dans la précarité, sans brin d’accompagnement. Et, n’en parlons pas, de l’insécurité partout sur le territoire national,  avec tout ce qu’elle charrie: incendies de marchés, vols, tueries, anarchisme, et viols sur nos sœurs, nos  enfants et nos jeunes, nos valeureuses femmes du ghetto ainsi que nos paisibles  étudiantes.

A chaque jour des cadavres jonchent nos rues ; ces derniers temps, plusieurs policiers sont tués, dont un Inspecteur, pas plus tard qu’hier : pourtant le CSPN reste serein. L’Etat ne contrôle rien, tout lui échappe ; les services des institutions publiques et privées à l’instar des compagnies de téléphonie, ne sont pas suffisamment contrôlées. Les Collectivités Territoriales sont traitées en parents pauvres. Et malgré le blocage des projets des CASEC, le blocage des projets inscrits dans les budgets, la Caravane passe, en toute quiétude, sans lueur de changement. Voilà le constat! 

Tout cela argumente la nécessité de convocation. Moi, pour ma part, j’encourage les différents blocs et groupes de Députés à réfléchir sur les actions nécessaires à poser. C’est pour cela que je suggère au Bureau de convoquer les Députés à une rencontre spéciale afin de décider de notre action comme institution. Il nous faut une décision expéditive du Pouvoir Législatif, pour forcer chaque institution en ce qui la concerne, à agir sur les problématiques, sans délai, pour des solutions adéquates et urgentes.

Si aucun miracle ne présage la possibilité de changer les choses, nous n’en serions point innocentés.

Nul besoin d’attendre la prochaine marche, la prochaine manifestation, le prochain déferlement populaire à l’exemple du 6 et 7 juillet 2018, le prochain « pays lock », pour sursoir à nos pensées électives, de prochain mandat, pour prendre une décision historique salvatrice, susceptible de relever le niveau de la 50ème Législature, et du coup écrire une page d’histoire.

Si rien n’est fait, il adviendra l’innommable, suite à ce chaos généralisé, ce désordre institutionnalisé, cette rageuse gangrène.

Espérant, incessamment, que ladite convocation sera faite, Honorable Président, Honorables Membres du Bureau, recevez mes hautes considérations.

Patriotiquement vôtre, 

Jude JEAN, Député du Peuple,
Circonscription de Boucan Carré,
50ème Législature